Les gouvernements ne produisent aucune richesse.
L’argent dont ils disposent a soit été soutiré aux contribuables par les taxes et impôts ou été emprunté.
Dans le premier cas, il n’y a aucune raison pour que cet argent contribue davantage à la croissance économique s’il est dépensé par le gouvernement plutôt que par les contribuables desquels cet argent a été soutiré.
Dans le second cas, l’argent emprunté devra un jour être remboursé, ce qui sera fait à partir des taxes et impôts. La situation est donc la même que dans le premier cas.
En fait, ce que l’on observe est qu’une augmentation des dépenses du gouvernement fait généralement baisser l’investissement privé. C’est ce que les économistes appellent l’effet d’éviction.
Une étude très robuste de Davide Furceri et Ricardo Sousa observe, en utilisant un échantillon de 145 pays sur la période 1960 à 2007, que l’augmentation des dépenses gouvernementales a un impact négatif sur la consommation et l’investissement privé. En l’occurrence, ils trouvent qu’une augmentation de 1 % du PIB engendre une réduction de 1,9 % de la consommation et de 1,8 % de l’investissement.
Il est intéressant de noter que les résultats ne sont pas significativement affectés par le cycle économique, ce qui invalide par le fait même la théorie keynésienne selon laquelle les dépenses du gouvernement peuvent relancer l’économie lorsque celle-ci est coincée dans une « trappe à liquidité » ou simplement qu’elle est sous son « potentiel ».
Une autre étude, de Lauren Cohen et Joshua Coval cette fois, observe les changements occasionnés lorsqu’un sénateur est nommé chef du conseil d’un important comité sénatorial, obtenant ainsi un pouvoir énorme sur les dépenses de ce comité. L’étude a compilé 242 nominations sur 42 ans et note une augmentation de 40 % à 50 % de la proportion des dépenses du comité dirigées vers l’État dans lequel Å“uvre ledit sénateur. La situation revient généralement à la normale lorsque qu’il quitte la direction du comité.
Belle démonstration de corruption politique !
Ce n’est pas tout.
L’étude observe l’impact de ces hausses de dépenses sur le comportement des entreprises transigées en bourse opérant dans l’État en question. L’échantillon comporte 16 734 entreprises. En moyenne, suite à ladite augmentation des dépenses, les firmes réduisent en moyenne leurs investissements en capital de 8 % à 15 % et leurs dépenses en R&D de 7 % à 12 %. L’étude observe aussi que les entreprises subissent une baisse de leurs ventes, et réduisent leur nombre d’employés.
Si on prend la situation des États-Unis présentement, l’effet d’éviction est minimisé par la politique monétaire, puisque les énormes déficits du gouvernement fédéral sont financés par de la monnaie fraîchement créée par la Federal Reserve. Ainsi, l’endettement croissant du gouvernement ne fait pas augmenter les taux d’intérêt. Ce petit jeu pourrait tenir la route jusqu’à ce que les anticipations d’inflation montrent le bout du nez. Ceci étant dit, cela ne signifie pas que l’effet d’éviction ne soit pas à l’œuvre présentement. La situation fiscale des gouvernements fédéraux, étatiques et municipaux génère beaucoup d’incertitude, laquelle nuit à l’investissement.
Voici les détails concernant les études citées :
« The Impact of Government Spending on the Private Sector: Crowding-out versus Crowding-in Effects », Davide Furceri & Ricardo M. Sousa, NIPE WP 6, février 2009
http://www3.eeg.uminho.pt/economia/nipe/docs/2009/NIPE_WP_6_2009.pdf
« Do Powerful Politicians Cause Corporate Downsizing? », Lauren Cohen & Joshua Coval, NBER, mars 2010.
"En l’occurrence, ils trouvent qu’une augmentation de 1% du PIB engendre une réduction de 1.9% de la consommation et de 1.8% de l’investissement."
Une augmentation de 1% du PIB ou des dépenses de l'Etat ?
1% du PIB des dépenses de l'Etat :p
Effectivement, j'ai fait une "typo", c'est une augmentation de 1% des dépenses de l'État en pourcentage du PIB.
Pas besoin d'études empiriques pour comprendre l'effet d'éviction. Un peu de logique suffit : si l'Etat dépense plus, il doit ponctionner plus. Et s'il doit ponctionner plus, c'est au détriment du secteur privé.
Oui, c’est une évidence, s’il y a plus d’argent pour l’Etat, il y a en a moins pour les investissements privés. Mais est-ce une mauvaise chose?
On pourrait aussi parler d’effet d’éviction dans l’autre sens. S’il y a plus d’investissements privés, alors l’Etat aura moins de moyens.
Loin de moi l’idée de défendre toutes les dépenses de l’Etat. Mais le privé gaspille énormément aussi. Par exemple, il paie des gens dont le travail consiste à essayer de faire augmenter la consommation de cigarettes ou à faire vendre un maximum de voitures gourmandes en énergie. Les investissements de l’Etat dans l’éducation, la santé, les transports, la politique énergétique, etc. sont essentiels. Un Etat qui subit un trop grand effet d’éviction de la part d’entreprises privées ne payant pas assez d’impôts, cet Etat là ne peut plus remplir son rôle!
J’oubliais. La première phrase de l’article est franchement absurde. Comment peut-on affirmer que « les gouvernements ne produisent aucune richesse » simplement parce que les services qu’ils fournissent sont financés par l’impôt, plutôt que directement par les utilisateurs. Si on suit le raisonnement présenté dans l’article, on arrive à la conclusion qu’une école privée payée par les parents des élèves crée de la richesse, alors que ce ne serait pas le cas d’une école publique financée par l’Etat. C’est, répétons-le, absurde.
Cela dit, je suis d’accord avec la phrase jusqu’à un certain point. Ce n’est bien sûr pas le gouvernement lui-même qui produit la richesse, mais bien l’ensemble des fonctionnaires. Au même titre que les PDG ne fournissent qu’une petite partie du travail réalisé par les énormes organisations qu’ils contrôlent.
Je suis d’accord aussi pour dire qu’il y a beaucoup de paperasse inutile dans les administrations. Mais là encore, c’est également souvent le cas dans les entreprises privées. Sans oublier le rôle parasitaire des actionnaires. Je préfère qu’un million d’euro soit versé à quelques milliers de fonctionnaires qui ne font pas grand chose plutôt qu’à des actionnaires qui ne font rien du tout.