Pourquoi y a-t-il des cycles économiques et des récessions ? (1)
Qu’est-ce que l’État doit faire lorsque l’économie est en récession ?
Pour se sortir de ce marasme, il faut que la structure de production s’adapte à la nouvelle structure de l’économie. C’est la destruction créatrice qui entre en jeu. Les ressources libérées sont réallouées dans l’économie. De plus, le capital investi dans de mauvais projets durant le boum est perdu et devra être remplacé. Pour ce faire, les mauvais prêts doivent être radiés, les dettes remboursées et l’épargne réel doit fournir le capital nécessaire à financer la reprise. Finalement, les prix doivent aussi s’adapter à la nouvelle réalité du marché et à la quantité de monnaie en circulation ; ce qui signifie généralement qu’ils doivent baisser.
À cet égard, l’économiste Joseph Schumpeter a élaboré une théorie bien intéressante nommée destruction créatrice. Selon lui, les récessions sont salutaires et fertiles au progrès économique. Les innovations arrivent en grappes presque toujours au creux de la récession, parce que la crise bouscule les positions acquises et rend possible l’exploration d’idées nouvelles et ouvre des opportunités.
Les récessions exposent les faiblesses de certains modèles d’affaires vétustes, elles créent de nouvelles opportunités et tuent les mauvaises habitudes, laissant le champ libre aux nouvelles idées innovatrices. Les facteurs de productions peuvent être achetés de ceux qui les utilisent mal par ceux qui les utiliseront mieux. Les exemples sont nombreux.
DuPont a investi massivement en recherche et développement et a engagé des scientifiques qui étaient au chômage durant la Grande Dépression. Vers la fin des années 1930s, 40% de ses ventes provenaient de produits qu’elle avait développés durant la dépression, tels que le nylon et le caoutchouc synthétique.
Les entreprises qui ont pris leur envol durant la Grande Dépression des années 1930s sont nombreuses, incluant Revlon, Hewlett-Packard, Polaroid et Pepperidge Farms.
C’est quand l’Union Soviétique s’est effondrée, plongeant la Finlande en sérieux problèmes économiques, que Nokia a décidé d’abandonner 90% de ses lignes d’affaires pour se concentrer sur les télécommunications, surtout sur la téléphonie sans-fil, industrie dont elle est devenue l’un des leaders.
Une étude de Bain Capital Group sur la période 1985-2001 a démontré que les fusions/acquisitions réalisées durant les récession ont généré un rendement environ 15% supérieur à celles faîtes durant les périodes de croissance économique.
La Fondation Kauffman, laquelle étudie l’entreprenariat, mentionne que la moitié des entreprises du Fortune 500, incluant FedEx, CNN et Microsoft, ont été fondées soit durant des récessions ou durant des périodes de faiblesse économique. La plupart de ces entreprises sont apparues à partir d’idées qui ont révolutionné leur industrie.
La destruction créative ne fonctionne pas dans une économie socialiste. L’État y a le monopole et n’a aucune pression compétitive pour stimuler l’amélioration de la productivité par l’innovation. C’est ce qui a été observé en Union Soviétique après la chute du rideau de fer. On y a observé de la machinerie agricole fonctionnant avec des moteurs à vapeur développés dans les années 1920.
L’industrie pétrolière soviétique fut aussi un cas spectaculaire démontrant ce qui se produit en l’absence de destruction créative. Les technologies utilisées dans les années 1980s dataient des années 1950s, et ce allant du simple outil de forage jusqu’aux activités de raffinage. Le matériel de forage était primitif ; incapable de dépasser 3.000 pieds sans se briser (ce qui est un problème majeur lorsque la plupart des gisements restants dépassaient cette profondeur).
En somme, durant les récessions, l’État doit en faire le moins possible. Il doit laisser les prix fluctuer librement et les entreprises en difficulté faire faillite. Il doit laisser le capital productif de l’économie s’ajuster et se reconstruire à partir de l’épargne réelle. Ce processus est sans aucun doute facilité lorsque les impôts sont minimisés de façon à maximiser l’épargne. De plus, l’État doit éviter de générer des déficits de façon à ne pas absorber de capital qui aurait pu être utilisé par des entrepreneurs pour relancer l’économie. Bien entendu, pour éviter les déficits tout en minimisant les impôts, l’État doit se serrer la ceinture et réduire ses dépenses. Nous allons voir pourquoi dans la prochaine section.
Est-ce que les dépenses du gouvernement stimulent l’économie ?
Malheureusement, du côté des gouvernements, il est très peu « payant » politiquement de ne rien faire durant les récessions, voire de couper les dépenses. Au contraire, les gouvernements sont gérés selon les théories de l’économiste John Maynard Keynes.
La recette keynésienne va essentiellement comme suit : durant les récessions, les gouvernements doivent augmenter leurs dépenses, même si pour cela ils doivent tomber en déficit budgétaire et s’endetter. La dernière récession n’a pas fait exception à cette règle, ayant été accompagnée de multiples plans de relance impliquant d’importantes dépenses gouvernementales. Néanmoins, ces dépenses n’arrivent pas à relancer l’activité économique de façon soutenable. Pourquoi ?
Tout d’abord, les gouvernements ne produisent aucune richesse. L’argent dont ils disposent a soit été soutiré aux contribuables par les taxes et impôts ou été emprunté. Dans le premier cas, il n’y a aucune raison pour que cet argent contribue davantage à la croissance économique s’il est dépensé par le gouvernement plutôt que par les contribuables desquels cet argent a été soutiré. Dans le second cas, l’argent emprunté devra un jour être remboursé, ce qui sera fait à partir des taxes et impôts. La situation est donc la même que dans le premier cas.
Certains diront qu’il est mauvais que les gens épargnent durant les récessions. Il n’y a rien de plus faux ! Cet argent épargné ne reste pas enfoui sous un matelas ou enfermé dans un coffre-fort (sauf peut-être lorsqu’il est en possession d’organisations criminelles, mais là c’est une autre histoire). L’épargne est soit déposée à la banque ou investie sur les marchés financiers. Les banques et les marchés financiers canalisent cette épargne vers les entrepreneurs qui l’utiliseront pour investir dans leur capital productif. Donc, d’une façon ou d’une autre, l’argent est dépensé. Pourquoi faudrait-il que ce soit le gouvernement qui le dépense ? Est-il le mieux placé que les entrepreneurs et les investisseurs pour savoir dans quoi il faut le dépenser ? Permettez-moi d’en douter…
Certains observeront que durant la récession, les producteurs ne produisent pas à pleine capacité étant donné la faiblesse de la demande. Ils ont donc de la capacité excédentaire. Alors pourquoi investiraient-ils dans leur capital productif dans ce cas ? Premièrement, les industries dans lesquelles il y a de la surcapacité de production sont surtout celles qui ont été sujettes aux mauvais investissements durant le boum économique insoutenable. La solution ne consiste pas à tenter de relancer la demande de ces industries. Elle consiste plutôt à ce que le gouvernement s’abstienne d’intervenir pour que ces entrepreneurs réalisent que la demande n’est plus là et que ce capital soit réalloué ailleurs dans l’économie, dans de nouvelles industries plus prometteuses. Deuxièmement, les investissements ne servent pas nécessairement à augmenter la capacité de production. Ils peuvent aussi servir à diminuer les coûts de production, améliorer la productivité et à développer de nouvelles technologies plus efficaces. Ce sont ces initiatives qui remettront l’économie sur le droit chemin.
Il y a une autre raison pour laquelle les plans de relance économiques des gouvernements échouent. Les entrepreneurs ne sont pas dupes ; ils savent que ces nouvelles dépenses gouvernementales ne sont que temporaires. Ainsi, si vous aviez une entreprise de construction et que le gouvernement fédéral vous octroyait un contrat dans le cadre d’un plan de relance, allez-vous vous mettre à investir dans votre entreprise et à embaucher des employés permanents ? Bien sûr que non ! Car vous savez que cette « manne » n’est que temporaire et ne représente aucunement de la demande durable. Donc une fois le stimulus passé, c’est le retour à la case départ.
Pourquoi alors est-ce que les gouvernements déploient des plans de relance économique lors des récessions ? Outre l’argument politique évoqué plus tôt, il y a aussi la croyance selon laquelle les dépenses du gouvernement génèrent plus de richesse que celles des contribuables ; le fameux mythe des retombées économiques !
Par exemple, supposons qu’un gouvernement utilise l’argent des contribuables pour financer un événement quelconque, disons un spectacle musical à Québec. Le gouvernement tente de nous faire avaler que cette dépense générera de la croissance économique puisque l’artiste qui recevra cette subvention va dépenser l’argent, disons au restaurant. Le restaurateur dépensera à son tour l’argent chez son fournisseur de vin, lequel dépensera l’argent chez le producteur de vin, et ainsi de suite. Par conséquent, chaque dollar dépensé par le gouvernement génère une infinité de retombées économiques ! De plus, tous ces gens vont finir par payer des taxes et impôts, qui vont revenir dans les poches du gouvernement. La dépense se paie donc d’elle-même ; n’est-ce pas fantastique ?
En vérité, le gouvernement n’a pas un pouvoir magique que les contribuables n’ont pas, outre celui de taxer et de contraindre. Si au lieu de dépenser cette somme, le gouvernement la remettait aux contribuables qui la lui ont fournie, ces contribuables pourraient dépenser l’argent à leur guise et les fameuses retombées économiques seraient équivalentes, à l’exception que ces contribuables auraient la satisfaction d’avoir dépensé l’argent qu’ils ont légitimement mérité de la façon qui leur convenait le mieux.
À cet égard, l’économiste français Frédéric Bastiat (1801-1850) a pondu une excellente parabole intitulée La vitre cassée.[1] L’histoire va comme suit :
Par accident, le fils de Jacques Bonhomme fracasse un carreau de vitre de sa maison. Des passants s’attroupent devant la vitrine pour constater les dégâts. Les gens se mettent à discuter et quelqu’un en vient à conclure : « À quelque chose malheur est bon. De tels accidents font aller l’industrie. Il faut que tout le monde vive. Que deviendraient les vitriers, si l’on ne cassait jamais de vitres ? » Tout le monde hoche de la tête pour signifier leur accord. Ces gens croient que le vitrier dépensera l’agent obtenu de Jacques Bonhomme pour la réparation, ce qui générera pleins de retombées économiques, n’est-ce pas ?
Où est l’erreur dans ce raisonnement ? Comme disait Bastiat, « il y a ce qu’on voit et il y a ce qu’on ne voit pas ». Le travail donné au vitrier, c’est ce qu’on voit, mais qu’en est-il de ce qu’on ne voit pas ? Si on suppose que remplacer la vitrine coûte $500, le remplacement de cette vitrine va générer pour $500 d’activité économique, mais que ce serait-il produit si la vitrine n’avait pas été cassée ? Jacques Bonhomme n’ayant pas eu à se départir du $500 pour remplacer la vitrine n’aurait-il pas pu lui aussi le dépenser et aussi générer $500 d’activité économique, tout en jouissant encore de sa vitrine ? La vitre étant cassée, l’industrie vitrière est encouragée ; c’est ce qu’on voit. Si la vitre n’eût pas été cassée, une autre industrie aurait été encouragée ; c’est ce qu’on ne voit pas. Ainsi, la société aurait été plus riche si le fils de Jacques Bonhomme n’avait pas brisé la vitre, puisque Jacques Bonhomme aurait pu dépenser son argent pour augmenter son niveau de vie, plutôt que pour de simplement le maintenir en faisant réparer la vitre. La destruction ne crée pas de richesse… elle en détruit !
Ce même raisonnement s’applique aux dépenses du gouvernement ; elles ne contribuent pas davantage à l’activité économique que les dépenses des contribuables. Il s’applique aussi aux guerres et aux catastrophes naturelles. Beaucoup de gens véhiculent le mythe selon lequel les guerres stimulent l’économie. Comment peut-on dire que l’on crée de la richesse lorsqu’on détruit inutilement des biens et gaspille des ressources ? Ce mythe survit encore en raison du fait que la Grande Dépression des années 1930s s’est terminée au cours de la Deuxième Guerre Mondiale (1939-1945), du moins pour les États-Unis. Le déficit du gouvernement américain a atteint $55 milliards en 1943, alors qu’il n’avait pas dépassé $3,5 milliards durant la Grande Dépression.
Ce qui s’est produit en fait est qu’en envoyant tous ces hommes à la guerre et en employant les autres à la fabrication de l’arsenal militaire, le gouvernement a fait disparaître le chômage. En tout, 10 millions d’hommes ont été envoyés au front, soit 20% des travailleurs.[2] La guerre a même permis de mobiliser les femmes et de les introduire sur le marché du travail pour augmenter la production. Cependant, tout cela s’est fait au prix d’une grande augmentation de l’endettement. Les américains ont hypothéqué leur futur pour y arriver, en dilapidant leur capital productif et en l’orientant sur la guerre. Le produit intérieur brut a certes augmenté durant la guerre, mais c’est parce que sa comptabilisation incluait toutes les dépenses de guerre, incluant les salaires des soldats. La vie était pénible pour les américains durant cette guerre. L’essence et les pneus étaient rationnés, ce qui rendait les déplacements difficiles, beaucoup d’ouvriers devaient travailler la nuit pour assurer la continuité de la production d’armements, le taux d’accident de travail a grandement augmenté en raison du fait que des ouvriers inexpérimentés devaient être engagés, la qualité des logements se dégradait fut l’interdiction de construction résidentielle décrétée par le gouvernement, les gens devaient attendre longtemps en ligne pour obtenir des biens de première nécessité vu le rationnement et les contrôles de prix. En somme, le niveau de vie des américains s’est grandement détérioré durant la seconde guerre mondiale.
La guerre a peut-être mis fin à la récession, mais elle a grandement appauvrit les Américains. Il est vrai que l’économie américaine a par la suite été relancée par sa participation à la reconstruction de l’Europe, mais cela s’est fait au détriment de l’Europe qui elle a dû assumer la facture et s’endetter pour la régler. Les guerres détruisent de la richesse, purement et simplement.
(À suivre)
Notes :
[1] http://bastiat.net/fr/oeuvres/cqovecqonvp.html#vitre_cassee
[2] “World War II and the Triumph of Keynesianism”, Robert Higgs, The Independent Institute, 8 octobre 2001.
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