Pourquoi y a-t-il des cycles économiques et des récessions ? (1)
Pourquoi y a-t-il des cycles économiques et des récessions ? (2)
Qu’est-ce qui a causé la Grande Récession de 2008 ?
Note : je vous recommande de lire la partie 3 de ma série d’articles sur les bulles spéculatives si ce n’est pas déjà fait. Ces deux articles se complètent bien.
Suite à l’éclatement de la bulle techno en 2000 et la récession qui a suivi en 2001, la banque centrale américaine, la Federal Reserve, a entrepris une politique monétaire expansionniste dans le but de relancer l’économie ; c’est-à-dire qu’elle s’est mise à accélérer le rythme de création de nouvelle monnaie. Cette création de monnaie a bien entendu mis de la pression à la baisse sur les taux d’intérêt. Le graphique ci-bas montre le taux cible de la Federal Reserve (ligne foncée) et le taux hypothécaire variable de un an (ligne pale). Vous pouvez y observer qu’entre 2000 et 2004, les taux hypothécaires ont baissé drastiquement.
Suite à l’effondrement des marchés financiers durant la bulle techno de 2000, les gens étaient passablement traumatisés par la bourse. C’est alors que s’est développé un nouvel engouement pour l’immobilier. Cet engouement a bien entendu été stimulé et encouragé par les politiques du gouvernement visant à améliorer l’accès à la propriété.
Le graphique suivant montre qu’avec les bas taux d’intérêt, les gens se sont mis à épargner moins et dépenser plus en s’endettant, surtout pour acheter des maisons. Il présente le taux d’épargne (ligne rouge) et la dette des ménages en pourcentage du PIB (ligne bleue).
Cette nouvelle demande de maisons financées par le crédit facile a généré un boum dans les ventes de maisons et les nouvelles constructions. Le graphique suivant présente ces deux statistiques. Évidemment, nous avons aussi observé un gros déplacement de main d’oeuvre et de capital vers l’industrie de la construction, tel que démontré dans le second graphique.
Les prix des maisons ont augmenté très rapidement entre 2001 et 2006. Pendant ce temps, la consommation d’autres biens et services est demeurée vigoureuse. Comment les gens ont-ils pu à la fois investir dans l’immobilier résidentiel et maintenir leur consommation de biens et services ? Grâce à l’endettement ! Cette dette a donc permis aux consommateurs de devancer leurs décisions économiques dans le temps ; et ça ne coûtait pas cher vu les bas taux d’intérêt poussés à la baisse par la création de monnaie orchestrée par la banque centrale.
Cependant, toute cette création de monnaie a commencé à générer de l’inflation. Le graphique ci-bas montre une mesure utilisée par beaucoup d’économistes pour mesurer l’inflation, soit le changement dans l’indice des prix à la consommation excluant la nourriture et l’énergie. On peut voir qu’en 2006, il apparaissait clair que l’inflation allait sortir de la fourchette cible de la banque centrale. Celle-ci a donc décidé de ralentir le rythme de la création de monnaie. Cette politique a généré une hausse des taux d’intérêt qui a mis fin à cette bulle insoutenable. Les prix des maisons se sont mis à chuter. Les consommateurs, surendettés, se sont mis à remettre les clés à la banque plutôt que de faire leurs versements hypothécaires. Le chômage est alors apparu, surtout dans l’industrie de la construction, où il a atteint plus de 20%, puisque c’est cette industrie qui a été la cible de la plupart de ces mauvais investissements.
Quelle a été la réaction du gouvernement ? Malheureusement, nos gouvernements observent les prescriptions de l’économiste John Maynard Keynes. Le gouvernement fédéral américain a mis en place un gigantesque plan de relance économique : le American Recovery and Reinvestment Act (ARRA) de février 2009, comprenant des dépenses de $787 milliards. Le but de cette politique était de créer de l’emploi en stimulant la demande de biens et services.
Plutôt que de laisser la récession nettoyer les mauvais investissements et remettre l’économie sur le droit chemin, le gouvernement a préféré y aller d’une solution coûteuse et inefficace. Ce plan a créé beaucoup de confusion et d’incertitude dans l’économie. Il a fait en sorte de maintenir en vie des entreprises et des emplois qui auraient dû disparaître. Ainsi, le plan de relance a retardé la véritable reprise économique. À cet égard, les statistiques ne mentent pas. Le graphique suivant montre le taux de chômage. La ligne bleu-pale au milieu montre le taux de chômage prévu en février 2009 par la Maison Blanche si aucun plan de relance n’avait été adopté. La ligne bleue du bas montre le taux de chômage prévu par la Maison Blanche avec le plan de relance, c’est-à-dire ce qui aurait dû se produire selon l’administration Obama. La ligne rouge montre le taux de chômage qui a été réellement observé. En fait, le taux de chômage a été encore plus élevé que le taux prévu sans le plan de relance! Et ce n’est pas tout; le taux de chômage officiel n’inclue pas les travailleurs découragés, c’est-à-dire ceux qui ne se cherchent plus un emploi. En incluant ceux-ci, le véritable taux de chômage a presque atteint les 18% ! On peut donc conclure que le plan de relance a été un échec lamentable et coûteux.
Pourquoi est-ce que le taux de chômage a augmenté dans toutes les industries (sauf au sein du gouvernement) et non seulement dans la construction malgré le fait que la bulle spéculative de 2006 a sévi dans l’immobilier ? Il ne faut pas oublier qu’une portion significative de l’industrie manufacturière américaine est directement reliée à la construction. Par exemple, si vous fabriquez des peintures de portes d’armoires de cuisine, des aspirateurs centraux, des stores verticaux, des vis à gypse, des moulures en mdf, des robinets, etc, la prospérité de l’entreprise qui vous emploi sera fort influencée par l’industrie de la construction résidentielle. Il y a aussi eu beaucoup d’emplois affectés dans les services : tels que les agents immobiliers, les notaires, les décorateurs, les paysagistes, les arpenteurs, les architectes, les préposés aux prêts hypothécaires dans les banques, etc. Et que dire de l’industrie du bois d’oeuvre et autres matériaux de construction, qui ont connu tout un choc suite à l’implosion de la bulle. Ensuite, il faut considérer l’industrie du commerce de détail et les manufacturiers des produits que ceux-ci vendent, parce que beaucoup d’américains ont profité de la bulle pour réhypothéquer leur maison à une valeur plus élevée, ce qui leur a permis de hausser leur consommation à court terme, par exemple pour s’acheter de nouveaux meubles, des cinéma-maisons, des bateaux, etc. Après le passage de cette manne, le retour à un niveau de consommation non-dopé par l’endettement a été brutal pour ces industries. Ainsi, l’implosion de la bulle immobilière n’a pas seulement affecté les emplois directs dans la construction, mais presque tous les emplois.
Suite à ce plan de relance, la dette du gouvernement américain atteint maintenant environ 92% du PIB, excluant les obligations reliés aux programmes sociaux. Pour payer le plan de relance, en 2010, le gouvernement américain dû emprunter presque autant d’argent que tous les autres pays du monde réunis. La dette totale des États-Unis (gouvernements, entreprises et particuliers) a atteint 360% du PIB, dépassant ainsi le niveau de 300% observé durant la Grande Dépression. Une grande partie de cette dette a été achetée par la banque centrale avec de la monnaie nouvellement créée.
De son côté, la Federal Reserve a créé des billions de nouvelle monnaie pour influencer les taux d’intérêt à la baisse. Son taux cible est en fait tombé à presque zéro, son but étant d’inciter les consommateurs et les entreprises à s’endetter pour relancer leurs dépenses. Malheureusement, si la cause de cette récession (et de toutes les récessions) est le surendettement facilité par la création excessive de monnaie, son remède ne sera certainement pas l’endettement. Ce serait comme tenter de se remettre d’une gueule-de-bois en engloutissant un litre de vodka !
(À suivre)
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