Cette nouvelle année voit le lancement d’un nouveau corps de superviseurs financiers de l’UE : l’Autorité bancaire européenne, l’Autorité européenne de l’assurance et des pensions professionnelles, et l’Autorité européenne des titres et des marchés. Si vous ne l’avez pas encore fait, vous pouvez lire notre avis sur ces nouveaux superviseurs ici (document pdf).
L’eurodéputé vert Sven Giegold (Allemagne), qui a joué un rôle de fer de lance sur ces questions au parlement européen, semble être leur plus ardent supporter. Il a dit à la chaine de télévision allemande ARD que les problèmes gigantesques du secteur bancaire irlandais « auraient pu être évités par des superviseurs de l’UE, grâce à leurs nouveaux moyens d’action légaux. »
Hmm, une explication un peu simpliste, non ?
M. Giegold n’aurait pas besoin de regarder très loin pour voir la raison pour laquelle son raisonnement est douloureusement incomplet. En fait, tourner le regard vers Francfort et la BCE suffirait amplement.
Comme on l’entend souvent répété désormais, les taux d’intérêts très bas de la zone euro, essentiellement conçus pour une Allemagne léthargique, ont créé un abondance de crédit pas cher en Irlande, entrainant à son tour une bulle immobilière qui a éclaté avec la crise financière de 2008, tandis que le gouvernement Irlandais faisait semblant de l’ignorer. Les banques irlandaises sont devenues insolvables, et la dette privée est devenue de la dette publique par le biais du sauvetage des banques.
Des taux d’intérêt trop bas n’étaient pas le seul problème, mais ignorer les problèmes qu’ils ont causés en Irlande est tout simplement sot. La position de Giegold pose donc quelques difficultés :
1. Il est héroïque de supposer que les superviseurs, d’une façon ou d’une autre, par le simple fait d’être gérés au niveau européen et non pas au niveau national, repéreraient les dangers de crédit imminents, et agiraient en conséquence. Il n’est pas clair non plus pourquoi les superviseurs de l’UE seraient moins susceptibles à un « détournement » commercial ou politique que leurs alter-egos nationaux.
2. Les régulateurs trouvent général difficile d’identifier les bulles, où qu’elles se trouvent (dans le Spectator, Johan Norberg fait de la belle ouvrage pour déconstruire les hypothèses qui sous-tendaient la pensée dominante avant le crash de 2008). L’irlande, pas exemple, avait joui d’une saine croissance depuis le début des années 90, grâce à de courageuses réformes économiques. L’explosion du prix des maisons pouvait sembler normale dans de telles circonstances économiques. Il n’est pas du tout clair que les nouveaux superviseurs de l’UE posséderaient les compétences nécessaires pour vraiment fouiller dans les marchés, ou pour savoir où chercher (les régulateurs américains, de toute évidence, n’ont pas su, pré-Lehman Brothers).
Une fois qu’on a dit cela, cependant, dans le meilleur scénario possible, l’Autorité bancaire européenne, main dans la main avec le Conseil européen du risque systémique, pourrait en théorie servir de facilitateur de partage de l’information important, pour permettre aux régulateurs/superviseurs de se maintenir à la hauteur des derniers développements, tels le système de « shadow banking », et contrôler les leviers en conséquence. L’autorité bancaire pourrait aussi coordonner les cas où des banques actives au delà des frontières nationales, exposent des contribuables et des épargnants dans différents pays à des risques, idéalement pour aboutir à des démantèlements de banques insolvables à un coût minimum, plutôt qu’à plus de sauvetages sur le dos des contribuables (qui ne résolvent rien).
3. Mais, et c’est là que ça coince, même si les superviseurs de l’UE arrivaient à repérer, disons, une bulle immobilière, et à l’arrêter (par des impôts et taxes au niveau national et par une régulation des marchés immobiliers, par exemple), le problème de l’excès de crédit pas cher, alimenté par des taux d’intérêts trop bas, ne serait en rien résolu. Il y a toujours autre chose pour dépenser du liquide, en dehors d’une maison. Si l’argent est bon marché, la prise de risque est facile. Et plus on prend, plus il y a de place pour des bulles.
La seule façon de tuer dans l’Å“uf une explosion du crédit bon marché, c’est de rendre l’argent plus cher, par le biais de taux d’intérêts plus élevés. Mais le dilemme familier ressort alors le bout de son nez : dans une union monétaire, il n’est pas possible de tailler sur mesure les taux d’intérêts de la sorte, ce qui veut dire que les superviseurs de l’UE pourront toujours s’époumoner à hurler « bulle » autant qu’ils voudront.
Mais ça, c’est une conclusion à laquelle il est difficile d’aboutir si on a un engagement économique en faveur de la prise de décision centralisée et d’une monnaie unique pour tout le monde …
Repris du blog d’Open Europe avec l’aimable autorisation de ses responsables.
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