Le régime monétaire d’avant 1914 – l’étalon-or – s’est progressivement effrité au cours du XXème siècle. Cette course à l’abîme s’est terminée au début des années 1970 par la « fermeture de la fenêtre or ». De la conférence de Gênes de 1922 à l’annonce de Nixon, en passant par l’étalon de change-or de l’entre deux guerres, et par Bretton Woods, Jacques Rueff n’a jamais cessé d’alerter les autorités et l’opinion sur les dangers de cette évolution.
L’auteur : Jacques Rueff sur Wikibéral
« D’aucuns s’étonnent sans doute qu’en 1961 j’aie, presque seul dans le monde, osé évoquer les dangers qu’impliquait, dans son état du moment, le système monétaire international. »
Certes, l’économiste autrichien Henry Hazlitt avait fait le même diagnostic dès 1944, mais Jacques Rueff fut certainement le premier en France à annoncer l’échec prévisible du système monétaire de l’après-guerre. Dans une série d’articles parus dans Le Monde en 1961 – retranscrits dans son livre – Rueff reprend la critique qu’il avait déjà adressée à l’étalon de change-or des années 1920. Tandis que, dans l’étalon-or, les règlements internationaux sont faits principalement en or, l’étalon de change-or et Bretton Woods élèvent quelques devises privilégiées au même statut que le métal jaune. Dans un tel régime, les banques centrales s’engagent à accepter le dollar (et la livre sterling avant la guerre), et encouragent la multiplication des signes monétaires, le maintien de déficits commerciaux et budgétaires intenables. Comme l’écrit Rueff dans une formule concise, Bretton Woods permettait la croissance de « deux pyramides de crédit sur le stock d’or des Etats-Unis. »
Rueff est d’abord l’artisan de la réforme du nouveau franc en 1958, dont les effets seront malheureusement de courte durée. Puis, fort de la confiance que lui accorde de Gaulle, il inspire un célèbre discours de 1965 sur le « privilège exorbitant du dollar, » qui figure également dans le livre. Mais en pleine guerre du Vietnam, les appels à la modération du président français ne suffirent pas non plus à enrayer la planche à billets américaine. En désespoir de cause, Rueff voit arriver l’effondrement de Bretton Woods. Il publie son livre quelques semaines à peine avant l’annonce de Nixon, qui confirme l’abandon de la convertibilité en or.
Comme on le voit, Le péché monétaire de l’Occident est une lecture indispensable en ces temps de troubles monétaires internationaux. On peut trouver à redire sur certains points de la théorie monétaire de Rueff, mais on ne peut nier qu’il était dans l’ensemble très bien inspiré – notamment par Ludwig von Mises – et qu’il a su traduire ses analyses dans un langage utilisable dans le débat public. Qui sera le Jacques Rueff de la prochaine réforme du système monétaire ?
Compléments :
Autour de Jacques Rueff et du « péché monétaire de l’Occident », séminaire du 18 juin 2009 à l’Institut Turgot avec Charles Le Lien.
Deux émissions (ici et là ) par Georges Lane, collaborateur de Jacques Rueff avec Emil-Maria Claassen, et éditeur de ses œuvres complètes
Bibliographie de Jacques Rueff sur le site de l’Académie française.
TABLE DES MATIERES
PROLOGUE
PREMIERE PARTIE. — INTRODUCTION DE L’ETALON DE CHANGE-OR
Le diagnostic de juin 1961
Un danger pour l’Occident : le gold-exchange standard
Le système monétaire de l’Occident peut-il durer ?
DEUXIEME PARTIE. — ESSAIS DE PERSUASION
Prudence et discrétion
La conférence de Presse du général de Gaulle
Mon interview à l’ « Economist »
Le rôle et la règle de l’or
Le Temps de l’action
Triffin et moi
TROISIEME PARTIE. — L’ENTREE EN SCENE DES EXPERTS
L’environnement
Une médication purement symptomatique
L’erreur de diagnostic décisive : l’insuffisance des liquidités internationales
Des plans d’irrigation pendant le déluge
La mise en Å“uvre des directives de Washington
Nathanaël ou l’or-papier
Une hérésie économique : le projet de « recyclage » des capitaux exportés
QUATRIEME PARTIE. — « ON AURA LES CONSEQUENCES »
Une évolution irréversible
Lettre à des amis Américains
Ce qui doit arriver arrive
Et maintenant : la précaire hégémonie du dollar
EPILOGUE
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