Adieux et licenciements

Le cadeau du jour des Rois à Cuba : une lettre de licenciement

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Adieux et licenciements

Publié le 14 janvier 2011
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Elle était avocate dans une entreprise de Camagüey, jusqu’à ce que le jour des Rois on lui remette, non pas un cadeau, mais sa lettre de licenciement. Découragée, elle a rapporté à la maison le verre de plastique dans lequel elle buvait de l’eau au travail, et cette plante à petites feuilles qui ornait son bureau. Dans un premier temps elle n’a pas su comment le dire à son mari qui était déjà sans emploi, elle n’a même pas appelé ses parents pour leur dire qu’on avait mis leur fille à la porte dans le cadre de la nouvelle organisation du travail. Elle a supporté et s’est tue pendant le repas du soir, tandis que le journal télévisé national parlait avec optimisme des nouvelles voies vers l’efficacité. Mais une fois couchée, et dans la pénombre de la chambre, elle lui a expliqué qu’il n’avait pas à mettre le réveil parce que le lendemain elle n’aurait pas à se lever tôt. Sa nouvelle vie sans travail avait commencé.

Après avoir réduit le personnel, l’administrateur de ce centre de Camagüey a contracté les services d’un cabinet d’avocats pour traiter les questions juridiques. Si auparavant la dite avocate s’occupait de toute la paperasserie juridique pour seulement 500 pesos par mois (moins de US$25), maintenant l’entreprise doit verser quelques 2.000 pesos pour bénéficier de l’assistance d’une institution externe. Cette arithmétique tourmente la juriste au chômage car elle n’a même pas la consolation que sa mise à pied ait servi à rendre l’entreprise plus rentable. Pour comble, les employés les plus fiables politiquement ou les plus amis du directeur sont restés à leur poste. Ils ont pu s’en sortir en présentant leurs emplois de bureaucrates inutiles comme directement liés à la production. C’est ainsi que le Secrétaire Général du PCC est présenté aujourd’hui – aux yeux des possibles inspecteurs – comme tourneur, alors que tous savent qu’il végète derrière une table encombrée de vieux documents jaunis.

Pourtant ce qui angoisse le plus cette femme, tombée dans le chômage, ce n’est pas le futur de son employeur étatique, mais la tournure que va prendre sa vie personnelle. Elle n’a jamais fait autre chose que remplir des actes, rédiger des contrats, amender des déclarations. Ses dix-sept années de vie professionnelle,  elle les a consacrées à travailler pour ce patron gouvernemental qui aujourd’hui l’a mise à la rue. Elle ne connait rien en coiffure, ni aux arts de la manucure pour envisager d’ouvrir son propre salon de beauté ; à peine si elle sait se servir d’un ordinateur et elle ne parle aucune langue étrangère. Elle ne dispose pas non plus d’un capital initial pour ouvrir une cafeteria ou investir dans l’élevage des porcs ; la seule chose qu’elle sache faire c’est analyser les décrets de lois, trouver les failles dans les articles juridiques. Dans son cas le licenciement est l’adieu à la vie professionnelle, le retour au foyer, la dépendance à l’homme qui conserve encore son emploi ; c’est le silence pérenne de ce réveil qui sonnait avant à six heures du matin.

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