C’est lorsque la situation semble la plus noire, lorsque la crise est la plus forte, lorsque la population a le plus besoin d’une direction, d’un message clair et d’une pensée cohérente que nos vieux sages se rassemblent, et, après une mûre réflexion, qu’ils lâchent un gros pet bien gras : le Sénat a décidé de rouvrir le débat sur l’euthanasie.
Ah, cela faisait longtemps qu’un vrai débat de société n’avait plus eu lieu, quelque chose qui enflamme les rédactions et permet à tous les journalistes de s’indigner dans des papiers tonitruants de fautes d’orthographes.
Bien évidemment, il y a eu, plus ou moins récemment, Ben 16 et ses discours, que la presse française aime présenter tout en nuances entre nazisme et intégrisme le plus obscur. C’est un bon client, ce pape, finalement : on est sûr de trouver, à chaque fois, une pépite qui, correctement montée en épingle, interprétée n’importe comment et sortie de son contexte, permettra de déclencher une tempête dans les journaux « de référence » français.
Et, quand il se tient tranquille ou que l’actualité n’a pas les yeux braqués sur lui, on peut toujours extirper de leur sommeil une ou deux personnalités fatiguées, ou, alternativement, dégoter un rapport scabreux d’une des nombreuses commissions sociétales, sociétoïdes, sociales ou socialistes. Une fois passé sous presse, il sera facile de provoquer une bonne grosse polémique : avec les grèves, c’est ce qu’on produit de plus facilement en France.
Cette fois-ci, c’est la Commission des Affaires Sociales du Sénat qui nous lance dans les gencives une resucée du débat sur l’euthanasie. Eh oui : le Sénat à une commission qui s’occupe d’affaires sociales. Il y en a une aussi au parlement. Et il y a, bien évidemment, un ministère dédié à cette tâche. Tout ce petit monde doit faire parler de lui et s’empresse donc, assez régulièrement, de nous proposer des « avancées sociales majeures » en matière de droits plus ou moins exotiques, visant à chaque fois à redessiner finement la société à coup de marteau-pilon.
Et cette fois-ci, c’est donc l’euthanasie.
L’idée générale est la suivante : il y a, de temps en temps, des cas de personnes qui, pour une raison ou pour une autre, souffrent et savent leur fin inéluctable et qui veulent donc en finir et demandent donc à être euthanasiées. Aidons ces personnes à passer l’arme à gauche rapidement, afin d’abréger leurs souffrances et diminuer le coût financier et psychologique des gémissements sur une sécurité sociale déjà très appauvrie.
Pour des raisons évidentes de praticité, et comme la peine de mort a été bêtement abolie en France, on ne cherchera donc pas à inculper la personne qui réclame bruyamment (et avec l’assistance des médias dès que c’est possible) à mourir dans la dignité et les sunlights de plateaux télés lacrymogènes, et on se contentera donc de s’assurer qu’elle remplit quelques critères simples, un cerfa agréé, et, moyennant une petite signature ici et là, on pourra la buter pour arrêter rapidement les dépenses et la gêne occasionnée.
Notons toutefois que l’acte sera, bien sûr, médicalisé : l’utilisation d’un couteau de cuisine, d’un .44 magnum ou d’une scie circulaire a été (trop ?) rapidement écartée, se rapprochant peut-être d’un vrai homicide, à la fois traditionnel, artisanal et d’une banalité consternante. Quelque part, c’est dommage : si la personne réclame à grands gargouillements la mort par explosif, ou, d’ailleurs, par une méthode aussi folklorique qu’innovante, de quel droit peut-on se poser en moralisateur au cul-serré et ne pas accéder à la demande digne d’un être en fin de vie ?
Et puis, cette ré-ouverture d’un débat que tout le monde demandait à grands cris, en ces périodes de crise, de chômage, de précarité, de délocalisations, d’euro balloté et de dettes souveraines en difficultés montre la parfaite synchronicité de nos sénateurs puis, soyons en sûr, de nos frétillants abrutis parlementaires bien évidemment socialistes avec une société française toute tendue vers les vraies questions : comment faire pour mourir en bonne santé ou, à défaut, rapidement et sans frais ?
Et puis, ce n’est pas comme s’il existait déjà tout un arsenal de lois permettant, justement, d’accompagner et d’aider les personnes demandeuses d’une fin de vie sans douleurs. Ce n’est pas comme si l’euthanasie n’avait pas déjà été discutée, et que d’excellents arguments n’avaient déjà été avancés pour montrer que tout ceci ressemblait à s’y méprendre à une de ces nouvelles progressions joyeuses vers un nettoyage clinique d’une société qui a de plus en plus de mal à joindre les deux bouts sans, en plus, s’embarrasser des vieux débris trop geignards et des jeunes handicapés improductifs qui nous plombent le moral.
Et puis ce n’est pas non plus comme s’il n’y avait que quelques cas par an : en réalité, on le sait, le nombre de malades, en fin de vie, qui réclament d’en finir n’arrête pas, tous les jours, de grimper. Il n’est qu’à voir les yeux brillants d’une souffrance contenue de tous ces malades, intoxiqués à la subvention publique et drogués aux indemnités parlementaires sulfureuses, qui siègent dans les assemblées pour comprendre qu’il faut, effectivement, faire quelque chose pour en finir.
Saluons donc comme il se doit l’initiative de ces sénateurs ! Sans eux, c’est sûr, le pays serait foutu.
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