Le mythe de l’État fantôme

Une crise peut en cacher une autre, un livre de Pierre Lemieux, économiste et professeur associé à l’Université du Québec

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Le mythe de l’État fantôme

Publié le 9 février 2011
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Le « capitalisme débridé », la dérèglementation et l’absence de l’État sont-ils responsables du pétrin dans lequel se retrouvent les États-Unis aujourd’hui ?

Ce serait une explication trop simple, dit Pierre Lemieux, économiste et professeur associé à l’Université du Québec en Outaouais, dans son livre Une crise peut en cacher une autre.

Cet ouvrage, fort documenté, est une mine d’or pour ceux qui préfèrent les chiffres et les faits aux raccourcis émotionnels qui foisonnent sur ce sujet. En particulier, Lemieux déboulonne, chiffres à l’appui, le mythe du « laisser-faire » américain. (Transparence : je connais personnellement Pierre Lemieux, bien que très peu.)

Le « siècle de l’État »

La part de l’État dans l’économie a explosé au cours du 20e siècle. Elle a quadruplé partout dans le monde, et triplé aux États-Unis.

« À la veille de la récente récession, plus du tiers de ce que les Américains produisaient était détourné vers les coffres de l’État, me précise Pierre Lemieux. Au Québec, c’est environ 40 à 45% selon les années. La différence est moindre qu’on le croit. »

Difficile de trouver une activité non réglementée aux États-Unis, écrit Lemieux, qui est aussi Senior Fellow à l’Institut économique de Montréal. Le Federal Register, qui contient les textes de loi au niveau fédéral, comptait 75.000 pages en 2007. Un quart de million de bureaucrates fédéraux appliquent la législation fédérale. S’ajoutent à cela les règlementations des États et des administrations locales.

« Si on mesure les budgets réglementaires en dollars constants de 2000, la réglementation a été multipliée par 15 entre 1960 et 2007. Une croissance annuelle de 5,9 % », dit l’auteur.

Mais les « cowboys » à Washington ont complètement déréglementé les banques, non ? Non. « Les dépenses annuelles de réglementation bancaire et financière ont, en termes réels, été multipliées par 11 entre 1960 et 2007 », écrit Lemieux.

Reagan et Bush, de gauche ?

On dépeint souvent Ronald Reagan et George Bush comme des fanatiques de droite, qui auraient pressé le citron de l’État jusqu’à ce qu’il ne reste que les pépins. Au contraire. Durant les années 1980 — les « années Reagan » —, les dépenses publiques par habitant sont passées de $8.000 à près de $12.000. En 2007, sous George Bush, elles dépassaient $15.000.

Ce n’est pas juste à cause des guerres, prévient l’auteur. « Les dépenses non militaires, qui représentent 80% du budget, ont grimpé de 49,1% durant les deux mandats de George W. Bush. »

Idem pour la paperasse. Pendant le règne de Bush, le recueil de textes réglementaires fédéraux s’est épaissi de 7.000 pages ! Sous Ronald Reagan (1981 à 1988), les budgets pour la réglementation économique ont grimpé de 22%.

Oui, les banquiers américains ont pris trop de risques et ont aggravé la crise. Mais dire simplement que la crise économique résulte de la cupidité des banquiers de Wall Street est trompeur.

N’oublions pas, comme le documente Une crise peut en cacher une autre, que les banques américaines devaient, par la loi, prêter à des familles à risque. Que c’est la banque centrale (la Fed) qui a maintenu au plancher les taux d’intérêt, ouvrant la porte au crédit facile et au gonflement d’une bulle immobilière. Que si les banques prêtaient les yeux fermés, c’était en grande partie parce que Fannie Mae et Freddie Mac, deux sociétés semi-étatiques, achetaient une quantité énorme d’hypothèques aux banques, soulageant ces dernières du risque de défaut de ces prêts.

Les banquiers, ainsi que plusieurs acheteurs de maisons irresponsables, sont coupables. Mais les faits montrent que l’empreinte du gouvernement américain est partout dans cette crise. Comme elle l’est, d’ailleurs, dans son économie.

Pierre Lemieux, Une crise peut en cacher une autre, Les Belles Lettres, Paris, 257 pages.

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