L’actualité permet fort commodément de rapprocher dans une collision colorée deux éléments de ce paysage politique franchouille que le monde ne nous envie pas ; à ma droite, la vidéo-surveillance, alpha et oméga de la politique sécuritaire actuelle. À ma gauche, la Cour des Comptes, et sa progéniture régionale, qui s’empresse de faire moult rapports dont l’utilité à caler les grosses armoires ministérielles n’est plus à démontrer…
On savait déjà que les caméras de vidéo-surveillance avaient cet effet facilement quantifiable de ne rien changer à l’insécurité. Leur présence transforme plus souvent qu’à son tour une victime en star d’internet.
On trouve en outre plusieurs articles qui montrent assez clairement que ces caméras n’apportent aucun résultat tangible en terme de protection des victimes. Appendices inutiles d’une police déjà fort encombrée en gadgets électro-comiques, les caméras anglaises ont multiplié leur présence sans pour autant permettre aux forces de sécurité de fanfaronner sur des résultats probants.
Il apparaît en revanche limpide qu’en terme de résultats électoraux, la multiplication frénétique d’oculaires électroniques invasifs apporte suffisamment de bénéfices pour que l’expérience soit renouvelée à un rythme que d’aucuns pourraient appeler stakhanoviste. Encore une fois, le citoyen assiste, impuissant dans le meilleur des cas et réjoui dans le pire, à la multiplication des lois et des règlements sécuritaires dont les rejetons électroniques viennent tristement décorer les pylônes et les angles de rues divers, dans le chuintement discret de leurs rotules servo-contrôlées par un policier à l’attention très émoussée par un ennui qu’on imagine titanesque et répétitif, pendant que ce même citoyen va faire ses course, se cure le nez ou pisse contre un mur (ce qui est très mal).
Mais malgré cette multiplication soutenue, le constat persiste, obstiné et agaçant : ça n’apporte rien de plus en matière de sécurité. Estrosi, depuis sa ville de Nice, a beau par exemple pipeauter sur les extraordinaires apports de ces caméras, les statistiques officielles sont plus que décevantes : peau de zob, mon cher Christian, vos caméras ne favorisent pas le recul de la criminalité.
La cause est entendue : les CCTV, c’est tout pourri.
Et c’est là qu’un rapport de la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France sur la gestion de la commune de Boulogne-Billancourt depuis 2002, récemment rendu public, permet de faire un bon dans la consternation : non seulement, ces crottodrômes pour pigeons ne servent à rien, mais en plus, ils coûtent un pont !
Le citoyen, toujours scruté par des caméras, y apprend ainsi, alors qu’il a encore le doigt dans l’une de ses narines (ou le zboub à l’air, au choix) que, je cite :
Dans le cadre d’une enquête commune à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes relative à la sécurité publique, il a été relevé aussi un manque de suivi dans les actions engagées, à l’exemple du contrat local de sécurité ou des six premières caméras de vidéo-surveillance aujourd’hui hors d’usage, en dépit d’une installation récente et des sommes conséquentes consacrées à leur implantation.
Dans ce même rapport, on apprendra aussi, dans le même souffle, une narine toujours bouchée ou la braguette toujours béante (vous avez toujours le choix, profitez-en, ça ne durera pas), que la commune en question a dépensé 800.000 euros pour installer 35 caméras. On y découvrira les frais de fonctionnement (planifiés) de plus de 500.000 euros à l’année, et, surtout, que ces caméras … merdent.
Oui : plusieurs des caméras ne fonctionnent pas, plusieurs ont été dégradées, et dans celles qui ne fonctionnent pas et qui sont dégradées, rien n’a été entrepris pour les remettre d’aplomb. A la limite, on s’en rassure un peu, puisque de toute façon, elles ne servent à rien.
Je résume donc : les caméras n’ont aucun impact prouvé pour la diminution de la délinquance ou de la criminalité. Elles coûtent un pont. Quand elles tombent en panne, elles ne sont pas réparées et tout le monde, en définitive, s’en fiche.
MAIS, et c’est là l’essentiel, les Bisounours seront rassurés puisqu’une autorité veille sur eux, et les voit, les entend, depuis le pylône le plus proche où des ménates, des pigeons et un jeune déçu occasionnel viennent faire leurs besoins, avec force coup de pieds lorsque l’occasion s’y prête.
A la faveur d’une idée idiote comme savent en pondre régulièrement nos politiciens, les caméras en grappe se multiplient donc dans le paysage urbain français, dans la plus parfaite indifférence de la plupart des médias qui se montent bien plus promptes à faire monter la mayonnaise d’une crise diplomatique divertissante, en dénonçant les méchants Mexicains qui font rien qu’à embêter la jolie Florence.
Malheureusement, les seules domaines que ces caméras ont bel et bien réduit sont ceux du pouvoir d’achat des contribuables et de leur liberté individuelle.
Pas de quoi en parler, donc.
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