La chute de Moubarak a été ressentie comme victoire révolutionnaire mais le coup d’État militaire laisse place au même régime qu’avant, cette fois sous une forme inconstitutionnelle. Que veulent exactement les militaires ?
Jusqu’à présent, l’armée est arrivée à ne pas avoir à arbitrer entre l’usage de la violence et le maintien du régime. Sur le régime, elle n’a encore rien cédé d’essentiel. Le départ de Hosni Moubarak était une concession de forme, difficile à accepter, mais finalement sans enjeux. C’est dans la négociation des prochaines institutions et dans la préparation des élections à venir, présidentielle et législatives, que l’on verra ce qu’elle est prête à concéder réellement et ce qui ne lui apparaît pas négociable. C’est aussi en fonction du tour que prendront les choses que l’on verra si elle est prête ou non à faire usage de la violence.
Pour l’instant, nous n’avons que deux certitudes : la première est que l’armée ne souhaite pas la violence. On touche là à quelque chose de solide qui était déjà apparu en Tunisie : si les militaires préfèrent l’ordre, ils ne sont pas prêts à tout et dans n’importe quelles circonstances pour l’obtenir. Faire couler le sang des citoyens n’est pas quelque chose de spontanément légitime. C’est, par parenthèse, un avertissement pour les autres régimes autoritaires.
La seconde certitude est que le départ de Moubarak a été obtenu par un mouvement acéphale. Les jeunes manifestants de la place Tahrir on réussi à agréger autour d’eux des représentants de la plupart des groupes sociaux de l’Égypte. Leur mouvement est devenu une sorte de « sondage » en mouvement de l’impopularité du régime (« sondage » qui, bien sûr, ne faisait pas apparaître le point de vue des autres). C’est au moment où ce mouvement a semblé se diffuser auprès des couches de la population mues par des revendications sociales plutôt que politiques que l’armée a décidé de sacrifier Moubarak à la préservation de l’ordre.
Le problème qui se pose maintenant est de transformer un mouvement acéphale uni par un mot d’ordre sans contenu programmatique en une négociation dans laquelle réapparaîtront nécessairement des forces politique que le départ de Moubarak et le coup d’État qui l’a accompagné n’ont pas dissoutes : les Frères musulmans, les petits partis politiques, le PND, les notables qui en constituaient l’épine dorsale, les hommes d’affaires – qui d’une manière ou d’une autre apparaissent trop nécessaires au relèvement de l’économie pour être abandonnés –, les intellectuels et les syndicats.
Lire la suite de cette analyse par Jean-Noël Ferrié sur le site de Telos.
Ce paragraphe a été reproduit avec l’accord de Telos.
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