Beaucoup de ceux qui avaient connu l’Égypte dans les années soixante pouvaient évoquer leur tristesse de voir le pays décrépir. Le passé grandiose du pays des pharaons amplifiait d’autant ce sentiment. « Comment une civilisation jadis brillante, a-t-elle pu tomber si bas ? » Et beaucoup, dans le monde dit « développé » pouvaient, avec une dose de racisme, y voir la main de « l’esprit arabe », de l’Islam, et autres réflexes, presque coloniaux, qui s’intègrent si facilement dans la doctrine du « choc des civilisations ». C’est d’ailleurs pour cette raison, entre autres, que « l’exceptionnalisme arabe », en matière de non respect des libertés, ne posait pas de problème en occident : « ces gens-là ne peuvent pas être libres du fait de leur culture ».
Le problème à l’envers
Et si les esprits si éclairés, en occident et ailleurs, avaient opéré une confusion majeure dans le sens de la causalité ? Ce n’était pas leurs attitudes culturelles qui entraînaient le fait que « ces gens-là » ne pouvaient pas être libres, mais au contraire, le fait qu’ils ne pouvaient pas être libres qui entraînait leurs attitudes culturelles. C’est le vieux débat que les économistes tentent toujours de résoudre dans le bon sens : pour comprendre les problèmes économiques et sociaux bien sûr la culture ou « les institutions informelles » comptent, mais les incitations, fournies en large partie par les institutions formelles (règles du jeu codifiées par le politique), comptent bien davantage. Ces dernières comptent tant, qu’elles ont indirectement la capacité de modifier la culture.
Souvenons-nous du lien fort entre la situation « morale » déplorable et les incitations catastrophiques dans les pays anciennement communistes… La suppression des incitations à l’échange de marché légal et à l’entreprise y avait développé un esprit de corruption et de passe-droits. Le fatalisme d’ailleurs est aussi un produit de ces systèmes « sans espoir » : peu à peu, en l’absence d’incitations à monter des projets, voire son entreprise, c’est à dire créer son propre futur, le fatalisme s’installe. « Ce n’est pas ma faute » : la responsabilité, et donc, par ricochet, la confiance s’effacent. Et la civilisation avec elles. La force de la jeunesse vient heureusement rompre de temps à autres ce cercle vicieux.
Liberté, responsabilité, civilisation
Plus généralement l’absence de liberté signifie absence de responsabilité et donc mort de la civilisation. Il est ainsi difficile de ne pas voir ici les liens fondamentaux entre liberté, responsabilité et civilisation.
Alors que l’Égypte était connue pour l’insécurité des femmes, avec des attaques et viols en pleine rue d’une fréquence inouïe, …
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