En déposant dans le bac à recyclage le cadavre d’une autre bouteille de vin très, très ordinaire, et payée trop cher, j’aperçois cette nouvelle sur un bout de journal froissé :
La Société des alcools du Québec (SAQ) veut vendre du vin par Internet aux Américains. En achetant le distributeur américain de vin en ligne JJ Buckley, qui possède des permis dans plusieurs États.
Bon. Si la société d’État fait plus de profit grâce à cette aventure, tant mieux. Nous pourrons nous réjouir en tant que contribuables. Mais comme clients, on l’avale de travers.
Imaginez : la SAQ va vendre aux Américains des bouteilles moins cher qu’elle nous les vend ici au Québec. Et pendant ce temps, elle va continuer à mettre des bâtons dans les roues des Québécois qui veulent commander des bouteilles par Internet.
Sur le web, vous pouvez acheter une caisse de Cabernet Sauvignon Woodbridge 2009 à $6,49 la bouteille. Dans l’État de New York. Livrée à votre porte en moins d’une semaine. Tentant ? Pas si vite. Au Québec, vous devez obligatoirement passer par la SAQ pour faire venir vos bouteilles. Et la SAQ va se prendre une cut sur votre transaction. Comme elle vend cette bouteille $14,95 sur ses tablettes, devinez combien ça va vous coûter ? Aussi bien laisser tomber.
La SAQ veut offrir les meilleurs deals aux Américains, pendant qu’elle tient captifs ses clients québécois, et qu’elle leur fait payer le gros prix.
Et les producteurs d’ici ?
En entrevue à La Presse, la porte-parole de la SAQ a dit que la transaction « pourrait créer des occasions aux États-Unis pour les producteurs de vins québécois. »
Sans blague ! Si la SAQ veut aider nos vignerons, qu’elle commence par leur créer des occasions ici même au Québec. Par exemple en diminuant la majoration indécente de 135% qu’elle se prend sur les vins québécois.
Si un vigneron en Estrie, par exemple, vend son vin $5 à la SAQ, celle-ci va nous le revendre environ $13. Et à ce prix, le vigneron fait zéro profit. Pas surprenant qu’on voit si peu de vins québécois sur les tablettes de la SAQ. Si le vigneron veut faire quelques sous, il doit vendre son vin plus cher à la SAQ. Et celle-ci va, bien sûr, nous refiler la hausse de prix. Or un vin québécois à $16 ou $17, ça devient difficile à vendre.
La vache à lait
Avant d’essayer de charmer les consommateurs de vins américains, ce serait l’fun si la SAQ pouvait se forcer pour offrir à nous, ses clients et fournisseurs québécois, le meilleur rapport qualité-prix.
Mais c’est sûrement trop demander à un monopole pour qui la mission première, c’est d’engraisser les coffres de l’État.
Remarquez, je ne blâme pas la SAQ. Comme toute entreprise, elle cherche à maximiser son profit — et elle le fait très bien ! Avec des majorations de prix qui vont de 40% à 135%, selon Frédéric Laurin, professeur d’économie à l’UQTR. Mais si la SAQ peut nous saigner allègrement, c’est parce que la Régie des alcools (le gouvernement) protège son monopole et interdit toute concurrence.
On le comprend. L’an dernier, la SAQ a versé un dividende de $867 millions à l’État. Des millions puisés à même vos poches de consommateurs captifs. Et vu l’état de nos finances publiques, c’est pas demain la veille que vous verrez le marché s’ouvrir à la concurrence – ce qui ferait baisser les prix.
Ce sera intéressant de voir comment la SAQ va se débrouiller dans un marché concurrentiel comme les États-Unis. Après tout, à force de nous brouter le portefeuille en toute impunité, la vache à lait du gouvernement doit commencer à avoir les pattes engourdies.
Ils se demandent pourquoi nous sommes tenté de passer les bouteilles aux douanes.
A force d’abuser du peuple, il vont créer le désir de passer au noir.
Lâchez aux fauves le fonctionnaires de la SAQ qui prend ce genre de décision.