Vous en avez peut-être entendu parler, une mission d’information de l’Assemblée Nationale, présidée par Madame Danielle Bousquet (PS), planche depuis l’été dernier sur le thème épineux de la prostitution. Auditionnée le 30 mars 2011 dans ce cadre, Roselyne Bachelot s’était déclarée favorable à la création d’un délit sanctionnant le recours à la prostitution précisant que « cette pénalisation aurait pour but avant tout de faire comprendre aux hommes qu’avoir recours à la prostitution, c’est entretenir la traite des êtres humains ». La mission parlementaire a présenté son rapport mercredi 13 avril et, sans surprise, la position de notre ministre de la Solidarité et de la Cohésion sociale [1] a bien été reprise : il y est question de s’inspirer du modèle suédois qui prévoit une amende et une peine de prison de six mois pour les clients de ces dames.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais juste rebondir brièvement sur cette idée de notre ministre selon laquelle l’objet de cette pénalisation est de nous faire prendre conscience à nous, ignobles phallocrates, que la prostitution c’est vilain. Le but d’une sanction ne saurait être de faire comprendre quelque chose à quelqu’un. Une condamnation, c’est un coût, une pénalité que la société – au travers de l’État qui la gouverne – impose à celui qui transgresse la loi et dont le seul et unique objet est de faire en sorte que les justiciables obéissent à cette dernière. Une sanction est faite pour être dissuasive. Si l’idée que Madame Bachelot défend consiste à taper sur les gens pour leur faire comprendre que la prostitution c’est mal, ce faisant, elle agit comme une mère qui menace son enfant d’une punition tout en espérant qu’il commettra un impair pour pouvoir le punir. C’est stupide ! Les sanctions prévues par la loi, comme les punitions de maman, ne sauraient poursuivre d’autre but que le respect de la loi et on saura qu’elles auront été efficaces quand les prisons seront vides.
Ce petit préalable étant posé, on peut en venir au cœur de cet article en posant la question naturelle qui en découle : le régime de prohibition proposé par la mission parlementaire est-il de nature à mettre fin à la prostitution ? Et, question subsidiaire, se peut-il qu’il ait quelques conséquences inattendues et éventuellement indésirables sur les conditions de vie de celles qu’il est supposé protéger – les prostituées [2] ?
À la première question, je réponds sans hésitation : aucune chance. Si ce métier, que l’on n’appelle pas sans raisons le « plus vieux métier du monde », existe dans la plupart des cultures depuis la nuit des temps et a traversé tous les régimes de prohibition comme une aiguille traverse une motte de beurre au mois d’août ce n’est pas par hasard. C’est triste mais c’est comme ça : il y a toujours eu, il y a encore et il y aura probablement toujours une demande de sexe tarifé [3]. On peut le regretter, en chercher la cause et même s’en offusquer autant qu’on veut : ça reste une réalité à peu près aussi tangible qu’un bloc de bêton précontraint – il va falloir faire avec. Le fait est que l’homo sapiens mâle a quelques besoins que lui imposent sa nature et que, hors relation consentie par une partenaire féminine à titre gracieux, il ne lui reste que deux options : le viol ou la prostitution. La différence entre les deux – au moins en principe – étant le consentement des deux parties.
Bien sûr, on pourrait suivre le proto-socialiste Morelly et faire en sorte que tout homme nubile soit marié de grés ou de force [4], on pourrait attendre de nos gouvernements qu’ils mettent en place un service public du sexe assorti d’un « droit au sexe opposable » inscrit dans la constitution ou encore, espérer l’avènement d’un Homme Nouveau, débarrassé de ses viles pulsions animales. Comme je crains que ces évolutions ne soient pas tout à fait réalistes – soit qu’elles ne sont pas réellement souhaitées soit qu’elles s’inscrivent dans une échelle de temps qui nous dépasse – il me semble plus raisonnable de conclure que le régime de prohibition que Madame Bachelot appelle de ses vœux n’aura que peu (ou pas) de conséquences sur la propension des hommes à consommer du sexe tarifé.
Ce qui est probable, en revanche, c’est que la criminalisation des clients va pousser encore un peu plus cette activité dans les bas-fonds obscurs de notre société. Là où la fermeture des maisons closes a offert un pont d’or au crime organisé et autres maquereaux esclavagistes tout en dégradant les conditions sanitaires déjà douteuses dans lesquelles ce commerce avait lieu, la prohibition achèvera sans doute de masquer la poussière sous un épais tapis de bonnes intentions. Puisque la misère sociale, après quarante ans d’État-providence, semble ne toujours pas vouloir reculer, il est assez probable que de nombreuses jeunes femmes chercheront encore et toujours à échanger leurs faveurs contre quelques moyens de subsistance. Là où elles pouvaient encore exercer ce commerce au vu et au su de tous, il est vraisemblable que les peines encourues par leurs clients ne les poussent à cacher encore plus leurs activités et donc ne les obligent à avoir encore plus recours aux services d’organisations mafieuses avec toutes les conséquences glauques que vous voudrez bien imaginer. Bref, les victimes seront encore une fois les prostituées mais ce seront des victimes beaucoup plus discrètes.
A n’en pas douter, la prostitution est une triste réalité mais malheureusement, nous devons faire avec. Alors, quitte à ce que ça existe, autant faire en sorte que les prostituées vivent le moins mal possible et là, je crains fort que nous ne soyons pas sur la bonne voie.
Notes :
[1] Ministère tout à fait sérieux visant à faire en sorte que les Français soient solidaires entre eux et à s’assurer que la société française évite la désagrégation.
[2] Troisième question : quelqu’un s’est-il posé l’une ou l’autre de ces deux premières questions ?
[3] Ou plutôt : il y a une demande de sexe hors mariage qui rencontre une offre tarifée.
[4] Étienne-Gabriel Morelly, Code de la Nature, ou le véritable Esprit de ses Lois, 1755.
Il y a une autre question qu’on doit se poser concernant une telle loi, à savoir est elle compatible avec les règles de l’état de droit.
Déjà, la loi réprimant le racolage passif ne l’était pas : l’infraction est tellement peu caractérisée, que cela permet d’arrêter plus où moins tout le monde de manière arbitraire.
Cette loi sur la pénalisation des clients n’est pas encore écrite, mais on peut se demander sur quels critères on va estimer que l’infraction est commise : va-t’on arrêter les hommes qui adressent la parole à des femmes dans la rue? Peut être va t’on attendre pour observer qu’il y a effectivement échange d’argent? Mais même là, comment prouver que cet argent est pour une relation tarifée, étant donné que la relation n’a pas encore eu lieu. Etc, etc…
J’ai beau considérer le problème sous tous les angles, mais cette infraction me semble impossible à caractériser à moins d’utiliser des méthodes fascistes. Donc on sort bien du cadre de l’état de droit si cette loi est appliquée.
D’une manière générale, on voit bien comment nos libertés reculent non suite à des discours sécuritaires musclés (le discours de Grenoble qui a fait pousser des cris aux droit-de-l’hommistes n’a débouché sur rien), mais grâce à des valeurs qui semblent positives (protection des femmes, de l’environnement, tolérance, transparence…)
Le fait est que l’homo sapiens mâle a quelques besoins que lui imposent sa nature et que, hors relation consentie par une partenaire féminine à titre gracieux, il ne lui reste que deux options : le viol ou la prostitution.
Vous oubliez la masturbation qui est moins risquee penalement que le viol, et plus economique. De fait, с est l option la plus couramment choisie par un homme en cas de frustration.
Je pense que GK devrait être moins définitif et plus modeste dans ses propositions et raisonnements.
C’est un domaine ou j’estime qu’il n’y a pas de solution idéale.
Par exemple, il me semble qu’une légalisation de l’offre de prostitution aurait sur le long terme tendance à accroître cette offre, et de débloquer, à long terme, une forte demande, si les prix baissent (retour des « filles à un sou »).
La relation tarifée peut alors entrer en concurrence frontale avec la relation au sein du couple : pas dit que les relations hommes/femmes s’en trouvent améliorées.
Je pense qu’il faut être extrêmement modeste dans ses ambitions face à la simple gestion d’un phénomène éternel.
Légalisation ou pénalisation : aucune des deux solutions ne me semble exempte d’effets pervers.
Peut être que le secret se situe dans un balancement entre les deux, sur longue période.
Vous oubliez sans doute les escort Boy/girl qui peuvent offrir des services de prostitution. Ceci est très répendu aux usa. c’est une profession libérale reconnue, les filles sont protégées bien souvent. La prostitution comme toute profession ne doit être en aucun cas interdite. Cepedant, tout travail sous la menace est déjà passible de sanction pour l’employeur car c’est une atteinte aux droits naturels de non-agression.
Je suis de ce fait totalement d’accord avec l’idée que plus on interdit quelque chose demandée, plus cette chose sera présente dans les filières illégales (droits respectés?).Laissons les prostituées faire ce qu’elles veulent et libérons cette profession.
moi je dis laissez les gens faire ce qu’ils veulent point sa devient n’importe quoi vous supprimez tous en france quest ce que vous en faite de notre liberté vous etes en train de pourrir la france avec vos lois stupides les prostitués n’ont pas porté plainte aucun client ne c’est plaint sa leur fait du bien a chacun alors LAISSEZ LES GENS TRANQUILLE LA FRANCE DEVIENT DE PLUS EN PLUS POURRITE
« si les prix baissent »
Une prostituée coûte bien moins chère maintenant qu’il y a deux siècles, pour une raison très simple : il y a des femmes qui acceptent de coucher gratuitement.
Dans une société libre où chacun(e) fait le choix ou non de la prostitution, les bandes organisées se trouveront dans l’illégalité pour presque aucun bénéfice. Il y a eu des histoires similaire avec le tabac et maintenant encore avec la drogue.
Interdire les prostitués est aussi ridicule et dangereux que la loi qui interdit la fessée. Un jour on aura une amende pour ne pas avoir dit bonjours à un flic.
Le vrai problème est le proxénétisme, c’est à dire l’usage de la force pour contraindre des personnes à se prostituer. Une forme particulière et particulièrement odieuse de l’esclavagisme.
Parce que l’état n’arrive pas à s’en prendre aux proxénètes, il va chasser la proie la plus facile, le client. Ce faisant, il renforcera encore le pouvoir des proxénètes.
Notre état est pathétique.
Il y a pas mal d hypocrisie a ce sujet. Parler de libre choix ou de profession liberale comme si с etait une activite anodine est pour le moins peu convaincant. Je ne parle pas des reseaux de proxenetes, mais un simple petit detour par le monde des call girl montre que celles-ci sont tres majoritairement etrangeres, ne parlent qu un francais approximatif et qu il est par consequent fumeux de parler de libre choix. C est un choix individuel, non impose par un tiers, mais qui s impose de lui meme faute d alternative. Le concept de libre choix ici est tres exagere en depit de sa petite touche liberale bien sympathique.
c’est trés marrant de parlé de liberté forcée. Si c’était le cas, alors pourquoi celles qui ne sont pas sous l’emprise d’un proxénète restent dans le milieu de la prostitution? Les alternatives se trouve avec de la volonté. Si les femmes étrangères restent dans le milieu c’est pour le choix, je pense, de l’argent plus facile que dans leur pays.
« Les alternatives se trouve avec de la volonté. »
Je vous trouve bien péremptoire dans vos jugements. Certes, l’argent est plus « facile » que dans leur pays, si tant est que louer son corps soit « facile », mais ces femmes qui laissent souvent un enfant dans leur pays d’origine subissent une pression familiale qui les pousse à envoyer de l’argent aussi longtemps que possible. Il est abusif de parler de libre choix, seules les plus fortes moralement parviennent à s’en sortir. Pour les autres…