Par Vincent Bénard.
Le mardi 18 avril 1988 du calendrier des facteurs syndiqués de Neuilly disparaissait Pierre Desproges, de son vrai nom Pierre Wolfgang Amadeus Desproges. Soit, les moins décérébrés par les méthodes de pointe de l’éducation nationale l’auront noté, il y a exactement 23 ans.
L’occasion pour moi de vous recoller un lien vers l’hommage que j’avais tenté de lui rendre il y a exactement trois ans, car célébrer le vingtième anniversaire d’une mort, c’est très festif, alors que le 23ème, tout le monde s’en fout, étonnant, non ? Et pourtant, c’est le tiers de 69, un nombre qui mérite le respect.
De cette façon, par la magie de l’hypertexte, je vous nourris – gratuitement, notez le, contrairement au maître qui, lui, arrivait à vendre du rire – de fariboles textuelles pour ne pas vous laisser sans distraction un Lundi matin en arrivant à votre bureau, tout en évitant de trop creuser dans les maigres ressources de ma cervelle vieillissante pour produire quelque élucubration pseudo-comique qu’un éditeur n’imprimerait pas sur un rouleau de papier toilette, ou sur l’édition vespérale du Monde, qu’il m’arrive aussi de lire d’une fesse distraite.
Ah, Monsieur Jean-Pierre Déborges, vous nous manquez. Si, si, plus j’écoute Patrick Bosso ou Ségolène Royal sur Rires et Chansons, et plus je me dis qu’en quittant ce monde que l’on dit bas tout bas, vous y avez emmené avec vous plus que vos organes métastasés, mais aussi un esprit que l’on ne retrouve nulle part ailleurs.
Au reste, pourriez-vous encore nous faire rire aujourd’hui, sans provoquer à chacune de vos saillies textuelles de maître étalon éjaculateur prodige de la pensée misanthropique, quelque réaction offusquée des mille et un bien pensants auto-proclamés qui nous les brisent à chaque intrusion dans le domaine du politiquement incorrect ? Et se les faire briser, croyez-le ou non, c’est très mauvais pour les saillies.
Ainsi, pourriez-vous dire aujourd’hui, sans risquer quelque procès en infamie que, je vous cite – je précise plusieurs fois que les phrases suivantes sont de M. Pierre Desproges, on n’est jamais trop prudent :
On ne m’ôtera pas de l’idée que, pendant la dernière guerre mondiale, de nombreux Juifs ont eux une attitude carrément hostile à l’égard du régime nazi. Il est vrai que les Allemands, de leur côté, cachaient mal une certaine antipathie à l’égard des Juifs.
Ce n’était pas une raison pour exacerber cette antipathie en arborant une étoile à sa veste pour bien montrer qu’on n’est pas n’importe qui, qu’on est le peuple élu, et pourquoi j’irais pointer au vélodrome d’hiver, et qu’est-ce que c’est que ce wagon sans banquette, et j’irai aux douches si je veux…
Quelle suffisance ! »
Ou encore, mais que fait la HALDE :
« Au début, les Américains ne virent dans l’homme noir qu’un grand enfant, mais, peu à peu, ils durent se rendre à l’évidence : c’était également un excellent appât pour la chasse à l’alligator. Quand un Blanc dit qu’un Noir est con, on dit que le Blanc est raciste. Quand un Noir dit qu’un Blanc est con, on dit que le Blanc est con. »
La commission de censure du PS vous pardonnerait-elle cette pique aux pauvres ?
« Le goût, enfin, que nous avons gardé pour la bonne bouche, c’est bien le moindre hommage à lui rendre, peut être considéré comme le plus distingué des cinq sens. Au reste, il fait généralement défaut chez les masses populaires où l’on n’hésite pas à se priver de caviar pour se goinfrer de topinambours. On croit rêver ! »
La ligue des victimes indignées – le RPR et la société des amis de Pierre Mauroy – vous laisserait-elle en paix après ceci ?
« Jacques Médecin n’est pas la crapule que nous décrit complaisamment le Canard Enchaîné. En tout cas, dans l’affaire du Petit Grégory, il a un alibi : il lisait « c’est ici le chemin » de Pierre Mauroy ».
Et les Nicolas du temps présent pourraient-ils vous pardonner l’outrage que vous fîtes aux François de votre ère ?
« Quand ils sentent le vent tourner, grâce à leur instinct d’imbécile, les François n’hésitent pas à s’engager dans la Résistance en 43, 44 ou 45, voire, pour les plus sots, en 46. Grâce à la longueur de leurs crocs, ils laissent des marques sur la moquette ministérielle où ils plient l’échine jusqu’à ramper pour obtenir la moindre poussière de pouvoir, les François peuvent espérer se hisser un jour sur le plus élevé des trônes, celui du haut duquel, dans l’ivresse euphorique des cimes essentielles, l’imbécile oublie enfin qu’il est posé sur son cul. Alors, serein, benoît, chafouin, plus cauteleux que son hermine et plus faux que Loyola, il entraîne paisiblement le royaume à la ruine, en souriant comme un imbécile. »
Les ligues féministes du millénaire naissant auraient-elles laissé passer l’opportunité d’un bon petit procès bien arrosé après avoir lu votre dictionnaire de l’inutile à l’usage des rustres et des malpolis ?
« Femme : humain de sexe non masculin. La femme est une substance organique composée de nombreux sels minéraux et autres produits chimiques parés de noms gréco-latins comme l’hydrogène ou le gaz carbonique, que l’on retrouve également chez l’homme mais dans des proportions qui forçent le respect. La femme est assez proche de l’homme, comme l’épagneul breton. À ce détail près qu’il ne manque à l’épagneul breton que la parole, alors qu’il ne manque à la femme que de se taire. Par ailleurs, la robe de l’épagneul breton est rouge feu et il lui en suffit d’une.
Dépourvue d’âme, la femme est dans l’incapacité de s’élever vers Dieu. En revanche, elle est en général pourvue d’un escabeau qui lui permet de s’élever vers le plafond pour faire les carreaux. C’est tout ce qu’on lui demande. La femme ne peut se reproduire seule, elle a besoin du secours de l’homme, lequel, parfois, n’hésite pas à prendre sur ses heures de sommeil pour la féconder. La gestation chez la femme dure 270 jours au cours desquels elle s’empiffre, s’enlaidit, gémit vaguement, tout en contribuant à faire grimper les courbes de l’absentéisme dans l’entreprise. »
Dans notre monde où faire de la peine à une catégorie honteusement défavorisée, ostracisée, stigmatisée, victimisée, voire sodomisée, peut valoir à l’auteur le rétablissement de la peine de mort médiatique, de tels propos vous voueraient à vivre heureux en attendant la mort, dans la même cellule de nettoyage psychiatrique qu’un Éric Zemmour, dont je doute que le regard torride vous inspire quelque fulgurance drôlatique ni la moindre érection, mais sait-on jamais, avec vous, qui nous fîtes marrer en narrant vos aventures épiques dans un ascenseur avec un inconnu pourtant présumé hétérosexuel.
Certes, nul doute que vous auriez trouvé, Ô grand Pierre désormais chenu, quelque moyen astucieux de contourner les interdits que la bien-pensance souhaite imposer au peuple trop abruti pour que l’élite de la pensée politique, d’Attali à Taubira, lui laisse exercer sa liberté de parole. Vous eussiez, dirais-je dans un élan aussi subjonctif qu’imparfait, fait exploser les murs lépreux de la médiocrité intellectuelle que les gagne-petit du débat d’idées auraient tenté d’ériger autour de vos délirantes flagrances.
Mais, las, ceux qui vous ont succédé, cher Pierre, n’ont pas cette faculté, et nous devons donc nous contenter de sourire parfois à l’évocation d’anecdotes potaches d’un bellâtre de camping évoquant ses difficultés masturbatoires d’adolescent sous une couche d’auto-dérision factice, d’un comique troupier à la finesse éléphantine trouvant l’inspiration dans l’acouplement des moules qu’il décrit avec profusion de trivialités verbales dont vous n’usiez qu’avec parcimonie et à bon escient, ou d’une saltimbanque branchouille tentant de provoquer quelque motion zygomatique en jouant sur les penchants éculés que suscitent les rapports au sein des couples, ceci dit sans la moindre volonté contrepétomane, malgré les apparences.
Bref, comme vous auriez pu l’écrire, en 2011, Où Kilé Pire Dîproges ? Gynécée Pas !
Je vous laisse à vos nuages, Maître Pierre, car mon lecteur de Flux RSS – Un libéral accroché à ses Flux RSS, on aura tout vu – me dit que H16 vient de pondre, et sa lecture me change des charges lourdes des nouveaux intermittents de la poilade, tout comme la vôtre en son temps fit de moi un autre homme.
Alors, à dans deux ans, Monsieur Cyclopède, pour allumer une 25ème bougie dans les alcôves les plus sombres du rire.
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Lire également : Les Vacances de Monsieur Cyclopède
Ecouter : l’ascenseur
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🙂
Pour les fans de Desproges et d Alexandre Vialatte, je recommande le blog du psychothérapeute ( philippepsy ), ils y retrouveront le style et l’humour de nos 2 compères.
génial !
Merci Vincent.
Bien essayé.