Peut-on pisser sur Dieu ?

L’État ne laisse pas le choix aux contribuables : il leur impose le choix et la facture

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Peut-on pisser sur Dieu ?

Publié le 22 avril 2011
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La question vous choque ? Pourtant, deux événements montrent qu’il y a bien une discrimination dans le traitement des divinités (ou, pour les monothéistes, du même dieu unique selon le nom employé) victimes d’assauts urinaires. Un jeune idiot s’est filmé brûlant un coran avant d’éteindre les flammes en pissant dessus. Diffusé sur Internet, son auteur s’est rapidement retrouvé au tribunal pour son acte provocateur, poursuivi par la Licra et le délégué de la grande mosquée de Strasbourg (qui fait son job). Le parquet a requis contre ce trentenaire inconséquent trois mois de prison avec sursis et €1.000 d’amende : « Il incite à la haine à l’égard des musulmans, car tout le monde sait que le World Trade Center a été attaqué par des extrémistes musulmans […] Et en urinant sur le Coran […] c’est une incitation à la haine des musulmans contre les non-musulmans. » Jugement le 9 mai. Comme l’avocat de la grande mosquée nous le rappelle, la liberté d’expression est limitée dans notre pays : « Aux États-Unis on peut le faire, car la liberté d’expression est un absolu. En France non, la liberté d’expression est enserrée dans des règles. » Nous qui pensions que « depuis 1789 le blasphème n’existe plus » , comme l’a rappelé l’avocat de l’arroseur, quel rappel à la dure réalité !

Parallèlement, un Christ plongé dans l’urine et le sang reçoit au contraire tous les honneurs depuis décembre. C’est l’œuvre phare de l’exposition « Je crois aux miracles ». Évidemment, c’est une œuvre d’art, pas une simple vidéo d’amateur. C’est sans doute ce qui justifie un soutien officiel du ministère de la culture, de la région et de la ville d’Avignon. Soutien non seulement moral mais financier. Le prestigieux galeriste Yvon Lambert bénéficie, pour exposer sa collection privée remarquable, de subventions publiques de la mairie (UMP) de €440.000 (+€45,000 cette année), sans parler des €135.000 de l’État (et autant de la région ?) chaque année, en plus de la mise à disposition gracieuse d’un bel hôtel particulier classé par la ville d’Avignon. Dans son rôle, l’évêque d’Avignon s’est exprimé pour défendre sa foi : « Devant le côté odieux de ce cliché, tout croyant est atteint au plus profond de sa foi. » Mais ici, les autorités publiques lui rient au nez et refusent de retirer cette photo blasphématoire malgré son caractère insultant.

(Dessin de presse : René Le Honzec)

La provocation a toujours été l’un des éléments constitutifs de l’art. Quoi qu’on pense de cette dimension de la création (j’avoue l’apprécier à titre personnel), nous touchons ici à la limite de l’action publique culturelle. L’argent public n’a aucune raison de financer des œuvres qui insultent les croyances et les convictions de nombreux citoyens. En revanche, libre aux entreprises privées de communiquer autour de ces opérations. Elles mettent leur image en jeu avec l’argent des actionnaires, qui peuvent s’y opposer ou se retirer, et avec celui des clients. Ces derniers ont la possibilité de boycotter une marque pour exprimer leur désapprobation, au moins peuvent-ils ne pas contribuer financièrement à un tel événement. L’État, comme les monopoles publics, ne laisse pas le choix aux contribuables : il leur impose le choix et la facture.

L’État ne doit pas pour autant interdire ces œuvres, pas plus qu’il ne devrait brider la liberté d’expression comme il le fait de plus en plus largement. Victimisation et stigmatisation entretiennent une confusion dont il ressort, à observer ces traitements discriminants, qu’il y a bien deux poids, deux mesures. Il vaut mieux être musulman ou juif que chrétien. Ne pratiquant aucune religion, je ne me sens concerné que par le sentiment d’injustice qui ressort de ces traitements inéquitables.

Je ne nie pas le risque qu’engendrent les provocations. Suite au coran brûlé par le pasteur illuminé Terry Jones, 24 personnes sont mortes en Afghanistan, assassinées par des terroristes islamistes ou dans des manifestations violentes contre cet acte stupide. Devons-nous restreindre la liberté d’expression des citoyens en vue d’éviter de tels actes de représailles, imprévisibles et incontrôlables, ou bien afficher une fermeté sans faille contre les violences déclenchées par de telles provocations ? La première solution tend à légitimer les violences que pourrait susciter la liberté d’expression. Après tout, c’est en son nom qu’on interdit d’exprimer des opinions ou d’exhiber des œuvres provocantes, perçues comme insultantes. Cette approche liberticide, déresponsabilisante, c’est celle de la France à mon grand regret. Mais il faut alors traiter sur un pied d’égalité l’ensemble des religions, et donc interdire l’exposition Yvon Lambert à Avignon. Lorsqu’on refuse le choix de la liberté, il faut en assumer les conséquences.

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  • Il est important de distinguer la provocation qui porte sur la forme de celle qui porte sur le fond. Choquer le bougeois est loin d’être suffisant pour que l’on puisse qualifier quelque chose d’oeuvre d’art. Nos ‘artistes’ ras du bulbe’ ne semblent pas l’avoir compris, il est vrai qu’ils sont aidés en cela par tout ce que nous comptons comme fonctionnaires de l’art officiel. Pour ne prendre exemple que sur quelques scandales qui ont fondé cette idée bizarre, le scandale que les impressionistes ont soulevé portait sur leur manière de peindre. Les portraits de Picasso étaient scandaleux parce que le nez n’était pas en bonne place… etc L’origine du monde (quel titre idiot et pour tout dire nunuche) n’a pas fait la carrière de son auteur, qui avait d’autres talents. Le christ jaune a choqué parce qu’il était jaune… etc Ce n’est qu’après guerre, que la provocation politique et de moeurs s’est prétendue expression artistique, et ce en suiveurs de politiques qui n’avaient pas grand chose a voir avec des artistes! A une époque que l’on peut penser bénie, maintenant qu’elle n’est plus, Braque disait ‘ce qui compte dans le tableau c’est le bonhomme’. Quel genre de bonhomme se trouve derrière le piss christ?

  • Si un type avait brûlé le Coran, en tant que performance artistique, je fais le pari qu’il n’aurais pas été condamné. Il aurait autant indigné que le « Piss Christ » (dont tout le monde oublie de préciser que c’est une oeuvre qui a été faite il y a près de 25 ans) qui a aussi provoqué des manifs de chrétiens, mais le traitement public aurait été le même je pense. Pour quelque chose qui touche le judaisme en revanche, je n’en sais rien…ça aurait peut-être été pareil aussi.

    • Essayez de bruler le Coran !
      Une seul fois !
      La derniere fois ça a causé la morts d une centaine de chrétiens dans le MONDE.
      petit rappel aussi – les caricatures de momo qui nous ont amené devant un tribunal.
      Les juifs acceptent sans aucun souci les caricatures sur la bible, sur moise, l’analyse historique de leurs textes, le débat. C est un exercice grandiose, il suffit de s y exercer – il y a des collocs chrétiens juifs.
      j ai assisté à des collocs chrétiens musulmans: c est peine perdue, ils vous endorment et vous caressent dans le sens du poil, impossible de parler des actes guerriers de mahomet et des versets problématiques.

      • Il existe un humour musulman, je l’ai appris par un ami musulman et j’ai ri à m’en exploser les entrailles! Mais ceci étant, c’est je pense une exception car pour qu’il y ait humour, il faut qu’il y ait aussi une culture qui admette (permette?) l’auto-dérision, et ça c’est pour le moment encore impossible en Islam. Mais vous savez, juifs ou chrétiens, il nous a fallu des siècles avant d’admette cette auto-dérision alors laissons le bénéfice du doute à l’Islam. C’est une question d’éducation, au sens scolaire du terme – testez les blagues sur les chrétiens avec un chrétien de base, genre Bac -3 et vous verrez … – et je pense que nous pourrons un jour, tous, jouir des caricatures désopilantes que certains musulmans osent faire publier.

        Maintenant, je vous l’accorde sans un instant d’hésitation: il y a du chemin à parcourir, mais il me semble également important de ne pas juger le degré d’humour, ou de culture des musulmans à l’aune de nos repères – ils n’en sont pas encore là!

        La seule évolution qu’il faille considérer est le point critique auquel notre interlocuteur ne se réfère plus exclusivement à des dogmes, mais arrive à les dépasser, à la fois pour débattre et pour rire.

        PS: il faut écrire « colloque » … « colloc » c’est du jargon pour « co-locataire »

  • C’est amusant tous ces artistes qui attaquent le christianisme et se croient subversifs. Les chrétiens sont au contraire des cibles faciles tant leur religion est devenue has-been en France, les grands intellectuels et artistes engagés (huhu) mettant un point d’honneur à dénoncer l’obscurantisme des religions-qui-font-rien-qu’à-provoquer-des-guerres, sauf l’islam bien sûr.

    Au passage, admirez la beauté du socialisme : grâce à ces merveilleuses subventions, des croyants se trouvent forcés de financer un blasphème. Par ici la vaseline !

  • Il y a 18 ans, Pierre Pinoncelli fut condamné pour avoir compissé l’oeuvre majeure de Marcel Duchamp, que chacun connaît…la vraie religion de notre époque c’est l’art, selon, entre autres, le voeu des frères Goncourt, qui seraient sans doute étonnés de voir ses saintes reliques…

    🙂

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