La liberté est-elle menacée par l’égalité ?

Si certains sont plus égaux que d’autres devant le droit, c’est que le législateur est gauche

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Liberté, égalité, fraternité

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La liberté est-elle menacée par l’égalité ?

Publié le 17 juin 2011
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Par Stéphane Geyres

C’est de saison, comme chaque année courant juin, il y a Roland Garros, les 24h du Mans et les élèves de Terminales planchent sur les sujets du Bac.

Cette année, la liberté est à l’honneur puisque la section ES s’est vue poser la question suivante, ô combien d’actualité : La liberté est-elle menacée par l’égalité ?

Comme j’ai la chance d’avoir passé le bac il y a longtemps, j’affirmerai ma liberté en ne suivant pas les consignes classiques de la dissertation qui veulent qu’on commence par définir liberté et égalité ; on est libre ou on ne l’est pas, non mais. Pour la liberté, j’ai déjà donné, par exemple dans cet article et je me contenterai de rappeler le classique « la liberté s’arrête là où commence celle d’autrui.» Et toc !

Par contre, ce qui semble plus intéressant à analyser, c’est l’égalité et son impact sur la liberté, ce qui est indéniablement une question de société majeure, à l’heure où la moutonnisation des peuples par les régimes démon-cratiques bât son plein.

L’égalité, ou son miroir l’inégalité, est multiforme. Il y a l’inégalité physique, en beauté ou laideur, en compétences, en âge et en culture, en condition et environnement, en morale et moralité et bien sûr, tout le monde l’a sur les lèvres, l’inégalité en richesse. Par contre, il y a l’égalité devant le droit et celle-ci ne souffre guère la variété : si certains sont plus égaux que d’autres devant le droit, c’est que le législateur, lui, était gauche.

Par construction, cette égalité là – devant le droit – est tout sauf une menace pour la liberté, laquelle se nourrit justement du fait que chacun ait le droit de faire ce que bon lui semble – ou presque. Le droit a justement comme fonction sociale de régler, poser les règles, qui permettent de gérer ce délicat équilibre entre votre liberté et la mienne. Plus le droit est égalitaire, plus les règles sont uniformes et moins il y a d’arbitraire social et d’injustice. La particularisation du droit est confiée au rôle social que jouent les droits de propriété, mais cela nous éloigne du sujet.

Hélas, peu de sociétés de nos jours possèdent un droit aussi pur et qui assure un tel égalitarisme. Bien au contraire, l’accélération constante de la production législative rend le droit – et ceci dans pratiquement toutes les démocraties – rugueux, poreux, élastique et abscons au point que la problématique que doivent affronter les sociétés occidentales serait plutôt celle d’une liberté menacée par l’accroissement de l’inégalité juridique. Donc, réponse « non.»

Mais notre sujet semble moins trivial pour ce qui concerne l’autre face de l’égalité, celle qui se confronte à l’inégalité humaine. Car ce n’est pas tant que nous soyons inégaux, il serait plus juste de dire que nous sommes tous différents. Mais cette omni-différence, est-elle une chance, ou donc une menace ? Imaginons une seconde que nous soyons uniformes, tous dotés des mêmes compétences en particulier. Qui alors saurait faire le pain pour les autres ? Toi, moi, nous tous ? Ou faudrait-il que nous nous fassions chacun notre pain quotidien ? Pourquoi serait-ce à lui ou vous ou moi de devenir boulanger, forgeron ou vétérinaire ?

Liberté, égalité, fraternité

On comprend vite que sans différence entre nous, un des socle de l’organisation sociale, la division du travail, serait vaine, nulle et non avenue. Et sans division du travail, aucune innovation ne serait possible, puisque nous aurions tous les mêmes capacités et les mêmes besoins. La liberté économique perdrait tout sens. La liberté sans liberté économique en a-t-elle un ?

L’uniformité physique serait amusante aussi. Le mariage surtout. Ou comment choisir son époux ou épouse ? Par tirage au sort ? Par assignation ante-natale ? Au-delà de la boutade, on voit là pointer son nez la question de l’arbitraire social et de la tyrannie. Qui dans une société uniformisée choisirait pour les multitudes de numéros que nous y serions ? Heureusement que 1984 est derrière nous…

A ces deux exemples, on comprend que la richesse de la nature humaine et de la société tient en grande partie à l’existence d’une multitude de différences de tous ordres en les hommes. Les inégalités qui nous caractérisent n’ont donc rien de négatif en elles-mêmes, bien au contraire, vivre en liberté suppose l’exploitation même de ces inégalités. L’égalité est donc bien une menace à la liberté, dans ce cas. Et de nos jours, cette menace s’accroît constamment. Les états cherchent à nous mettre dans des cases, à nous uniformiser, à unifier la pensée, à nous rapprocher constamment du votant médian – celui qui n’existe pas.

Mais bien sûr, on objectera que la maladie ou le handicap sont de bien vilaines inégalités. Ou encore que les pauvres nés dans les bidonvilles ne sont en rien différents, mais que ce sont leurs conditions de vie qui le sont. Certes, il y a là des « injustices » peu discutables de la vie. Pourquoi être né ici ou ailleurs, voilà une question à adresser directement au Vatican – qui n’est pas spécialement un bidonville soit dit en passant. Mais cela ne relève pas de la liberté – tout au plus de l’opportunité. La liberté, ce n’est pas de pouvoir décider de ce qu’on est, ou aurait voulu être. C’est d’avoir le droit de tenter de le devenir.

En conclusion, il semble bien qu’il faille répondre « oui » à la question. Non pas parce que égalité et liberté seraient irréversiblement incompatibles, mais parce notre société démagogique érode et menace chaque jour l’égalité en droit qui fait notre liberté et nos inégalités qui font de nous des hommes.

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  • Très mauvais article. Il eut été bon de commencer par définir liberté et égalité cela aurait peut-être permis d’éviter l’écueil dans lequel l’auteur est évidemment tombé.

    La clé du sujet se trouve dans l’amalgame courant entre deux termes pourtant fondamentalement opposés qui sont « égalité » et « égalitarisme ».

    Je citerais Hayek pour illustrer ce propos:
    « il y a toutes les différences du monde entre traiter les gens de manière égale et tenter de les rendre égaux. La première est une condition pour une société libre alors que la seconde n’est qu’une nouvelle forme de servitude. »

  • Ah les fourmilières, le rêve des élites socialistes de gauche et de droite…

    D’ailleurs, elles ont déjà essayé de le concrétiser avec les camps de concentration, mais bizarrement les êtres humains en étaient moins satisfaits que les fourmis…

    L’égalité de revenu, quelle bonne idée… Parce qu’évidemment un célibataire qui travaille juste pour lui-même a besoin du même revenu qu’un père d’une famille de 8 enfants.

    Et il n’y a pas non plus de raison que celui qui se démène à son boulot gagne plus que celui qui ne fait qu’acte de présence, d’ailleurs il est scandaleux que dans notre monde actuel les paresseux soient discriminés (du moins dans le privé).

    • Seules les administrations ou les structures subventionnées peuvent supporter durablement qu’une partie du personnel donne « l’illusion de bosser ». Pour les autres structures, il y a un juge infaillible : la concurrence. Votre remarque pertinente démontre que marché est bien le meilleur système de sélection des structures. Sinon, le jour où vous serez en situation de management, vous comprendrez très vite comment repérer les planqués et quoi en faire.

      Concernant la « très forte corrélation entre une faible inégalité de revenus et une criminalité basse », c’est tout simplement faux puisqu’il n’y a pas de lien de causalité entre ces deux phénomènes. Il est ridicule de supposer qu’on devient criminel parce qu’on est pauvre : cette illusion est d’ailleurs en partie responsable de la dérive de la justice française. En revanche, il y a un lien de causalité évident entre collectivisation/liberté d’une part et appauvrissement/enrichissement d’autre part. (http://www.contrepoints.org/?p=10961)

      • Le différentiel richesse/pauvreté n’entraîne pas la violence ou la criminalité. Plusieurs études le montrent. Et puis tiens, les gens les plus pauvres en France sont en Corrèze, et c’est aussi l’un des départements les moins violents. Bref…

      • Ahhh, pauvre vinzzz, encore une erreur fondamentale. C’est même insultant (méprisant ?) pour les pauvres de ne voir en eux que des criminels potentiels…

      • @h16 : j’veux bien les liens vers les études alors, pour actualiser ma vision…

        @bubulle : « C’est même insultant (méprisant ?) pour les pauvres de ne voir en eux que des criminels potentiels… »

        Ahh, Bubulle, encore une simplification malheureuse
        (mais je plaide coupable, j’ai voulu faire court)

        Je n’ai pas dit que je ne voyais en eux ‘que’ des criminels (je laisse ça à des imbéciles de type Zemmour), mais le sentiment d’une ‘pauvreté’ violente est d’autant plus vrai qu’on les parque dans des ghettos, quand d’autres autour vivent dans des pavillons. Quand on leur montre des publicités pour des produits qu’ils ne peuvent pas acheter, mais que d’autres exposent dans le métro.
        Si on regarde la vie en Corrèze, les pauvres ont-ils autant ce sentiment de pauvreté ? Vivent-il autant ce différentiel richesse/pauvreté dans leur vie de tous les jours ?
        Attention aussi à toutes les réalités qu’on peut mettre sous le mot ‘crime’.
        Pour moi, le crime, une transgression d’une loi – hors cas de folie, sociopathes… – exprime aussi une forme de violence.
        Il ne me semble pas incongru que ce ‘sentiment de pauvreté’ (avec une certaine hétérogénité sur le territoire, la pauvreté adossée à la richesse type ‘bidon-villes’ donc, et non type ‘paysan’) soit une violence jouant un rôle fort sur la criminalité.

    • J’ai beau vous avoir lu en cherchant toutes les nuances possibles, je ne vois pas encore en quoi la situation des humains est comparable avec celle des fourmis. Et je maintiens que la comparaison est dangereuse (j’espère d’ailleurs même gagner un deuxième point Godwin).

      Ensuite, la corrélation que vous annoncez n’a aucun sens. Si dans un pays très pauvre, tout le monde gagne le même revenu, mais un revenu de misère, cela ne fera pas pour autant une meilleure espérance de vie, un meilleur niveau d’éducation, moins de malnutrition, etc…

      Ce qui peut faire baisser la criminalité, c’est soit qu’un pays est très pauvre et qu’il n’y a rien à voler, soit qu’un pays a peu de lois, et qu’il y a peu de moyens de devenir criminel.

      Ce qui peut faire augmenter l’espérance de vie, l’éducation, la qualité de nutrition, c’est surtout un pouvoir d’achat fort avec un libre accès aux services et biens.

      Enfin, un management qui n’arrive pas à réaliser que son employé fait illusion est un mauvais management, qui, dans un marché libre et concurrentiel ne fera pas long feu. A l’inverse, dans une économie planifiée, on se retrouve souvent avec des incompétents et des glandeurs à tous les niveaux de l’organisation et cela se fait au détriment des bons travailleurs et de ceux qui sont obligés de les financer (qui sont d’ailleurs souvent les mêmes).

  • Soljenitsyne disait que « les gens n’ayant pas les mêmes capacités, s’ils sont égaux, ils ne sont pas libres, s’ils sont libres, ils ne sont pas égaux ».

    Soljenitsyne savait certainement de quoi il parlait, compte tenu de son expérience du paradis socialiste. Il est plus crédible que nos philosophes de café auto-proclamés qui se excitent avec leurs élucubrations intellectuelles égalitaires…

  • Thread Hot,

    Essayez donc d’être plus sincèrement libéral que moi, et on pourra discuter.

    Il est notamment tout a fait normal pour un libéral d’être ouvertement anti-démocrate.
    vous voulez des exemple ? Lisez donc Hans-Hermann Hoppe…

    Bon week-end a tous.

    • Déjà Tocqueville, sans être peut-être ouvertement antidémocratique, avait tout de même soulevé le problème de la dictature de la majorité, qu’on n’a rien fait pour résoudre depuis. En tout cas, il s’était bien amusé avec, puisqu’il avait ouvertement payé toutes les voix d’une élection qu’il avait gagnée, ai-je entendu une fois.

  • Soyez assez subtil pour faire des distinctions. Traiter les gens d’anti-démocrates ne fera pas avancer le débat, c’est du pur moralisme et de l’intimidation. Pas dans nos habitudes à nous libéraux…
    Il faut en effet distinguer la démocratie collectiviste (la majorité a toujours raison et l’individu doit se soumettre à tous les diktats de la masse) et la démocratie individualiste, celle qui protège les droits individuels? Si Stéphane est anti-démocrate, c’est au sens de la démocratie collectiviste, comme tout bon libéral qui se respecte. Sur le site de l’Institut Coppet vous trouverez un livre d’Yves Guyot intitulé La démocratie individualiste. C’est une critique radicale de la démocratie à la Jean Jaurès.

  • Les impatients veulent forcer la fraternité pour obtenir l’égalité qu’ils appellent de leurs voeux. Il est bien clair que ça se fait au détriment de la liberté (les exemples ne manquent pas) et que ça vide de sens la fraternité.

  • Mais pourtant c’est la réalité.

    La plupart d’entre nous sont exclus de nombreux cercles de relations ; ceci peut aller jusqu’au point où ils n’en ont pas même connaissance.

    Pour respecter autrui, nous devons vivre avec l’idée qu’il a le droit de nous ignorer. C’est ce minimum de respect que les collectivistes ont perdu, et que la démocratie moderne, devenue social-démocratie, attaque au lieu de le protéger.

    Il est frappant qu’en lisant « discrimination » et « ségrégation » l’on pense automatiquement aux stupides et illogiques jugements des racistes, qui poussent la bêtise jusqu’à juger un individu par la couleur de sa peau. Mais pourtant, nous discriminons et ségréguons tous les jours, et ce, pour des raisons parfaitement intelligentes et justifiées. Donnez-vous votre numéro de téléphone à un inconnu dans la rue ? Non, certainement pas ; moi non plus. Les voisins ne sont pas confiés aux ébats d’un couple marié, sauf exceptions notables et hors-sujet ; et le club des chercheurs en physique du MIT reçoit rarement des gens dont la seule qualification est leur capacité à courir après un ballon.

    Ce que ne comprend pas le législateur, c’est que la loi n’a pas à dire ce qui est vrai, et qu’à interdire une discrimination stupide, on crée plus de problèmes qu’on n’en résout, et on met le fragile équilibre de nos sociétés modernes sur une pente savonneuse.

    HHH est parfois, et même souvent, illisible car il porte des jugements de valeur déplacés ; ceci dit, hors de ces jugements de valeur eux-mêmes, il est incontestable que d’un pur point de vue logique et détaché du facile émotionnalisme moral, il est difficile de ne pas lui donner raison sur le fonds.

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