« Risk », par Dan Gardner… à lire absolument !

Fiez-vous à votre raison plutôt qu’à votre instinct et soyez conscients de vos biais cognitifs.

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Risk Dan Gardner

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« Risk », par Dan Gardner… à lire absolument !

Publié le 24 juin 2011
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Risk: The Science and Politics of Fear, Dan Gardner, Emblem Editions, 2009, 416 pages.

Ce livre est excellent, c’est un des meilleurs que j’ai pu lire à ce jour. Je le recommande fortement à tous, peu importe votre profession ou votre idéologie politique. Il fera de vous quelqu’un de meilleur.

L’introduction débute avec un fait très intéressant.

Suite au 11 septembre 2001, très nombreux étaient ceux qui avaient peur de prendre l’avion. Ils ont donc davantage utilisé l’automobile, un moyen de transport pourtant beaucoup plus risqué. Un chercheur a estimé que ce changement irrationnel de comportement a occasionné des accidents routiers supplémentaires causant la mort d’environ 1595 personnes, presqu’autant que l’attentat ! La morale de cette anecdote est qu’une mauvaise évaluation du risque, souvent causée par une réaction trop émotionnelle ou par un biais cognitif, nous pousse à prendre de mauvaises décisions qui ont parfois de graves conséquences.

Selon l’auteur, l’humain possède deux systèmes de décisions :

  1. L’instinct, qui est rapide, mais souvent trop émotif et irréfléchi
  2. La raison, qui est plus rationnelle, mais prend plus de temps à opérer et est souvent influencée par la réaction initiale de l’instinct.

 

Ensuite, Gardner énumère certains des plus importants biais cognitifs de l’humain, lesquels contribuent à fausser l’évaluation du risque.

Il y a évidemment le biais de confirmation, qui consiste à accorder davantage d’importance aux faits confirmant notre opinion plutôt qu’à ceux qui la contredisent. Il y a aussi la polarisation de groupe, qui survient lorsque plusieurs personnes partageant la même opinion se réunissent et renforcent ainsi leur opinion tout en la rendant plus extrême.

Des scientifiques ont réalisé une expérience durant laquelle ils montrent au sujet cinq lignes de différentes longueurs sur un écran, la quatrième ligne étant sans aucun doute la plus longue. Les sujets doivent ensuite répondre à la question : « quelle ligne est la plus longue des cinq ? ». Les quatre premiers à répondre, de connivence avec les scientifiques, répondent que c’est la cinquième ligne, ce qui est évidemment faux. Malgré l’évidence, 30 % des gens ignorent ce qu’ils voient, et suivent le groupe.

 

Les balises, ou heuristiques d’ajustement

Elles sont aussi un biais répandu et souvent utilisé pour manipuler les gens. À sa mort, Gandhi était-il plus vieux ou plus jeune que neuf années ? Quel âge avait-il selon vous ? En moyenne, ceux qui ont répondu à ces deux questions successivement ont estimé l’âge de sa mort à 50 ans, alors que ceux à qui ont a remplacé le neuf ans par 140 années à la première question ont répondu 67 ans à la seconde question. La première question crée donc une balise à laquelle les gens s’accrochent, souvent sans le savoir. En choisissant bien la balise, on peut obtenir un résultat qui nous convient mieux à la seconde question. Pensez aux questions d’un sondage ou à la sentence proposée à un jury.

Les medias véhiculent souvent des statistiques vides de sens, voire même fausses.

Par exemple, la fameuse statistique citée par un lecteur de nouvelles selon laquelle il y aurait 50 000 pédophiles aux États-Unis qui tentent d’entrer en contact avec des enfants. Lorsque l’on se donne la peine de remonter à la source, on se rend compte que celle-ci n’est qu’une vague estimation sans aucun fondement. Pourtant, elle a été reprise des milliers de fois par des journalistes, des politiciens et des organisations diverses. Notez qu’on la retrouve notamment sur le site web de l’entreprise Spectorsoft, qui vend des logiciels permettant aux parents de superviser la navigation internet de leurs enfants. Cette entreprise a tout avantage à ce que les parents surestiment ce risque en citant une statistique bidon. Même si ce chiffre n’a aucun fondement, le simple fait de le mentionner créera une balise qui pourrait vous pousser à surestimer le chiffre réel. Est-ce que le nombre de pédophiles sur internet est inférieur ou supérieur à 50 000 ? Quel est selon vous le nombre de pédophiles sur internet ? Vous avez certainement besoin de ce logiciel pour protéger vos enfants de ce fléau, non ?

 

La règle des choses typiques

Cette règle se manifeste lorsque nous surestimons la probabilité d’une séquence d’affirmations parce que celles-ci forment une histoire cohérente.

Par exemple : est-il plus probable qu’une inondation cause 1000 morts en Amérique du Nord ou qu’un tremblement de terre en Californie engendre une inondation causant 1000 morts ? Le premier événement est nettement plus probable que le second, pourtant 57 % des gens croient que le second est plus probable, parce qu’il s’insère mieux dans une histoire qui semble typique.

Autre exemple : Saddam Hussein a réussi à développer une arme nucléaire, à la remettre à des terroristes, qui ont réussi à la faire entrer aux États-Unis et à la faire sauter dans une grande ville. Cette suite improbable d’événements a réussi à convaincre les Américains qu’il était légitime d’envahir l’Irak. Pourtant, chaque maillon de la chaîne est très improbable et la faille d’un seul des maillons ferait échouer le scénario, ce qui rend cette suite d’événements très improbable.

Aux États-Unis, des sondages ont été effectués avant et après la sortie du film-catastrophe The Day After Tomorrow. Mêmes les scientifiques les plus convaincus de la gravité des changements climatiques ont qualifié le scénario de ce film de saugrenu et irréaliste. Pourtant, suite au visionnage du film, une plus grande proportion de gens se sont dit inquiets des changements climatiques. Ce résultat s’explique parce que la suite d’événements décrits dans l’histoire semble crédible à nos yeux.

 

La règle de l’exemple

Certains nomment ce biais « heuristique de disponibilité ». Si nous pouvons facilement nous souvenir d’un exemple de quelque chose, nous en concluons que cette chose est plus probable qu’elle ne l’est réellement.

Par exemple : lorsqu’une chose s’est produite récemment, nous avons tendance à surévaluer sa fréquence ou sa probabilité. Un tremblement de terre est un relâchement de pression résultant du pliage graduel de la croûte terrestre. Géologiquement, il est peu probable que deux tremblements de terre surviennent dans une même région dans un court laps de temps, car il faut du temps à la croûte terrestre pour réaccumuler la pression. Pourtant, les ventes d’assurance tremblement de terre sont plus élevées immédiatement après un séisme, le moment où le risque est le plus bas, et elles diminuent au fur et à mesure que le temps passe. Cela devrait plutôt être l’inverse !

La moyenne des gens croient que les accidents de la route et les maladies tuent environ le même nombre de personnes. En fait, les maladies tuent 17 fois plus que les accidents de la route. Les gens pensent que les accidents de la route tuent 350 fois plus que le diabète, alors que le véritable chiffre est 1,5 fois plus. Pourquoi ? Parce que les bulletins de nouvelles sensationnalistes sont remplis d’images d’accidents routiers meurtriers, alors qu’on y parle rarement (voire jamais) de ceux qui sont morts prématurément du diabète. C’est la règle de l’exemple à l’œuvre… manipulée par les médias !

 

L’heuristique d’affect

L’auteur la surnomme la règle du bon et du mauvais. Si une chose est risquée, mais bonne (par exemple prendre le soleil sur une plage du Mexique), nous sous-estimons son risque (cancer de la peau causée par les radiations du soleil), alors que si cette chose est mauvaise (une explosion nucléaire générant des radiations cancérigènes), nous surestimons son risque. Bien que le risque de cancer causé par les radiations solaires soit beaucoup plus grand que le risque de mourir d’une explosion nucléaire, les gens estiment que le second est beaucoup plus risqué.

Aux États-Unis, les incendies causés par les sapins de noël causent 500 morts et 2000 blessés par année tout en causant 500 millions de dollars en dommages, mais comme la fête de Noël est perçue comme une chose positive, nous sous-estimons ce risque.

Le radon est un gaz mortel qui émane naturellement de la Terre dans certaines régions. Aux États-Unis et en Europe, il cause environ 41 000 morts par année. Pourtant, les médias et les gens y sont complètement indifférents. La nature est perçue comme étant bonne, et les bonnes choses ne sont pas risquées. Pourtant, le radon a tué beaucoup plus que les radiations nucléaires, qui sont le sujet d’un plus grand niveau de crainte auprès de la population.

La même chose s’applique aux enlèvements d’enfants, une crainte excessivement élevée chez les parents. Pourtant, en moyenne, un enfant a 2,5 fois plus de risques de se noyer dans une piscine, et 26 fois plus de probabilités de mourir dans un accident d’automobile que d’être enlevé par un étranger. Cependant, les voitures et les piscines sont bonnes pour l’humain, les risques associés sont donc sous-estimés.

C’est aussi pour cette raison qu’une étude menée par les psychologues Michael Siegrist et George Cvetkovich a démontré que les gens accordent généralement davantage de crédibilité aux études scientifiques qui démontrent un danger ou un risque, qu’à celles qui démontrent qu’il n’y en a pas.

Pour une raison obscure, la couleur noire a un impact négatif sur l’humain. Dans la National Football League, les équipes portant un uniforme noir obtiennent davantage de de pénalités que la moyenne, saison après saison. Au hockey, en 1979-1980, les Pingouins de Pittsburgh on porté un uniforme bleu durant les 44 premiers matchs de la saison, obtenant en moyenne huit minutes de pénalité par partie. Ils ont ensuite opté pour un chandail de couleur noire pour les 35 derniers matchs de la saison et ont obtenu une moyenne de 12 minutes de pénalité par match, avec les mêmes joueurs et entraîneurs. Les arbitres sont des humains après tout ! Et ils ont un affect négatif pour la couleur noire, ce qui fausse leur jugement.

L’heuristique d’affect se manifeste aussi dans notre perception des chiffres.

Nous préférons du bœuf maigre à 75 % à du bœuf ayant 25 % de gras (parce que le gras est mauvais), même si c’est la même chose. Les gens acceptent davantage de subir une opération chirurgicale à laquelle ils ont 68 % de chance de survie, que de subir une chirurgie à laquelle ils ont 32 % de chance de mourir.

L’humain est généralement « aveugle aux probabilités », c’est-à-dire que nous avons de la difficulté à évaluer les probabilités, surtout lorsque nous nous fions sur notre instinct. À pile ou face, la plupart croit qu’après avoir obtenu face cinq fois de suite, il est plus probable d’obtenir pile au sixième lancer, ce qui est faux.

Dans le même ordre d’idées, l’auteur relate une semaine particulière durant laquelle cinq meurtres ont été commis à Toronto.

Les médias s’étaient affolés et parlaient d’une série noire, soulevant les craintes dans la population. Pourtant, avec une moyenne de 1,5 meurtre par semaine, la probabilité que la ville de Toronto connaisse une semaine de cinq meurtres est de 1,4 %.

En fait, une telle semaine devrait se produire toutes les 71 semaines en moyenne. Cette semaine n’avait donc rien de bien extraordinaire. Il y a aussi 22 % de probabilité qu’une semaine soit sans meurtre, ce qui arrive très souvent. Pourtant, la Une des journaux n’a jamais affiché « Pas de meurtre cette semaine ! ». Le même phénomène s’observe lorsque les médias relèvent un nombre particulièrement élevé de cancer dans une ville ou un arrondissement, générant une panique irrationnelle. Plus souvent qu’autrement, ces cas ne sont rien d’autres que le fruit du pur hasard.

La plupart des gens ont une peur bleue du cancer. Nous avons l’impression que cette maladie est en forte croissance, et fait de plus en plus de victimes. En fait, le premier facteur de risque de cancer est l’âge. Donc plus nous vivons vieux, plus nous avons de risque de cancer. Et comme l’espérance de vie augmente et que la population vieillit, il est normal d’observer davantage de cas de cancer. Si on ajuste les statistiques pour l’âge, on se rend compte que les taux d’incidence de cancer sont à la baisse, tout comme le taux de mortalité suite à un cancer.

L’auteur fait référence à une publicité sanctionnée par l’American Cancer Society avertissant du risque de mourir du cancer de la peau en raison du soleil. Pourtant, les cancers de la peau causés par le soleil sont rarement mortels. En fait, cette publicité était financée par Neutrogena, dont l’un des principaux produits est la crème solaire.

Concernant le cancer du sein, nous entendons souvent parler de jeunes femmes qui en sont atteintes et de l’importance de lever des fonds pour la recherche contre cette maladie. En 2001, une équipe de chercheurs dirigée par Wylie Burke de l’Université de Washington a publié une analyse sur les articles portant sur le cancer du sein paru dans des magazines américains entre 1993 et 1997. Environ 84 % des femmes atteintes du cancer du sein figurant dans ces articles étaient plus jeunes que 50 ans, presque la moitié avait moins de 40 ans. Pourtant, seulement 16 % des femmes diagnostiquées d’un cancer du sein ont moins de 50 ans et seulement 3,6 % ont moins de 40 ans. Celles qui courent le plus grande risque (67 % des cas) sont celles qui ont plus de 60 ans ; elles ne sont pourtant présentes que dans 2,3 % des articles.

En 2007, un sondage réalisé par l’Université d’Oxford demandait aux gens à quel âge une femme est-elle plus susceptible d’avoir le cancer du sein ? 56 % des gens ont répondu que l’âge n’avait pas d’importance, alors que c’est le facteur le plus important. 9 % ont répondu que c’était dans la quarantaine, 21 % dans la cinquantaine, 7 % dans la soixantaine et 1,3 % autour de 70 ans. La réponse correcte à cette question était « 80 ans et plus », mais elle n’a recueilli que 0,7 % des réponses !

Cette mauvaise perception du risque relatif au cancer du sein est presque entièrement attribuable aux médias, qui exploitent les biais cognitifs pour faire du sensationnalisme.

L’autre domaine auquel Gardner s’attaque est la criminalité.

À écouter les médias, le crime est un fléau de plus en plus important. En 2005, au Royaume-Uni, un sondage a révélé que 63 % de la population croyait que le crime était en hausse. Pourtant, entre 1995 et 2005, le taux de criminalité a diminué de 44 %. Beaucoup ont avantage à ce que les gens croient cela : les politiciens qui tentent d’obtenir des votes en promettant des mesures anti-crimes, les syndicats des policiers qui veulent plus d’effectifs et de budget, les ONG qui veulent des subventions et, surtout, les entreprises de sécurité et de systèmes d’alarme qui veulent faire de bonnes affaires.

Les fusillades dans les écoles ont été des événements marquants partout où elles se sont produites. Elles ont presque toujours donné lieu à des peurs irrationnelles. Pourtant, les statistiques démontrent que, malgré ces événements tragiques, mais extrêmement rares, les jeunes sont davantage en sécurité à l’intérieur des murs de leur école qu’à l’extérieur. En fait, la violence dans les écoles est en baisse de 50 % par rapport à la dernière décennie et le taux de crimes sérieux est en baisse de 67 %. La probabilité qu’un enfant soit assassiné dans une école américaine est si faible qu’elle ne peut être considérée statistiquement différente de zéro !

Le cancer chez les enfants est une autre chimère effrayante pour la population. Dès 1962, le cancer était la principale cause de mortalité chez les enfants, non pas parce que son incidence a augmenté, mais bien parce que les autres causes de mortalité infantile, telles que la diphtérie, ont été éliminées.

En fait, selon Gardner, la lutte contre le cancer a été soulevée par les environnementalistes qui ont réussi à rallier beaucoup de gens à leur cause en leur faisant croire que la pollution est responsable de nombreux cancers. En inculquant cette peur, les groupes écolos ont réussi à obtenir davantage d’attention et de financement pour mener leurs activités.

Pourtant, ce que les faits scientifiques démontrent est que les substances chimiques synthétiques que l’on retrouve en infimes quantités dans le sang humain ne sont pas des causes significatives de cancers. Selon l’American Cancer Society (2006), seulement 2 % de tous les cancers résultent d’une exposition à une substance cancérigène provenant de l’environnement. Notez que cela inclut la pollution humaine, mais aussi les substances naturelles telles que le radon. En fait, beaucoup de végétaux que nous mangeons produisent naturellement des substances cancérigènes (café, carottes, céleris, noix, etc). Selon Bruce Ames, un chercheur sur le cancer de Berkeley, 99,99 % des pesticides diététiques que nous absorbons sont naturels, et la moitié de ces composés chimiques causent le cancer à forte dose. Selon lui, les substances chimiques produites par l’humain sont la cause de bien moins que 1 % des cancers.

Le premier principe de toxicologie énoncé par Paracelsus au XVIe siècle énonce que toutes les substances sont poison, sans exception. C’est la dose qui différencie un poison d’un remède. Ce qui compte n’est pas la nature des substances qui sont en nous, mais plutôt la quantité qui s’y retrouve. Les quantités de pesticides et autres substances chimiques retrouvées dans le corps humain sont de 100 000 à un million de fois moins élevées que les quantités qui seraient susceptibles de causer un cancer (selon le scientifique Lois Swirsky Gold). Selon beaucoup de scientifiques, le message véhiculé par les diverses organisations environnementalistes est carrément faux et trompeur. Leurs objectifs sont davantage d’effrayer que d’informer.

En fait, ce sont surtout les habitudes de vie qui causent le cancer : le tabac, l’alcool, l’obésité et le manque d’exercice (65 % de tous les cancers). Il faut être critique envers les études alarmistes. Par exemple, certaines études démontrent que ceux qui vivent près des raffineries ont plus souvent un cancer. Cependant, ceux qui vivent dans ces quartiers sont généralement plus pauvres, et fument davantage. Une fois les données corrigées pour la cigarette, on ne dénote aucune différence au niveau des taux de cancer, raffinerie ou pas. Cependant, l’âge est le principal facteur de risque pour le cancer, c’est pourquoi son taux est trois fois plus élevé en Floride qu’en Alaska (parce que la population y est plus vieille).

Il y a plusieurs années, un journaliste publiait un article à sensation mentionnant que le taux de cancer chez les enfants canadiens avait augmenté de 25 % en 30 ans.

En fait, l’augmentation est survenue entre 1970 et 1985, puis a pris fin. En 1970, on dénotait 13 cas de cancer par 100 000 enfants, augmentant à 16,8 cas par 100 000 en 1985. Cependant, il faut noter qu’au cours de ces années, les techniques de dépistage du cancer se sont beaucoup améliorées et qu’un bien plus grand nombre de dépistages a été effectué. L’utilisation des ordinateurs a permis de mieux compiler, organiser et partager les données. L’augmentation du taux de cancer ne signifie donc pas que davantage d’enfants ont le cancer, mais plutôt que plus de cancers sont dépistés, diagnostiqués et compilés dans les statistiques. Par ailleurs, en 1970, sept enfants sur 100 000 sont décédés du cancer, alors qu’en 2000, ce chiffre était passé à trois, ce qui prouve que le taux de cancer n’a pas augmenté.

 

Le principe de précaution

Ce principe implique que l’on doive interdire un produit ou une activité tant que nous n’avons pas la certitude que ce produit ou cette activité est sans risque. Il existe un risque que le chlore utilisé pour traiter l’eau potable cause le cancer ? Cette pratique fut interdite en Amérique du Sud. Résultat ? 2000 cas de choléra.

Sommes-nous sûrs que les pesticides causent le cancer ? Non, mais ce que nous savons est que si nous cessions de les utiliser, la production de fruits et légumes diminuerait, tout comme leur consommation. Quel serait alors l’impact de cette mesure sur la santé et sur les taux de cancer ? Sommes-nous prêts à subir une perte certaine pour nous protéger d’un risque hypothétique ? C’est ce que le principe de précaution suggère. Tel qu’énoncé précédemment, un grand nombre de composés chimiques naturels contenus dans les fruits et légumes peuvent causer le cancer, même s’ils sont produits par des techniques purement biologiques. Devons-nous bannir les fruits et légumes pour cela ? C’est pourtant ce que le principe de précaution suggère.

L’une des grandes peurs du XXIe siècle est certainement le terrorisme, surtout depuis le 11 septembre 2001. Cet attenta fut certes terrible, mais même en présumant qu’un tel événement surviendrait tous les mois aux États-Unis, le terrorisme ne serait pas un risque significatif pour l’Américain moyen. La probabilité de mourir dans un attentat serait alors similaire à la probabilité de mourir dans un accident de la route.

Selon la base de données RAND-MIPT, il y a eu 10 119 attentats terroristes dans le monde entier entre 1968 et 2007, lesquels ont coûté la vie à 14 790 personnes, soit 379 morts par année. Aux États-Unis seulement, chaque année 497 personnes suffoquent accidentellement dans leur lit, 396 personnes s’électrocutent accidentellement, 515 se noient dans une piscine et 347 sont tués par des policiers.

De plus, la majorité de ces attentats sont survenus en Asie et au Moyen-Orient. Seulement 4998 morts furent attribuables au terrorisme aux États-Unis et en Europe occidentale entre 1968 et 2007. En fait, le terrorisme n’est définitivement pas un risque significatif pour les citoyens des pays occidentaux, et il est d’ailleurs en déclin au cours des dernières décennies.

Le risque que représente le terrorisme a été grandement augmenté par les politiciens ainsi que par les lobbys des entreprises du complexe militaro-industriel américain. Lorsque l’on s’éloigne de cette rhétorique fallacieuse, on réalise vite que cela ne tient pas debout. La fabrication d’armes de destruction massive requiert des ressources financières et scientifiques très importantes, ainsi que des équipements très difficiles à obtenir. Ces armes sont hors de portée des organisations terroristes, voire même de plusieurs États.

Dans les années 1990, Aum Shinrikyo, une organisation terroriste japonaise disposant de centaines de millions de dollars en actifs, de connections internationales, de laboratoires avancés ainsi que de scientifiques de calibre mondial formés dans les meilleures universités, a commis 17 attaques terroristes. Au total, ils n’ont réussi à tuer qu’une centaine de personnes, soit beaucoup moins que les 168 personnes mortes à Oklahoma City quand un seul homme, Timothy McVeigh, a fait exploser une bombe artisanale fabriquée avec du fertilisant et de l’essence.

Selon Georges W. Bush en janvier 2002 :

« Le monde civilisé fait face à des dangers sans précédent […] si nous n’agissons pas, une nouvelle vague de terrorisme impliquant potentiellement les armes les plus destructrices du monde pourrait survenir en Amérique […] c’est le défi le plus formidable auquel notre nation n’a jamais fait face […] la nation, voire même la civilisation sont en danger ».

Il serait utile de rappeler à M. Bush que Al-Quaeda a réussi sont coup grâce à 19 fanatiques armés d’un couteau. Il va sans dire que c’est un ennemi puissant et sophistiqué…

En juin 2007, des terroristes ont tenté de commettre un attentat à l’aéroport JFK de New York. Les quatre hommes planifiaient de faire exploser un réservoir de carburant de l’aéroport. Pourtant, ils ne disposaient d’aucun contact à l’aéroport, n’avaient pas d’argent et, surtout, n’avaient pas d’explosifs en leur possession. Finalement, leur plan n’aurait pas fonctionné, car selon un expert de l’aéroport, il est excessivement difficile de faire exploser ces réservoirs, et même s’ils avaient réussi, l’explosion n’aurait pas pu se propager aux autres réservoirs par les tuyaux de connections comme ils l’avaient prévu. En fait, cet attentat était voué à l’échec, comme dans la plupart des cas.

La réalité est que l’administration Bush avait comme objectif de lier le terrorisme aux armes de destruction massive, ce qui justifierait de combattre Saddam Hussein. Le principe de précaution fut alors fortement utilisé par les politiciens pour justifier cette guerre contre l’Irak. Le risque de ne pas agir était présenté comme étant plus grand que le risque d’agir.

Suite aux attentats, le taux d’approbation du président Bush était parfaitement corrélé au niveau de risque terroriste. Aucun politicien ne pouvait donc se permettre de déclarer que le risque n’était pas si grand. Bush a parfaitement utilisé la tactique consistant à faire peur pour ensuite leur promettre de les protéger en échange de leur vote et de leur contribution financière. Par ailleurs, le nombre de lobbyistes œuvrant auprès du département de Homeland Security est passé de 15 en 2001 à 861 en 2004. La guerre au terrorisme est donc devenue une source de revenus importante pour les partis politiques américains ainsi que pour les entreprises impliquées. Les médias ont aussi saisi l’opportunité de captiver les auditoires en faisant du sensationnalisme. Tout ce qui indiquait que la menace terroriste était réelle faisait la Une. Toute ce qui indiquait que le risque n’était pas si grand était ignoré. Ils ont ainsi créé une énorme boucle rétroactive contribuant à faire croire que le terrorisme est un risque de tous les instants.

En fait, tout cela démontre que les terroristes ont parfaitement réussi leur coup : ils ont réussi à créer une atmosphère de peur qui a généré des sur-réactions et qui a contribué à faire avancer leur cause. L’invasion américaine de l’Afghanistan et de l’Irak a convaincu les musulmans les plus extrémistes que la cause de Ben Laden était juste ; ils ont donc rejoint le mouvement jihadiste. En menant une « guerre contre le terrorisme », les Américains ont transformé les fanatiques en soldats, et Al-Quaeda en armée. En exagérant l’ampleur de la chose, au point de déclarer qu’il s’agissait de la Troisième Guerre mondiale », les Américains déclaraient implicitement que le jihad pourrait être assez puissant pour réussir à vaincre les États-Unis, ce qui fut une grande source de motivation pour ces extrémistes. Les actions de l’administration Bush ont donc fortement contribué à renforcer le terrorisme. Elles ont aussi contribué à faire des États-Unis une nation affaiblie et effrayée.

La question que Gardner pose ensuite est la suivante : est-ce que les centaines de milliards engloutis dans ces guerres auraient pu être mieux utilisés ? Chaque année, la malaria tue 67 fois plus de gens que tous ceux tués lors d’attentats terroristes dans le monde depuis 40 ans…

L’auteur conclut son ouvrage remarquable en se demandant pourquoi les humains les plus en sécurité de l’histoire du monde (c’est-à-dire nous !) sont-ils aussi effrayés. La réponse est que le marketing de la peur est omniprésent. Les politiciens s’en servent pour obtenir des votes. Les entreprises s’en servent pour vendre leurs produits. Les activistes et ONG s’en servent pour obtenir des dons et des subventions. Ces gens utilisent constamment nos biais cognitifs pour fausser notre jugement.

Le message du livre est donc : fiez-vous à votre raison plutôt qu’à votre instinct, et soyez conscients de vos biais cognitifs. Soyez critiques envers ceux qui veulent vous faire peur avec des risques surévalués. Questionnez les statistiques et demandez-vous si l’étude qui vous est présentée est réellement scientifique.

 

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