Adieu de Gaulle !

Les tares actuelles de la France ne peuvent être imputées au seul Sarkozy et remontent en fait à de Gaulle

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Nicolas Sarkozy à Davos (Crédits : World Economic Forum, licence CC-BY-NC-SA 2.0), via Flickr.

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Adieu de Gaulle !

Publié le 13 juillet 2011
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L’hebdomadaire Courrier international a consacré un de ses derniers numéros à la vision qu’ont les journalistes étrangers de Nicolas Sarkozy. Un article a retenu en particulier mon attention car il soulignait à juste titre que les tares actuelles de la France ne pouvaient être imputées à notre seul président et remontaient en fait à de Gaulle. Le journaliste allemand, non sans exagération, voyait une continuité à l’œuvre dans l’incapacité des Français à accepter le régime parlementaire. C’est assez injuste car la France a connu deux régimes nettement parlementaires, la IIIe et la IVe République, mais dont l’instabilité chronique a laissé de mauvais souvenirs aux Français.

Cela dit, notre régime ultra-présidentiel devrait tout autant mettre mal à l’aise les Français. Le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral ont renforcé les défauts rédhibitoires de cette République-là. La personnalité virevoltante de M. Sarkozy a fait le reste.

Notre régime est incestueux, le mélange des genres y est la règle, l’équilibre des pouvoirs l’exception. Dans quel autre grand pays démocratique les hauts fonctionnaires, tous issus de l’ENA, contrôlent-ils à la fois un État surpuissant et les grandes entreprises du CAC40 où ils « pantouflent » après avoir fait leur début de carrière à l’Inspection des Finances ou au Conseil d’État ? Dans quel autre pays démocratique, les principaux groupes vendeurs de biens ou prestataires de service à l’État et aux collectivités locales, Bouygues, Vivendi, Largardère, Dassault, etc., possèdent-ils également les plus gros médias de la presse écrite et audiovisuelle et sont-ils dirigés par des amis intimes du président ?

On est ébahi qu’avec tout ce pouvoir entre les mains, M. Sarkozy n’arrive pas à changer la France. Or personne ne semble se demander, dans notre brave pays, si on ne parvient pas à le réformer justement parce que le président y a trop de pouvoir.

Notre régime n’a que les apparences d’une démocratie libérale. Il en ignore certains principes fondamentaux comme la séparation et l’équilibre des pouvoirs, le check and balances cher aux Anglo-saxons. Peuple immature, les Français pensent que cet équilibre paralyserait la société française alors que c’est tout à l’inverse la concentration et la centralisation des pouvoirs qui l’anémient. Inutile alors de se demander pourquoi nos concitoyens se méfient du capitalisme puisqu’ils se méfient de la décentralisation des décisions à l’œuvre et dans l’économie de marché et dans les vraies démocraties libérales. On ne s’étonnera pas du coup qu’un Régis Debray, nouveau thuriféraire de la mémoire gaullienne après avoir été celui du guévarisme – Seigneur, prends pitié de lui – , se soit plu à opposer il y a quelques années la « démocratie » à la « république ». Si une telle opposition était pertinente – ce dont je doute car il n’y a pas de vraie république sans démocratie libérale -, eh bien je choisirais à l’inverse la démocratie contre la république. Tout bien considéré, je préfère même une monarchie à l’anglaise à notre Ve République.

De Gaulle, on l’a déjà souligné, a ressuscité la vieille tradition bonapartiste de notre pays, mélange stupéfiant de monarchisme et de jacobinisme où l’écrasement des corps intermédiaires ne se manifeste plus par l’absence de médiations entre les députés et le peuple, mais par l’élection du roi de France au suffrage universel direct. Hugues Capet élu par M. et Mme Toutlemonde.

À Alain Peyrefitte qui lui demandait si le nouveau régime issu de la crise de 1958 était une « république monarchique », de Gaulle eut le toupet de répondre : « Non, plutôt une monarchie républicaine ». Comme le soulignait le journaliste allemand cité par Courrier international, la nuance est révélatrice : la république passait pour de Gaulle après la monarchie. Et notre journaliste le crédite méchamment de deux succès : la liquidation du colonialisme et celle du parlementarisme.

Or je suis hélas entièrement d’accord avec lui, à quoi j’ajouterai qu’avec ses plans quinquennaux et son étatisme impénitent, il a renforcé le jacobinisme et, par voie de conséquence, le pouvoir de l’ENA au détriment de la société civile et du dynamisme des PME qui font la force de l’Allemagne par exemple.

De Gaulle a accepté en 1945 le compromis corporatiste élaboré par le Conseil national de la Résistance – autre grand mythe national qu’il est temps de déboulonner – en abandonnant le contrôle de pans entiers du service public aux communistes pour éviter un scénario de guerre civile à la grecque. Pouvait-il faire autrement ? Il est permis d’en douter, mais au moins reconnaissons en cet épisode historique une des sources principales du comportement lamentable des syndicats de fonctionnaires dans notre pays.

De Gaulle a tué la République, la vraie, en 1958 pour éviter la guerre civile que les Pieds noirs menaçaient d’exporter vers la Métropole. Pouvait-il agir différemment ? Là encore, il est loisible de le nier. Mais avouons-le également et passons maintenant à autre chose.

Il en était d’ailleurs lui-même conscient puisque son dernier acte politique fut, en 1969, d’essayer de revivifier les corps intermédiaires qu’il avait contribué à écraser en 58 en proposant leur réprésentation au Sénat. Trop tard, le référendum fut son ultime échec.

Tant que nous n’aurons pas regardé en face les mythes de notre passé, le pessimisme et le manque de confiance dans l’avenir qui caractérisent présentement notre pays ne pourront être dépassés. Et nous ne nous en guérirons pas en vouant un culte passéiste à de Gaulle.

Il nous faudra en conséquence fonder, sous une forme ou sous une autre, par un moyen ou par un autre, peu importe, une VIe République où le parlement retrouvera ses prérogatives perdues, où les collectivités locales jouiront de pouvoirs encore plus étendus que depuis 1985 et où le président inaugurera les chrysanthèmes.

Le référendum qui s’est déroulé récemment en Grande-Bretagne vient à point nommé nous rappeler que certains de nos voisins sont plus sages et pragmatiques que nous. Les Britanniques ont rejeté l’introduction d’une dose de proportionnelle proposée par les Libéraux-Démocrates. Malgré toute la sympathie spontanée que j’éprouve pour les LibDems de Nick Clegg, je m’avoue partisan convaincu du système anglo-saxon du first past the post, c’est-à-dire du système uninominal à un tour.

Je pense en effet qu’un régime parlementaire ne peut être stable que s’il ignore la proportionnelle. C’est elle qui a paralysé la IIIe et la IVe République, c’est elle qui paralyse la Knesset israëlienne, la Belgique ou les Pays-Bas, c’est elle qui commence à rendre délicat le jeu des alliances en Allemagne – où la CDU et la SPD ont de plus en plus de mal à composer des gouvernements pérennes.

Ou alors, on se doit d’adopter carrément le régime présidentiel américain avec ses traditions de négociation entre le Congrès et la présidence – difficiles à transposer ailleurs – , mais il n’y a pas d’entre-deux. Il n’y a pas de système viable sur le long terme entre l’anglais et l’américain. Pas étonnant d’ailleurs si ce sont les deux régimes démocratiques les plus vieux du monde.

Alors vive la VIe République, non à la proportionnelle et adieu de Gaulle !

—-
Article publié le 15 mai 2011 sur le site de l’auteur, repris avec son aimable autorisation.

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  • Tout à fait d’accord sur le fond : tordre le coup au mythe du gaullisme.

    J’émet toutefois une résèrve concernant l’absence de proportionnalité, étant suisse, j’apprécie beaucoup le fait d’avoir deux organes différents, un élu au scrutin majoritaire et l’autre à la proportionnelle.

    La stabilité peut-être visée par le mode d’élection du gouvernement, en Suisse les ministres sont élus individuellement tous les quatre ans par les deux organes réunis, il ne revient pas à un premier ministre de composer son gouvernement.

    Comme contre pouvoir, le peuple a un droit de référendum ainsi qu’un droit d’initiative. Il est vrai que certains sujets peuvent laisser à désirer (minarets dernièrement), néanmoins ils traduisent aussi les inquiétudes populaires et peuvent servir de révélateurs de problèmes sociaux.

  • C’est l’élection présidentielle au suffrage universel et les pouvoirs qui lui sont conférés qui sont la source des problèmes politiques de ce pays.

    Un homme seul, élu avec une légitimité bonapartiste écrasante n’a de compte à rendre à personne, constitue une cours autour de lui et dicte sa loi au 1er ministre et à une assemblée qui lui doit son élection.

    Pendant 5 ans le pouvoir est exercé sans contrôles par un homme seul, le peuple n’a aucun recours devant les « nouvelles idées » qui surgissent et pour lesquelles aucun mandat n’a été donné.

    La France a par conséquence une très faible réactivité économique vu qu’elle est gouverné non pas par des spécialistes mais des politiciens de cours qui cherchent une bonne place au chaud.

    L’autre grand problème c’est le cumul des mandats dans le temps: il est nuisible que des maires soient en poste depuis 30 ans, ou que des députés squattent des sièges depuis 20 ans; la France souffre d’un manque majeur de renouvellement politique et donc d’un rafraichissement des idées.

    On attend toujours que la gauche qui dénonçait la présidentialisation avant 1981 fasse quelque chose pour régler ce problème.

  • J’ai lu dans les années 60 le « Dialogue aux enfers entre Montesquieu et Machiavel », réédité par Raymond Aron et préfacé par Jean-François Revel. Cette curiosité littéraire du Second Empire semblait alors fort bien convenir à notre « monarchie républicaine » du moment. Je l’ai relu sous le « tontonnat », farce burlesque, à qui il convenait mieux encore. Relisant les « Souvenirs » de Tocqueville, ou bien le texte de Renan sur la « Monarchie constitutionnelle »…Henry de Jouvenel, Albert Thibaudet…André Tardieu…Emmanuel Berl…et, même, François Mitterrand, on est saisi, puis peiné, de constater la pertinence « intemporelle » de tous ces jugements sur notre calamiteuse situation politique qui semble un mauvais rêve qui jamais ne finit…

  • au risque de l’excès d’abstraction, il me semble en effet que le système français est … français. Le jacobinisme correspond à la situation militaire de France, à la nécessité de rassembler le peuple entier sous une seule bannière et un seul chef dans un effort militaire dont la survie du pays dépend. L’Allemagne a déjà fait la même chose, en plus accentué, à cause de menaces plus graves encore (la France d’un côté, la Russie de l’autre, le merdier balkanique au sud et la GB qui ferme le débouché nord ; d’où les délires sur le « lebesraum » et son application directe : l’extermination systématique à l’Est, et sa variante pacifique moderne : la colonisation économique de l’est européen et des Balkans).
    Le libéralisme est un pacifisme, il en a les qualités et les défauts : il peut s’épanouir dans des pays à l’abri (GB, USA, Suisse) ou des pays résignés à l’inévitable défaite en cas de conflit (Finlande, Allemagne moderne), mais il vit mal dans une citadelle assiégée (France, Israël, …)

  • L’auteur dit : « De Gaulle a tué la République, la vraie, en 1958 ». Veut-il ainsi évoquer la IVe, ce régime illégitime né sous la menace communiste, cette pseudo-république, illusion de démocratie, qui réservait la totalité du pouvoir aux pires arrivistes manipulateurs ? Il prétend fonder la VIe République, copie de la IVe ! Je ne lui donne pas 15 ans avant qu’un pouvoir totalitaire ne le renvoie à ses études.

    Le seul et unique responsable de la dérive de la Ve est Mitterrand le Vichiste qui a tué l’esprit du texte par ses alliances malhonnêtes, ses mensonges, ses trahisons, ses assassinats, et surtout parce qu’il a refusé la seule issue possible en 1983, en 1986 puis en 1993 : la démission et la retraite.

    Transformer une boutade (la monarchie républicaine) en une démonstration « révélatrice » est le signe d’une incurable stupidité. Non seulement l’auteur n’a rien compris à l’humour de l’homme, mais encore l’époque lui échappe complètement, dans ses espoirs et ses peurs, dans ses réussites ou ses échecs. Et avec ça, on a le toupet de se prétendre enseignant ? Fat !

  • Il est vain de désigner un coupable comme Mitterand sur la dérive monarchique de la Vème. Giscard avant lui faisait preuve de la même morgue aristocratique.

    Ce régime est intrinsèquement mortifère car il n’y a pas de contre-pouvoirs, le quinquennat n’a fait que révéler au grand jour ce que les cohabitations masquaient: ce pays est dirigé par un homme seul dont la seule vision d’avenir était l’accès au pouvoir; il ne sait pas s’adapter à la situation ni prendre des décisions fortes car il gouverne au sondage et à la « pression de la rue ».

    Si le président de la république utilisait véritablement toute l’étendu de ses pouvoirs et de son influence, nous serions dans une dictature de fait; a voir certaines lois liberticide, on en est pas loin…

    • Cela me semble très exagéré à propos de Giscard : il était un peu « coincé », « vieille France » mais de là à parler de morgue, c’est irréaliste. L’esprit de la Ve résidait dans la démission du président dès qu’il était désavoué par le peuple, quel que soit le motif du vote. C’est cette règle non écrite que Mitterrand, le premier, a refusé d’appliquer : ce grand corrupteur est bien le responsable de la dérive de la Ve, la cohabitation en est la conséquence. Il n’est jamais vain de rappeler tout le mal que ce margoulin a fait au pays pendant plus de 50 ans, sans parler de Chirac, son fils spirituel.

      Chaque mode de représentation présente ses défauts et aucun ne présente une solution intéressante. Ce n’est pas en changeant radicalement de constitution qu’on améliorera la situation, mais en la faisant évoluer dans le sens de la limitation drastique de la capacité d’action de l’Etat : interdiction de tout déficit, taux maximum imposé aux prélèvements obligatoires, limitation du nombre de ministères et de leurs compétences respectives…

      • Ouais enfin, c’est Giscard qui, en 78, a fait un célèbre discours pour dire qu’il ne partirait pas si les législatives donnaient une majorité de gauche (il était donc prêt à gérer une cohabitation, ce qui donne matière à de la belle politique fiction…). On peut faire bien des reproches à Mitterrand mais pas celui d’avoir été le « grand corrupteur » « responsable de la dérive de la Ve »

        Le problème avec les limitations, c’est qu’elle ne servent à rien en l’absence de mécanismes de sanctions pour ceux qui passent outre ou les contournent. Par exemple le fait que le préfet peut prendre leur contrôle financier en cas de manquement n’est pas totalement étranger au fait que les villes respectent leurs règles budgétaire. Mais qui va sanctionner le gouvernement s’il ne respecte pas les lois ? Pas les députés de sa majorité, ça c’est sûr…

  • Je suis d’accord avec la tonalité dominante de l’étude, même si elle me semble être une reconstruction historique a posteriori. Les problèmes de la France, si on veut prendre les choses comme elles sont, sont bien plus anciennes. J’en donnerai un seul exemple: les Physiocrates. Si, en économie, ils étaient bien libéraux, sur le plan politique en revanche, la plupart d’entre eux étaient carrément absolutistes. Pour eux, la liberté individuelle ne pouvait être comprise sans un Etat fort ; ainsi s’explique le décret d’Allarde, libéral en apparence mais destiné à supprimer tout corps intermédiaire entre l’individu et l’Etat. Le libéralisme de Guizot, au XIXe siècle, présente les même travers. A l’inverse, le Bastiat que nous célébrons aujourd’hui était peu connu de son vivant.

    Ce que je veux dire par là, c’est que la tradition jacobine, centralisatrice et étatiste est forte en France. Accuser de Gaulle me semble donc trop rapide. Idem pour VGE : dire qu’il n’a pas été libéral me semble assez vain : à l’époque, qui n’était pas favorable à l’Etat ? Rappelons qu’aux USA, Galbraith vendait ses bouquins un prix d’or, et Hayek était totalement inconnu…

    Concernant la Ve République j’abonde dans le sens de Bubulle. dont j’apprécie le refus de tout compromis à l’égard de la Mitte. Pour moi la Ve est un mauvais régime, pas assez libéral ; mais effectivement, c’est le seul régime qui a su durer et, tel qu’il a été pensé, il n’y avait rien d’anormal dans le fonctionnement des institutions. Là encore, rien qu’un exemple: les ordonnances. Pour Mitterrand les ordonnances du président de la République étaient le symbole de la dérive monarchique de la Ve ; il a promis ne plus les utiliser; il a pris plus d’ordonnances que de Gaulle.

    Sur le régime proportionnel enfin il me semble que certains n’ont pas compris qu’il existe plusieurs mécanismes différents. En Allemagne notamment, on parle de proportionnelle double, dans la mesure où l’on vote une fois pour un siège, et une fois pour une liste – de sorte qu’on vote souvent pour un grand parti, et pour un plus petit parti.

    Rien à voir avec le système proportionnel connu en France sous la IIIe. Quant à la IVe et au système des apparentements, sa complexité permettait toutes les magouilles… ce qui a fait la fortune des partis de gauche, du PCF à PMF et ses amis radicaux (origine des baronnies locales du PS actuel).

  • pourquoi finasser ?
    de quoi sommes nous entrain de crever ?
    mais du socialisme tout simplement !
    La France est installée en profondeur dans le socialisme depuis plus de trente ans.
    La liberté et la responsabilité ne sont pas des projets politiques qui ont été proposés au Peuple par nos zélites. Et le Peuple muselé, lobotomisé, ponctionné, accepte que l’Etat lui tienne la main du berceau jusqu’à la tombe…..
    Où est l’alternative politique aujourd’hui ?
    Sachant qu’il n’y a aucune différence idéologique entre la « gauche » et la « droite ». Les résultats des politiques menées depuis plus de trente ans sont là pout le prouver.
    « droite » et « gauche » sont les deux faces d’une même médaille SOCIALISTE IMMIGRATIONISTE MONDIALISTE.

  • Le mode de scrutin sous la IIIème république n’était pas la proportionnelle, mais le scrutin majoritaire à 2 tours, sauf en 1919 et 1924.

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