Le Paradoxe de Warren Buffet

Hausse des impôts et autres « rabotage des niches » ne suffiront jamais à éteindre la crise de la dette

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Le Paradoxe de Warren Buffet

Publié le 17 août 2011
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Face aux aberrations du système fiscal américain qui privilégie les plus fortunés, il faut défendre la flat tax. Mais quand bien même les revenus fiscaux augmenteraient, la baisse des dépenses reste impérative.

Par Stéphane Montabert, depuis la Suisse

Warren Buffet est un spéculateur devant l’éternel. Un spéculateur talentueux, ce qui ne gâte rien. M. Buffet est devenu, par ses judicieux placements, une des plus grandes fortunes du monde. Il draine des milliers de personnes à ses conférences. Il est écouté lorsqu’il prodigue des conseils de gestion. On lui a consacré des émissions de télévision, des livres. Il fascine et joue bien volontiers de cette fascination.

À une époque où les spéculateurs sont unanimement dénoncés comme la source de tous les maux, le respect dont bénéficie le milliardaire de 80 ans a quelque chose d’étonnant – du moins de ce côté de l’atlantique.

Mais il faut dire que Warren Buffet a une qualité rédemptrice : il est de gauche. Bon, démocrate, la gauche américaine, c’est vrai, c’est léger. Mais c’est mieux que rien. On a le droit d’être extraordinairement riche si, au fond de son cÅ“ur (donc loin du portefeuille) on déclare oeuvrer pour le Bien Commun.

C’est sans doute au nom de ce profond altruisme que M. Buffet s’est senti obligé de venir en aide à Barack Obama dans ces temps difficiles de gestion de la dette publique, en suggérant d’imposer davantage les riches, dont lui.

Dans une tribune publiée par le New York Times, le patron du fonds d’investissement Berkshire Hathaway propose une hausse d’impôts pour les Américains dont les revenus dépassent au moins un million de dollars par an, et une hausse encore plus élevée pour ceux qui gagnent plus de 10 millions de dollars annuels.

« Nos dirigeants ont appelé à un sacrifice partagé. Mais quand ils ont fait cette demande, ils m’ont épargné. J’ai vérifié auprès de mes amis méga-riches pour savoir à quels sacrifices ils s’attendaient. Eux non plus n’avaient pas été touchés », écrit le milliardaire.

La posture a au moins le mérite de l’originalité, même si on ne manquera pas de remarquer que l’Oracle d’Omaha se fend d’une telle tribune après l’accord passé entre Républicains et Démocrates pour le relèvement du plafond de la dette américaine. Le moment est donc bien choisi pour s’éviter d’être pris trop au pied de la lettre!

Il n’en reste pas moins que ce discours reste étrange de la part d’un homme qui emploie probablement des experts fiscaux pour payer le moins d’impôts possible. Reste la possibilité d’une donation. S’il se plaint de ne pas donner assez à l’État, qu’est-ce qui l’empêche de faire cadeau du complément? Je ne crois pas qu’il existe, de par le monde, un seul pays où les dons à l’État soient interdits.

La lecture simpliste de cet appel à plus d’impôt résonnera avec délice aux oreilles des étatistes de tout poil – et c’est naturellement sous cette forme hâtivement résumée que l’information est répétée dans les médias locaux. Si même Warren Buffet le dit, c’est que ça doit être vrai, n’est-ce pas! Pourtant, le milliardaire tient en réalité un tout autre discours:

« Pendant que les pauvres et les classes moyennes combattent pour nous en Afghanistan, et pendant que de nombreux Américains luttent pour joindre les deux bouts, nous, les méga-riches, continuons à bénéficier d’exemptions fiscales extraordinaires », poursuit-il.

M. Buffet explique que son taux d’imposition par l’État fédéral représentait 17,4% de ses revenus imposables l’an dernier, alors que celui des 20 personnes travaillant dans son bureau était compris entre 33 et 41%.

Le taux d’imposition des riches était « beaucoup plus élevé » dans les années 1980 et 1990, et pourtant près de 40 millions d’emplois ont été créés entre 1980 et 2000, rappelle M. Buffet.

 

Eh oui. Un super-riche comme M. Buffet paye des impôts à un taux moyen finalement inférieur aux membres de la classe moyenne. Pourtant, le taux d’imposition américain n’est pas devenu dégressif, loin de là.

La clef du mystère tient effectivement dans les exemptions, ouvrant des possibilités d’optimisation fiscale. Elles sont hors de portée des gens communs mais largement employées par ceux qui en ont les moyens. Donc, en fait, au lieu de militer pour des impôts plus élevés, Warren Buffet réclame une simplification et une harmonisation des réglementations fiscales. Qui sait, peut-être que si on le tannait un peu, il se ferait l’avocat de la Flat Tax!

On peut être d’accord ou pas sur la position de Warren Buffet, notamment en se demandant si l’argent récolté par l’État est judicieusement dépensé. Mais sa position est nettement moins « socialiste » qu’il ne semble de prime abord. On peut même penser qu’en augmentant « bêtement » les impôts sans s’attaquer aux exemptions, M. Buffet trouvera probablement de nouveaux moyens de passer au travers, tout le contraire donc de la simple « augmentation du taux d’imposition » dans laquelle on résume abusivement ses propos.

Je conclurai en faisant deux petites remarques.

1. Les exemptions fiscales, les fameuses « niches », sont aujourd’hui décriées. Qui veut abattre son chien l’accuse de la rage! Mais on oublie un peu vite que ceux qui les dénoncent sont les mêmes qui les ont conçues. Un politicien offre des niches fiscales à des catégories de la population (restaurateurs, fonctionnaires, paysans, producteurs d’énergie « verte »…) qui contribuent en retour à le faire élire. Cette façon de faire se retrouve dans pratiquement tout le spectre politique.

Les exemptions fiscales sont l’incarnation même du clientélisme. Si elles changent au cours du temps, elles ne disparaîtront vraisemblablement ni demain, ni jamais.

2. Warren Buffet propose peu ou prou une augmentation des impôts sur le revenu. Pas fou, il laisse de côté sa fortune de 65 milliards de dollars selon le classement Forbes de 2008. Mais même si tout son patrimoine et ses revenus étaient siphonnés par l’État, ils ne représenteraient qu’une goutte d’eau dans l’océan… En France par exemple, le patrimoine cumulé des 500 personnes les plus riches atteignait 194 milliards d’euros en 2009. Le patrimoine, pas les revenus. La dette publique de la France atteignait quant à elle près de 1’600 milliards d’euros la même année, soit huit fois plus.

De cela, il découle que hausse des impôts et autres « rabotage des niches » ne suffiront jamais à éteindre la crise de la dette. C’est une impasse. La seule solution consiste à réduire les dépenses de l’État.


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  • C’est faux, Mr Buffet ment, il oublit de mentioner que s’il bénéficit d’un taux réduit de 15%, c’est par ce qu’il choisit de se payer sous forme de dividende, et non de salaire, ce qui veut dire qu’il y a une double taxation, les bénéfices de la compagnie étant déjà taxé à plus de 30%, plus les impots locaux (non négligables aux USA).

  • « Mais sa position est nettement moins « socialiste » qu’il ne semble de prime abord.  »

    Cet article peine à le démontrer !

    « Pourtant, le taux d’imposition américain n’est pas devenu dégressif, loin de là. »

    Les possibilités d’optimisation fiscale réservés aux plus rires sont bel et bien une forme de dégressivité.

  • Ce même Buffet avait apporté un soutien inconditionnel au plan de relance d’Obama qui a fait un flop monumental. Maintenant, il donne des leçons à la terre entière et aux riches d’Amérique. Qu’il arrête donc de crier dans les rues et fasse de super donations au gouvernement fédéral américain pour « réparer » ce qu’il considère être une injustice fiscale !

  • Buffet a d’abord et avant tout fait sa fortune sur la chance et l’accès privilégié à l’information. Sa méthode d’investissement est celle de l’analyse fondamentale et son mentor est Benjamin Graham. Rien de révolutionnaire. Cette approche est utilisée par des milliers d’investisseurs professionnels à travers le monde, avec plus ou moins de raffinement, depuis des décennies. La clé, c’ est toujours l’information. Vous pouvez être un génie, si vous n’avez pas l’information, vous serez dans la moyenne du marché peu ou prou.

  • Voir à ce sujet l’article très intéressant « Why Warren Buffett Is Wrong » publié sur le site du CATO Institute :

    http://www.cato.org/pub_display.php?pub_id=13582

  • Il y a aussi cet argumentaire complet sur tous les avantages et prérogatives dont bénéficie Warren Buffet, et qui lui font adopter cette (im)posture :

    http://www.washingtontimes.com/news/2011/aug/18/calling-buffetts-bluff/?page=1

  • …publié dans le Washington Post sous le titre :

    « STANEK: What Uncle Warren doesn’t mention »

  • Le plan de communication de Buffet n’est qu’une anticipation pour éviter des réformes identiques à celles prises dans les années 30 par Roosevelt
    En proposant une taxation exceptionnelle et temporaire, il essaye simplement d’éviter le retour à une imposition fiscale des hauts revenus. A son élection pendant la grande crise des années 30, Roosevelt avait augmenté les impôts des plus riches les faisant passer de 25% à 63% pour les porter jusqu’à 91% en 1941.
    Cette effet d’annonce n’est qu’un bon calcul de Mr Buffet qui veut par une apparente bonne volonté endormir les médas et les foules qui grondent en coulisse !

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