Grâce à une libéralisation partielle de son économie entamée en 1991, l’Inde a fait beaucoup de progrès et a grandement amélioré le sort de sa population. Cependant, l’Inde est encore considérée comme un pays excessivement pauvre et corrompu.
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Un article de la série « Diagnostic pauvreté » du blog Le minarchiste
Depuis Montréal, Québec
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L’hebdomadaire The Economist publiait il y a quelque temps un intéressant article sur la « demi-libéralisation » de l’Inde. Malgré le fait qu’ils n’ont fait les choses qu’à moitié, les résultats ont été probants, comme nous le verrons plus loin.
Au milieu du XXe siècle, un régime socialiste étouffant s’est installé en Inde. Comme le décrit Swaminathan S. Anklesaria Aiyar :
« Quand l’Inde devint indépendante en 1947, le gouvernement socialiste qui prit le relais voyait le libre échange comme un instrument du colonialisme britannique censé maintenir l’ancienne colonie dans la pauvreté… L’idée était donc que le pays devait gagner son « indépendance économique » de manière à renforcer son indépendance politique. Le mot d’ordre en matière de politique économique pour les trois décennies qui allaient suivre consistait donc à gagner toujours davantage d’autosuffisance et à développer un secteur public dominant, deux éléments considérés comme les deux principes qui permettraient d’atteindre la prospérité. »
Les industries lourdes étaient entre les mains de monopoles étatiques. L’acier, les mines, les machineries, les télécommunications, l’assurance et l’électricité, entre autres, furent nationalisées au cours des années 1950s. L’État a aussi imposé d’importants tarifs douaniers pour décourager le commerce international. Les entreprises locales n’avaient pas le droit d’ouvrir des succursales à l’étranger. L’investissement étranger était excessivement restreint.
Il était impossible de produire ou d’importer quoi que ce soit sans une licence du gouvernement, lesquelles étaient difficiles à obtenir et très coûteuses. Le taux marginal d’impôt sur le revenu culmina à 97,5 %. En même temps, les dépenses publiques grimpèrent au rythme annuel de 18 %. Une bonne partie de ces dépenses étaient financées par des emprunts à l’étranger.
Puis, l’inévitable se produisit en 1991, alors que le système implosa, avec une crise de la devise, dont le taux de conversion était maintenu fixe par les autorités monétaires indiennes. N’ayant plus d’autre choix face à ce gouffre financier, la libéralisation de l’Inde a débuté, suite à l’assassinat de Rajiv Ghandi. Son parti n’eut alors plus à suivre les politiques socialistes de sa mère et de son grand-père, ce qui créa une marge de manœuvre permettant un changement décisif. Le Premier ministre Narasimha Rao initia un virage vers la liberté économique avec le ministre des Finances de l’époque, Manmohan Sing. En même temps, l’Inde reçut un prêt du FMI et de la Banque mondiale.
Le gouvernement réduisit ses dépenses. Il ouvrit les frontières à l’investissement étranger, alors que les entreprises indiennes purent se financer et investir à l’étranger. Les marchés de consommation furent libéralisés, engendrant une concurrence dynamique.
Les résultats de ces timides réformes furent très positifs.
Selon les chiffres officiels, la proportion de pauvres dans la population est passée de 40 % en 1993 à 26 % en 2000. Le tableau suivant présente les différents indicateurs économiques avant et après les réformes. L’amélioration est impressionnante, notamment au niveau du PIB par habitant, des taux de lettrisme et de pauvreté. De plus, le graphique ci-dessous montre à quel point l’industrie des services s’est épanouie depuis les réformes.
L’industrie des technologies de l’information a connu une croissance phénoménale au cours de la dernière décennie. Au début, les Indiens n’étaient que des sous-contractants pour des entreprises multinationales, mais maintenant les entreprises indiennes ont commencé à générer de nouvelles technologies par elles-mêmes et compétitionnent avec succès sur le marché mondial (à l’instar des entreprises singapouriennes et taïwanaises qui ont commencé par des sweatshops et produisent maintenant des ordinateurs et des cellulaires).
Cependant, comme le souligne The Economist, la libéralisation de l’Inde est bien incomplète.
Les marchés des biens et services ont été libéralisés, mais ceux des intrants, tels que le travail, l’électricité et les terrains, ne l’ont pas été, et demeurent sous le joug de l’État. Le marché du travail est paralysé par la règlementation. Par ailleurs, la corruption ronge toujours l’administration publique du pays. Des pots-de-vin doivent constamment être versés pour obtenir des permis et faire avancer les projets. De plus, les pannes d’électricité rendent la production chaotique. L’Inde possède d’importantes réserves de charbon, mais elles sont sous le contrôle de l’État, qui n’arrive pas à rencontrer la demande, ce qui crée des pannes. Les infrastructures du pays sont insuffisantes et en piteux état. L’éducation est aussi problématique en Inde. Le gouvernement a le monopole sur l’enseignement universitaire et la performance du système est médiocre. Finalement, la règlementation des terrains et le contrôle des loyers ralentissent l’urbanisation de la population.
Selon le patron d’une grosse entreprise pharmaceutique indienne : « ce qui s’est produit en Inde n’est pas à cause du gouvernement, mais bien en dépit du gouvernement ».
Conclusion
Grâce à une libéralisation partielle de son économie entamée en 1991, l’Inde a fait beaucoup de progrès et a grandement amélioré le sort de sa population.
Cependant, elle est encore considérée comme un pays excessivement pauvre et corrompu. Pour passer au prochain niveau, la libéralisation devra se poursuivre, car encore beaucoup de chemin reste à faire. Ceci étant dit, malgré les bons résultats, les réformes se sont enlisées. Le changement est bloqué par les bureaucrates chargés de combattre la bureaucratie. Il faudra de la volonté politique et un consensus populaire pour s’attaquer à ces parasites, lesquels ne sont malheureusement pas en place présentement. Les communistes indiens ont bloqué les réformes du marché du travail, se sont opposés aux investissements étrangers et ont empêché les privatisations d’entreprises d’État. De son côté, la droite craint la mondialisation, démontrant une culture plutôt mercantiliste dépassée. Les réformes libérales de l’Inde ont donc peu de chances de progresser davantage au cours des prochaines années.
Lectures complémentaires :
- L’Inde : L’histoire d’un succès non planifié par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar, UnMondeLibre
- La longue route vers la liberté économique en Inde par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar, Contrepoints
- The Rise and Fall of Indian Socialism par Sam Staley, Reason
- Où en seraient les Indiens s’ils avaient libéralisé leur économie plus tôt ? par Pierre-Guy Veer, Le Blogue du Québécois Libre
- Economic liberalisation in India, wikipedia
- The myth of India’s liberalization, India Uncut
- India’s Economic Reforms par Arvind Panagariya, Asian Development Bank
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Sur le web.
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