La définition de la Liberté selon Ron Paul

Contrepoints vous propose à la lecture l’introduction de « Liberty Defined », le récent livre du libertarien Ron Paul

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Liberty Defined

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La définition de la Liberté selon Ron Paul

Publié le 30 août 2011
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En collaboration avec l’Institut Coppet, nous vous proposons à la lecture l’introduction de Liberty Defined (2011), récent livre du libertarien Ron Paul, candidat à l’investiture du Parti républicain pour l’élection présidentielle américaine de 2012.

Traduction de Jacques Peter pour l’Institut Coppet

L’histoire et les idées politiques dominantes de l’Amérique s’identifient à la liberté. La Déclaration d’Indépendance affirme que la vie, la liberté et la recherche du bonheur sont des droits inaliénables, mais je pense que la vie et la recherche du bonheur dépendent également de la liberté, socle fondamental de notre pays. Nous employons le mot presque comme un cliché. Mais savons-nous ce que cela signifie ? Sommes-nous capables de la reconnaître lorsque nous la rencontrons ? Plus fondamentalement, sommes-nous capables de reconnaître l’opposé de la liberté lorsqu’il nous est vendu comme une forme de liberté ?

La liberté signifie exercer les droits humains de n’importe quelle manière aussi longtemps que cela n’interfère pas avec l’exercice des droits des autres. Cela signifie avant tout d’exclure le gouvernement de nos vies. Ce chemin seul conduit à la libération des énergies humaines qui construit les civilisations, procure la sécurité, génère la richesse, et protège le peuple des violations systématiques des droits. Dans ce sens seule la liberté peut réellement écarter la tyrannie, le grand et éternel ennemi de l’humanité.

La définition de la liberté que j’utilise est la même que celle admise par Thomas Jefferson et sa génération. Son acception découle de la grande tradition de la liberté, car Jefferson lui-même s’est nourri à la source de John Locke (1632-1704). J’utilise le terme « libéral » sans ironie ni mépris, car la tradition libérale dans son véritable sens, du Moyen Age tardif au début du vingtième siècle, avait pour but de libérer la société des chaînes de l’État. Voilà un objectif que je me fixe et que devraient, je pense, se fixer tous les Américains.

Croire en la liberté n’est pas croire en un résultat social ou économique particulier. C’est faire confiance à l’ordre spontané qui émerge lorsque l’État n’intervient pas dans la volonté et la coopération humaines. Elle permet aux gens de régler leurs problèmes et de construire leurs vies à leur manière, de prendre des risques en acceptant la responsabilité qui en découle, et de décider par eux-mêmes.

Est-ce que nos dirigeants à Washington croient en la liberté ? Ils le prétendent parfois. Je ne pense pas qu’ils disent la vérité. L’existence à Washington, DC, de l’État Léviathan pilleur de richesses, une énorme machine caricaturale que personne ne peut contrôler et que peu de gens défient sérieusement, un monstre qui se manifeste en permanence dans tous les aspects de nos vies, est la preuve suffisante que nos dirigeants n’y croient pas. Aucun des deux partis ne défend véritablement les idéaux classiques et fondamentaux qui ont donné naissance à la Révolution Américaine.

Les coûts de ce léviathan sont évidemment incommensurables. Le vingtième siècle a enduré deux guerres mondiales, une crise économique mondiale et une « Guerre Froide » de quarante cinq ans où deux superpuissances se faisaient face avec des dizaines de milliers de fusées intercontinentales armées de charges nucléaires. Et pourtant aujourd’hui la menace du gouvernement, partout dans le monde, pourrait bien représenter un plus grand danger que tout ce qui s’est produit au vingtième siècle. Nous sommes contrôlés où que nous allions : au travail, au magasin, à la maison et à l’église. Plus rien n’est privé : ni la propriété, ni la famille, ni même nos lieux de culte. Nous sommes encouragés à nous espionner mutuellement et à supporter passivement que des agents du gouvernement nous scannent, nous harassent et nous remettent à notre place jour après jour. Si vous protestez vous êtes mis sur une liste noire. Si vous vous battez pour révéler la vérité, comme l’ont fait WikiLeaks et d’autres sites, vous devenez une cible et pouvez être anéantis. Parfois nous avons l’impression de vivre littéralement dans un roman cauchemardesque comme 1984 ou Brave New World, avec de moins en moins de liberté économique. Certains diront que c’est une hyperbole ; d’autres comprendront exactement ce dont je parle.

L’enjeu est le rêve américain lui-même, qui à son tour est associé avec notre niveau de vie. Trop souvent nous sous-estimons le véritable sens de l’expression « niveau de vie ». À mon sens elle concerne directement toutes les questions qui affectent notre bien-être matériel, et par conséquent notre vision de la vie elle-même : que nous soyons pleins d’espoir ou désespérés, que nous prévoyions un progrès ou une régression, que nous pensions que nos enfants s’en sortiront mieux ou moins bien que nous-mêmes. Toutes ces considérations sont au cœur de l’idée de bonheur. L’expression « niveau de vie » recouvre presque tout ce que nous attendons de la vie sur cette terre. Il s’agit simplement de la manière dont nous pouvons définir nos vies.

Nos niveaux de vie sont rendus possibles par l’institution bénie de la liberté. Lorsque la liberté est attaquée, tout ce à quoi nous tenons est attaqué. Les gouvernements, par leur nature même, sont en concurrence notoire avec la liberté, même si l’intention proclamée pour établir un gouvernement donné est de protéger la liberté.

Prenez par exemple les États-Unis. Notre pays fut créé avec les idéaux les plus élevés jamais connus et le respect de la liberté individuelle. Et pourtant regardez où nous en sommes aujourd’hui : des dépenses et une dette incontrôlables ; une bureaucratie monstrueuse qui règle chacun de  nos pas ; un mépris total pour la propriété privée, les marchés libres, une monnaie saine et la sphère privée ; et une politique étrangère d’expansion militaire. Les freins mis à notre gouvernement dans la Constitution par les Pères Fondateurs n’ont pas fonctionné. De puissants intérêts particuliers gouvernent et il semble qu’il n’y ait aucun moyen pour les combattre. Alors que la classe moyenne est détruite, les pauvres souffrent, les riches légitimes sont pillés et les riches illégitimes s’enrichissent. La richesse du pays est tombée entre les mains de quelques uns au détriment de tous les autres. Certains disent que c’est à cause d’un manque de réglementations à Wall Street, mais ce n’est pas exact. La racine du problème est bien plus profonde que cela.

La menace à la liberté ne se limite pas aux États-Unis. L’hégémonie du dollar a globalisé la crise. Rien de pareil ne s’est jamais produit avant. Toutes les économies sont liées et dépendantes de la capacité du dollar à maintenir sa valeur, alors qu’en même temps la production illimitée de dollars est censée sauver tout le monde.

Cette mondialisation du dollar est rendue plus dangereuse par presque tous les gouvernements qui agissent de manière irresponsable en étendant leurs pouvoirs et en vivant au-delà de leurs moyens. La dette mondiale est un problème qui va s’amplifier si nous continuons sur cette voie. Et pourtant tous les gouvernements, et surtout le nôtre, n’hésitent pas à accroître leurs pouvoirs au détriment de la liberté dans un effort futile de nous imposer leur vision. Ils croissent et s’enfoncent davantage dans la dette.

Dans notre effort pour remonter la pente, il est essentiel de comprendre comment les gouvernements sont toujours en concurrence avec la liberté et détruisent le progrès, la créativité et la prospérité.  La compétition entre le pouvoir abusif du gouvernement et la liberté individuelle est un problème vieux comme le monde. Le concept de liberté, reconnu comme un droit naturel, a pris des milliers d’années pour être compris par les masses en réaction à la tyrannie imposée par ceux dont le seul désire est de régner sur les autres et de vivre de leur assujettissement.

Ce conflit était compris par les défenseurs de la République Romaine, les israélites de l’Ancien Testament, les barons rebelles de 1215 qui réclamaient le droit d’habeas corpus, et certainement par les fondateurs de ce pays, qui imaginèrent la possibilité d’une société sans rois ni despotes et définirent ainsi le cadre qui a inspiré tous les mouvements de libération depuis lors. Il est compris par un nombre croissant d’Américains qui réclament des réponses et exigent la fin de l’hégémonie de Washington sur le pays et le monde.

Et pourtant, même parmi les amis de la liberté, il y a beaucoup de gens qui ont été trompés à croire que le gouvernement peut les protéger de tout risque, leur procurer une sécurité économique équitablement répartie et améliorer leur comportement moral individuel. Si le gouvernement se voit attribuer le monopole de la coercition pour atteindre ces buts, l’histoire montre que cette force conduit toujours à des abus. Sans aucune exception.

Au cours des siècles, des progrès ont été réalisés dans la compréhension du concept de liberté individuelle et de la nécessité de rester vigilants en permanence pour limiter l’abus de pouvoir du gouvernement. Malgré des progrès constants, des périodes de recul et de stagnation ont eu lieu. Au cours des derniers cent ans les États-Unis et la plus grande partie du monde ont connu un recul de la cause de la liberté. En dépit de toutes les avancées technologiques, en dépit d’une compréhension plus raffinée des droits des minorités, en dépit de toutes les avancées économiques, l’individu jouit d’une bien moindre protection contre l’État qu’il y a un siècle.

Depuis le début du siècle dernier, de nombreuses graines de destruction ont été plantées qui ont maintenant grandi pour permettre un assaut systématique contre nos libertés. Avec une terrible crise financière et monétaire sur nous et qui menace l’avenir aussi loin que le regard porte, il est devenu bien visible que la dette nationale est insoutenable, que la liberté est menacée et que la colère et les craintes des gens augmentent. Plus fondamentalement, il est maintenant clair que les promesses et panacées du gouvernement sont sans valeur. Le gouvernement a une fois de plus échoué et l’exigence d’un changement s’amplifie de jour en jour. Il suffit d’observer les violentes variations de majorité des partis au pouvoir.

Le seul résultat des promesses gouvernementales fut d’amener les gens par la tromperie à croire en un faux sens de sécurité. L’autosatisfaction et le manque de confiance ont produit un énorme hasard moral, conduisant un grand nombre de gens à des comportements dangereux. L’autonomie et la responsabilité individuelle ont été remplacées par des bandes organisées qui ont réussi à se faufiler par la ruse dans la position de contrôle du système qui distribue la richesse pillée du pays.

L’alternative qui s’offre maintenant à nous est : de nouveaux pas vers l’autoritarisme ou un effort renouvelé pour promouvoir la cause de la liberté. Il n’y a pas de troisième option. Cet effort doit incorporer une compréhension plus moderne et plus sophistiquée de la merveille de l’économie de marché et en particulier de l’urgence morale et pratique de la réforme monétaire. La faute abyssale d’un gouvernement qui sape le génie créateur d’esprits libres et la propriété privée doit être pleinement comprise.

Ce conflit entre gouvernement et liberté, amené au point d’ébullition par la plus grosse faillite de l’histoire, a généré les protestations coléreuses qui se sont produites spontanément dans le pays et le monde. Les producteurs se révoltent et les bénéficiaires des largesses sont furieux et agités.

La crise exige une révolution intellectuelle. Heureusement cette révolution est en marche et si on la cherche sérieusement on peut la trouver. N’importe qui peut y participer. Nos idées sur la liberté ne se sont pas seulement développées au cours des siècles, elles font actuellement l’objet de débats attendus et une compréhension moderne, améliorée du concept est en vue. La Révolution est vivante et se porte bien.

L’idée de ce livre n’est pas de produire un plan pour l’avenir ni une défense complète d’un programme libéral. Ce que j’offre ici sont des opinions sur une série de sujets controversés qui ont tendance à déconcerter les gens et qui sont éclairées par ma propre expérience et ma réflexion. Je n’offre pas de réponses finales mais plutôt des balises pour réfléchir sérieusement à ces questions. Je ne m’attends certainement pas à ce chaque lecteur soit d’accord avec mes opinions, mais j’espère vraiment pouvoir inspirer des pensées et des débats sérieux, fondamentaux et indépendants à leur sujet.

Par dessus tout, le thème est la liberté. Le but est la liberté. Les produits de la liberté sont toutes les choses que nous aimons et dont aucune ne peut être fournie par le gouvernement. Nous devons avoir la possibilité de nous les procurer par nous-mêmes en tant qu’individus, familles, en tant que société ou pays. C’est parti : de A à Z.

Ron Paul, Liberty Defined, 2011, Appendice :

Les dix principes d’une société libre :

1. Les droits appartiennent aux individus, pas à des groupes ; ils découlent de notre nature et ne peuvent être ni accordés ni supprimés par le gouvernement.
2. Toutes les associations pacifiques et volontaires de nature économique ou sociale sont autorisées ; le consentement est la base de l’ordre économique et social.
3. Tout bien justement acquis est la propriété privée d’individus ou de groupes volontairement constitués, et cette propriété ne peut être arbitrairement supprimée par les gouvernements.
4. Le gouvernement ne peut redistribuer les avoirs privés ni consentir des privilèges particuliers à tout individu ou groupe.
5. Les individus sont responsables de leurs actes ; le gouvernement ne peut et ne doit pas nous protéger de nous-mêmes.
6. Le gouvernement ne doit pas s’arroger de monopole sur l’argent d’un peuple et il ne doit jamais s’adonner à la fausse monnaie, même au nom de la stabilité macroéconomique.
7. Les guerres d’agression, même si elles sont qualifiées de préventives, et même si elles ne concernent que des relations commerciales, sont interdites.
8. Le pouvoir législatif du jury, c’est à dire le droit des jurés de juger la loi aussi bien que les faits, est un droit du peuple et la norme des tribunaux.
9. Toutes formes de servitude involontaire sont interdites, pas seulement l’esclavage mais aussi la conscription, l’association forcée et la distribution imposée de subsides.
10. Le gouvernement doit respecter la loi qu’il demande aux autres de respecter et par  conséquent il ne doit jamais faire usage de la force pour inciter à des comportements, manipuler des arrangements sociaux, gérer l’économie, ou dire à d’autres pays comment ils devraient se comporter.

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  • C’est à cette source d’idées que devraient puiser nos élus Français, l’eau de la liberté…cher à Frédéric Bastiat. Peut-on espérer de nos élus, je suis sceptique ! Puissent alors les français se ressaisir ! Croire et oser pour ne pas subir !

  • Je suis sceptique sur la traduction du point 8.

    Pour moi Jury nullification ne se traduit pas du tout par pouvoir législatif du jury, à vrai dire ça ne se traduit pas du tout (comme common law). De plus ce n’est pas « le droit des jurés de juger la loi aussi bien que les faits » mais « le droit (right) des jurés de juger du droit (law) aussi bien que les faits » : law ici signifie droit. Ou pour éviter la répétition directe : « le droit des jurés de juger non seulement les faits mais aussi du droit ». Enfin j’ai une petite hésitation sur les articles.

    C’est simplement la possibilité pour le jury de n’être pas liés aux instructions du juge sur les questions de droit (ce qui implique éventuellement de s’écarter de la loi elle même mais ce n’est pas le coeur de la question).

  • Ca me ferait marrer de voir les politiques francais devoir traiter avec Ron Paul. « Mais si vous arretez de piller votre peuple comment allons nous justifier de piller le notre? » Gemiront t’ils…

  • Remarque pertinente. Le mécanisme de « nullification » (*) a un sens très précis en droit américain : il consiste, notamment pour un état de l’Union, à reconnaître le droit de refuser d’exécuter toute loi fédérales qui serait considérée – ie justifiable – comme contraire à la Constitution. « Jury nullification » est donc je pense à prendre dans ce sens, c’est à dire le droit pour un jury de refuser de se prononcer au regard d’une loi qu’il jugerait inconstitutionnelle – droit proche de notre droit récent en France de contester la constitutionnalité d’une loi lors d’un procès.
    (*) Ma traduction d’un long article de Tom Woods du Mises Institute sur le sujet sera prochainement publiée par l’Institut Coppet.

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