Alors qu’Obama tente un nouveau plan de relance calamiteux, The Economist attirait l’attention il y a déjà quelques mois sur un phénomène nouveau : l’Amérique est en train de développer une maladie spécifiquement européenne : le chômage structurel. Sans être particulièrement libéral, cet article a le mérite de montrer que les politiciens échouent dans le traitement des vrais problèmes.Â
Traduction de Stéphane Geyres, Institut Coppet
Le pessimisme à l’endroit des États-Unis paye rarement à long terme. Régulièrement, alors que les américains étaient particulièrement maussades, leur économie connaissait le début d’une renaissance. Considérons la mélancolie de Jimmy Carter dans son gilet pendant la fin des années 70 marquées par l’inflation, ou la crainte de la concurrence du Japon qui marqua la « reprise sans emplois » du début des années 90. Chaque fois, les États-Unis rebondirent, poussés la première fois par la conquête de l’inflation menée par Paul Volcker et la seconde par un regain de productivité qui fit grimper les taux de croissance à mi-décennie alors même que le Japon décrochait.
Ces faits méritent d’être rappelés aujourd’hui. Les américains sont mécontents – et de plus en plus – quant aux prospectives de leur pays et aux efforts des politiciens pour les améliorer. Dans un nouveau sondage New York Times/CBS News, 7 personnes sur 10 disent que l’Amérique est sur la mauvaise voie. Presque 60% des américains désapprouvent le traitement de l’économie de Barack Obama et trois sur quatre pensent que le Congrès fait du mauvais travail.
Ce malaise reflète en partie l’indolence de la reprise. Bien que l’emploi soit à la baisse et le prix des actions proche de leur pic sur trois ans, le prix des maisons reste au plus bas et le prix de l’essence a grimpé à des niveaux inconnus depuis l’été 2008. Mais il ne s’agit pas que d’essence ni surtout du court terme. Une lecture attentive des sondages suggère que les inquiétudes des américains s’étendent bien plus loin que les quelques prochaines années : modes de vie en stagnation, avenir sombre dans une économie lente à créer des emplois, boulet des déficits d’une administration lourde et sous la menace de la Chine. Avec éloquence, une majorité considère désormais la Chine, et non l’Amérique, comme la première économie mondiale.
Ces inquiétudes sont-elles justifiées ? D’un côté, il est difficile de penser à un pays qui aurait autant d’avantages intrinsèques de long terme que l’Amérique :
Que donnerait la Chine pour avoir une « Silicon Valley » ? Ou l’Allemagne une « Ivy League » ? (NdT : La Ivy League, « Ligue du Lierre », désigne l’ensemble des grandes universités américaines historiques, dont Harvard, Yale et Princeton) Mais il est aussi manifeste que les États-Unis ont en effet des faiblesses économiques de long terme – et telles qu’il faudra du temps pour les corriger. La véritable inquiétude des américains devrait être que leurs politiciens, à commencer par leur président, font fort peu pour régler ces problèmes sous-jacents. Trois échecs sortent du rang.
Le bobard de la compétitivité
Le premier échec, dont M.Obama est particulièrement responsable, est de mal exprimer le problème. Il aime parler des défis de l’Amérique en termes de « compétitivité », notamment envers la Chine. La prospérité de l’Amérique, avance-t-il, suppose « sur-innover, sur-enseigner et sur-construire » par rapport à la Chine. Voilà surtout du charabia. La prospérité de l’Amérique ne dépend pas de la croissance de productivité des autres pays, mais de son propre rythme (en fait très rapide). Les idées fusent d’une économie à l’autre : quand la Chine innove, l’Amérique en bénéficie.
Bien sûr, on pourrait faire bien plus pour pousser l’innovation. La fiscalité des entreprises est un bazar et dissuade l’investissement local. M.Obama a raison, l’Amérique voit son infrastructure se désagréger. Mais ici la solution doit plus à la réforme des systèmes néanderthaliens de financement qu’aux plus grandes dépenses publiques qu’il promeut. Trop de paroles sur la « compétitivité » tourne au bobard – qui justifie les politiques malavisées, telles les subventions aux technologies vertes, et qui détourne l’attention du pays de sa véritable liste d’actions.
Haut sur cette liste vient la remise en ordre des finances publiques d’Amérique. Le déficit public est énorme et la dette publique, à plus de 90% du PIB si on la mesure d’une manière internationalement comparable, est forte et en croissance rapide. A part le Japon, l’Amérique est la seule grande économie riche qui n’a pas de plan pour mettre ses finances sous contrôle. La bonne nouvelle, c’est que les politiciens y font au moins attention : la réduction du déficit est presque la seule chose dont tout le monde parle à Washington ces jours-ci. La mauvaise nouvelle – et la seconde raison de s’attrister de ce que les politiciens préparent – c’est qu’aucun des partis n’est prêt aux compromis de base essentiels pour un accord. Les Républicains refusent d’accepter que les impôts augmentent, les Démocrates que les dépenses sur les « droits » sociaux tels que la santé et les retraites diminuent. Aucun progrès réel n’est probable d’ici après l’élection présidentielle de 2012. Et l’antagonisme d’aujourd’hui du débat sur le déficit pourrait même toucher l’économie, si les Républicains devaient pousser pour des coupes excessives dans le budget de l’an prochain.
Quand la croissance n’apporte pas d’emplois
Entre-temps, les plus grands dangers résident dans un domaine que les politiciens évoquent à peine : le marché du travail. La baisse récente du taux de chômage a été déroutante, le résultat d’une petite croissante surprenante des personnels (là où les travailleurs découragés sortent) autant qu’une création rapide d’emplois. Un 46% obstiné des chômeurs d’Amérique, soit 6 millions de personnes, sont sans emploi depuis plus de 6 mois. La faiblesse de la reprise est pour l’essentiel en cause, mais il y a des signes d’une Amérique qui développerait une maladie distinctement européenne : le chômage structurel.
Le chômage des jeunes est spécialement élevé et le chômage parmi les jeunes laisse des cicatrices durables. Une forte croissance de la productivité a été atteinte en partie via l’élimination de nombreux postes de qualification moyenne. Et ce qui rend ceci d’autant plus inquiétant c’est que, sous l’écran radar, l’Amérique avait des problèmes d’emploi bien avant la récession, en particulier pour les gens les moins qualifiés. Ceux-ci ne furent pas seulement causés par de vifs changements venant de la technologie et de la mondialisation, qui affectent tous les pays, mais aussi par l’habitude américaine de verrouiller un grand nombre de jeunes gens noirs, ce qui diminue radicalement leur perspective d’emploi futur. L’Amérique a une fraction plus faible de jeune gens au travail, au sein de la force laborieuse, que tout autre économie du G7. Quelques 25% des hommes âgés de 25 à 54 ans sans formation universitaire, 35% des recalés du lycée et presque 70% des recalés noirs ne travaillent pas.
Au-delà du poids sur les individus, le manque de travail parmi les moins qualifiés pourrait avoir d’énormes conséquences fiscales et sociales. Le coût des indemnités pour handicap est de quelques 120 millions de dollars (presque 1% du PIB) et s’accroît rapidement. Le chômage masculin est corrélé à un faible taux de mariage et à des droits familiaux faiblissant.
Tout ceci indique que la lutte contre le chômage retranché mérite d’être bien plus haut sur l’agenda politique américain. Malheureusement, les quelques politiciens (de gauche) qui reconnaissent le problème ont tendance à proposer des solutions malencontreuses, telles que des barrières douanières ou une politique industrielle pour relancer les emplois d’hier ou pour dénicher ceux de demain. Cela ne marchera pas : l’administration a un historique déplorable quand il s’agit de trouver des gagnants. Au contraire, l’Amérique a besoin de prendre les bon remèdes macro-économiques, en particulier en s’engageant à une stabilité fiscale et monétaire de moyen-terme sans trop resserrer le court-terme.
Mais elle a aussi besoin de réformes du marché du travail, allant de la remise à niveau et la systématisation de la formation à une incitation croissante des employeurs pour l’embauche des moins qualifiés. Aussi étrange que cela puisse paraître, l’Amérique pourrait apprendre de l’Europe : les Pays-Bas, par exemple, sont un bon modèle de revalorisation des assurances pour handicapés. Prendre le déclin du travail des moins qualifiés par la racine demandera aussi plus de réformes de l’enseignement pour accélérer les compétences, comme pour une approche plus saine des drogues et de l’emprisonnement.
La technologie et la mondialisation remodèlent les marchés du travail à travers le monde riche, au détriment relatif des moins qualifiés. C’est pourquoi une perspective plus rose pour l’économie américaine ne signifie pas forcément un avenir plus rose pour tous les américains. M.Obama et ses opposants peuvent aider à définir les contours de ce processus. Tristement, ils le font pour le pire plus que pour le meilleur.
—-
En complément, lire aussi cet article : L’illetrisme économique des politiques
Article moyen en fait. les constatations sont faciles et évidente. Effectivement les USA se rapproche de l’Europe et de ses tares mais pas pour les raisons invoqués. Pas à cause de la mauvaise gestion de l’état (pléonasme) mais bien parce que l’état est devenu obèse et s’immisce dans les plus petits recoin de la société. Là , tel la rouille dans des engrenages, il bloque la société, bride les énergie individuelle, ralentit ou empêche les changement et adaptations inévitable et bénéfique à moyen terme. Il ne faut pas discuter des éventuelles changement de politiques de l’état, il faut planifier un retrait massif de celui ci. C’est la seule solution pour améliorer l’avenir de l’humanité, tout autres options nous condamne, au mieux, à une longue stagnation (comme au japon) ou, au pire une descente au enfers qui mènera dieu sais ou.
Certes, mais c’est déjà pas mal pour un journal grand public comme The Economist, le moins mauvais de tous ! De là à trouver de la théorie autrichienne… faut pas trop demander.
C’est vrai que c’est le moins mauvais de tous. Malheureusement, il est aussi capable de verser dans le keynesianisme primaire comme ce fut le cas à fin 2007 – début 2008, à telle enseigne que je n’ai pas renouvelé mon abonnement.