Pourquoi vouloir nationaliser les banques alors que nous sommes d’ores et déjà dans une crise des banques étatisées? On a fini par caricaturer le capitalisme et donner raison aux gauchistes : « Il y a privatisation des profits et socialisation des pertes ».
Par Jacques Garello, administrateur de l’IREF et président de l’ALEPS
Publié en collaboration avec l’ALEPS(*)
Il faut privatiser les banques ! Mais elles sont privées, direz-vous.
Ma formule a en effet de quoi surprendre, mais c’est à dessein :
– d’une part, elle marque mon hostilité, et celle de beaucoup d’autres, à l’idée de génie qui germe dans certains esprits français : il faut nationaliser les banques ;
– d’autre part, elle traduit une réalité : les banques, et notamment les banques françaises, sont largement entre les mains de l’État.
De la sorte, nous vivons une crise des banques étatisées, et il en sera ainsi tant qu’on n’en viendra pas à la seule solution d’avenir : la privatisation de la monnaie et du crédit.
Nationaliser les banques : puisque les banques ont du mal à faire face à leurs obligations, l’État doit les aider, grossir leur capital et, tant qu’à faire, en devenir propriétaire. Je rappelle que les banques françaises sont en mauvaise posture parce qu’elles ont fait crédit à des emprunteurs pourtant au-dessus de tout soupçon comme les États, le grec, le portugais, l’italien, voire même le français.
En 2009, déstabilisées par les subprimes, les banques avaient accepté le prêt que leur avait amicalement proposé l’État français ; ce prêt a été entièrement remboursé, et a coûté fort cher car le Trésor français n’a pas fait de cadeau. Aujourd’hui, il semble qu’on veuille aller plus loin avec une nationalisation, sans doute à cause de la méfiance qu’inspire, à tort ou à raison, la conduite des banquiers et peut-être aussi, pour certains, la haine qu’ils vouent aux banques, temples du capitalisme.
Cependant, la nationalisation des banques se heurte à deux impossibilités :
1° L’État n’a plus d’argent non plus. À cause de l’euro il ne peut pas en faire fabriquer par la Banque de France ; il faudrait s’adresser à la Banque Centrale Européenne, qui a interdiction de le faire, et il faudrait l’accord des partenaires européens, Allemands compris. La seule possibilité pour l’État français serait donc d’emprunter pour fournir des liquidités aux banques. La « dette souveraine » de l’État français se gonflerait encore, et l’on amorcerait une opération de cavalerie : emprunter pour prêter, et prêter pour rembourser, donc emprunter pour rembourser.
2° L’expérience des banques nationalisées a prouvé ses limites et ses dégâts de 1945 à 1993, qu’il s’agisse des quatre plus grandes banques nationalisées en 1945, ou de toutes les banques nationalisées en 1981 en application du bon Programme Commun de la Gauche conçu en 1973. Pendant cette période les banques françaises ont perdu tout dynamisme pour devenir de vastes bureaucraties, alors que la finance mondiale se développait à toute vitesse. Les investissements ont été largement abandonnés entre les mains de la finance étatique, l’épargne française s’est évaporée dans des projets ruineux, tandis que les entreprises privées ont été sevrées de crédits. L’inflation a toujours été au rendez-vous, et le franc a été dévalué trois fois en deux ans (1981-1983). Enfin, la gestion a été scandaleuse, dans tous les sens du terme, en particulier avec l’épopée du Crédit Lyonnais et du Groupe Tapie. À l’heure actuelle encore, la Caisse des Dépôts et Consignations, le « bras financier de l’État », gaspille des centaines de millions d’euros, ce que la Cour des Comptes n’a cessé de relever. L’État banquier, l’État financier, ce n’est pas mieux que l’État transporteur, l’État postier, l’État électricien ou gazier.
Si l’État banquier n’inspire pas confiance, les banquiers de l’État ne sont pas davantage fiables. J’appelle banquiers de l’État ces personnes qui dirigent des établissements bancaires et organisent leur activité en servilité de l’État.
Cette servilité est souvent subie, et la réglementation imaginée par le pouvoir politique pour « réguler la finance » est sans doute l’une des origines de la crise. Les règles de Bâle, les encouragements au crédit immobilier à travers les subprimes, ont mis les pilules empoisonnées dans les comptes bancaires américains. L’abondance monétaire due au laxisme de la FED pour financer le Trésor et stimuler la dépense a fait le reste.
Mais cette servilité est aussi en partie acceptée, parce qu’en France gens des banques et gens de la politique sont les mêmes : issus des mêmes écoles (dont l’ENA), ayant fait carrière côte à côte dans les allées du pouvoir, ces grands banquiers n’appartiennent pas au monde de l’entreprise. Ils sont plus à l’aise dans les montages financiers que dans les investissements productifs. Il faut avoir une certaine dose d’inconscience pour accepter de financer des dettes souveraines, et les banques françaises l’ont pourtant fait avec beaucoup plus d’ampleur que les banques allemandes ou anglaises.
Mais allons au-delà des acteurs, pour parler de la scène où se déroulent les opérations monétaires aujourd’hui. La scène est dominée par des Banques Centrales, qui jouent le rôle du « prêteur en dernier ressort ». Les banques « de second rang » savent que, directement ou indirectement, l’État est derrière elles, et ne les abandonne pas à leur triste sort, surtout si elles ont une dimension nationale : « too big to fail ». On finit par caricaturer le capitalisme et donner raison aux gauchistes. « Il y a privatisation des profits et socialisation des pertes ». L’une des règles du marché est pourtant que celui qui accumule des pertes est éliminé par la concurrence, disparaît, ou est absorbé. L’une des exigences de la liberté est la responsabilité. Mais nos banquiers sont-ils responsables du capital dont ils ont théoriquement la charge, sinon la propriété ? Les administrateurs ne sont pas sous le contrôle des actionnaires et s’ils échouent ils reviennent reprendre leur place dans le secteur public, ou ouvrent leur parachute doré.
C’est pourquoi je me range dans le camp de ceux qui, comme Hayek, veulent voir disparaître les banques centrales, la gestion macro-économique de la monnaie et le droit régalien de battre monnaie, qui n’est en fait que le droit d’émettre de la fausse monnaie pour financer les dépenses publiques.
On va bien être obligé d’en venir tôt ou tard à cette solution. Dans ce domaine, comme dans d’autres, on peut et on doit se passer de l’État.
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Sur le web
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(*) L’ALEPS, présidée par le Professeur Jacques Garello, est l’Association pour la Liberté Économique et le progrès social, fondée il y a quarante ans, sous l’autorité de Jacques Rueff, dans la tradition intellectuelle française de Jean Baptiste Say et Frédéric Bastiat.
« les banques françaises, sont largement entre les mains de l’État »non c’est un contresens,c’est plutot l’inverse en ce moment
Ben non.
-Les banques sont dirigées par des ENArques, souvent d’anciens cabinetards de partis politiques placés dans les banques par les politiques.
-La banque est subventionnée par l’état via la création monétaire. Plus de subvention, plus de banque.
-…
Comme dirait Vincent Bénard, ce n’est pas l’un qui se couche devant l’autre, mais les 2 qui couchent ensembles.
Il faut surtout arrêter cette relation incestueuse et ce qui incite à une telle relation.
Le fait de laisser les banques faire faillite ne risque il pas d’évaporer l’épargne des travailleurs ?
1)Les banques ont perdu de l’argent (par des placements risqués, par des mauvais investissements, à cause des grands méchants spéculateurs, peu importe). C’est un fait brut : cette perte existe, quelqu’un la paie quoi qu’il arrive.
2)Sauver les banques avec l’argent de l’Etat revient à compenser cette perte (exclusivement due aux maladresses des banquiers) avec l’argent des contribuables. Vous, moi, les pauvres, les classes moyennes, bref des gens qui souvent n’ont rien à voir avec tout ça.
3)Mettre une banque en faillite ne signifie pas pour autant que tous ses actifs s’évaporent, ni que tous ses placements s’effondrent. Comme l’expliquait très bien Vincent Bénard, lors d’une faillite, on s’efforce de transformer les actifs restant en liquidités, pour rembourser en priorité les clients, puis les créanciers, et seulement en dernier lieu les actionnaires (les dirigeants étant virés et payant éventuellement une amende s’il est avéré qu’ils ont eu des activités douteuses).
Finalement, la procédure de faillite est la seule qui permette aux épargnants de récupérer un maximum de billes tout en sanctionnant sans appel les pratiques à risques des gérants des banques faillies.
La procédure de faillite n’est pas instantanée et sera d’autant plus longue que l’imbrication des banques entre elles est importante. Durant la procédure, tous ceux dont l’activité économique dépend de cette banque risquent de mordre la poussière en attendant son dénouement. Par exemple, votre employeur ne pourra plus verser votre salaire pendant plusieurs mois. Il sera contraint de vous licencier puis de faire faillite à son tour. Plus la banque est importante, plus le risque est grand de voir l’économie s’effondrer. Ce n’est tout simplement pas envisageable pour les banques TBTF.
Les banques TBTF devront être démantelées, en même temps que l’Etat providentiel obèse.
En attendant, il est injuste que le débiteur de la banque qui contribue à sa chute s’en tire aussi facilement, alors qu’il est parfaitement solvable. Le débiteur solvable (l’Etat grec est solvable s’il cesse d’être obstinément providentiel) doit impérativement payer.
Excellent billet, tant en ce qui concerne l’idée stupide de la nationalisation qu’à propos de la privatisation de la monnaie.
A qui les Etats vont-ils devoir emprunter pour nationaliser les banques ? Aux banques… Désespérément stupide, non ?
les banques et les marchés paieront…
je ne crois pas que l’etat ait l’intention de nationaliser les banques:trop de cadavres cachgésdans les placards.c’est pour cela que le gouvernement ne sait pas quoi faire