Monsieur de Montchrétien, fabricant de faux

Inventeur de l’économie politique et théoricien du patriotisme économique, 50 ans avant Colbert

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Monsieur de Montchrétien, fabricant de faux

Publié le 21 septembre 2011
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Par Francisco Cabrillo, de Madrid, Espagne

Antoine de Montchrestien.

Peu de noms sont entrés dans l’histoire de la pensée économique avec aussi peu de mérite que celui d’Antoine de Montchrétien. Notre personnage publia en 1615 un livre intitulé Traité d’économie politique. L’ouvrage n’offre que peu d’intérêt du point de vue de l’analyse économique. C’est un texte mercantiliste radical, rageusement interventionniste et partisan fervent du protectionnisme dans le commerce international. Mais c’est avec lui que fut utilisé, pour la première fois, un terme qui, avec le temps, fera fortune : « économie politique ». Et c’est là la principale raison pour laquelle aujourd’hui nous nous souvenons de Monsieur de Montchtrétien.

Le fait que son apport à la science économique ne fut pas spécialement brillant ne signifie cependant pas que le personnage lui-même ne soit pas digne de quelques attentions. En réalité, on trouvera peu d’exemples qui offrent une biographie aussi adéquate pour figurer dans une collection d’histoires pittoresques. Il naquit en Normandie l’an 1575, sa première vocation fut, sans doute, la littérature ; et durant ses jeunes années, il écrivit de la poésie et du théâtre, avec un niveau appréciable. Mais le jeune Montchrétien avait trop de personnalité et d’énergie pour consacrer le reste de sa vie à l’élaboration de son Å“uvre. Il avait à peine trente ans quand il dût fuir le pays après un duel. Après avoir vécu cinq ans en Angleterre et en Hollande, il pût enfin revenir en France ; et décida de s’établir en épousant une riche veuve normande. Étant donné que la littérature n’a jamais été un bon négoce, il n’est pas surprenant qu’il cherchât un mode de vie plus sûr, dans son cas, la quincaillerie. Peu après son mariage, il fonda, en effet, une fabrique de faux et de couteaux, qu’il finança avec l’argent apporté par sa femme.

S’il avait été un homme plus sensé qu’il ne l’était, il se serait contenté de vivre des rentes de son commerce. Mais les affaires publiques l’attiraient trop, et il pensa être de son devoir d’écrire un livre dans lequel il expliquerait au roi de France la meilleure façon de gérer l’économie de son pays. La prospérité du pays, selon son opinion, demandait une plus grande participation de la couronne dans toutes les affaires qui avaient un quelconque rapport avec les activités économiques qui se développaient en France. Et cela signifiait, pour lui, un contrôle de fer sur la vie économique même, et, dès lors, l’exclusion des produits étrangers du pays. Avec un profond esprit patriotique, il sentait comment son sang bouillonnait d’indignation quand il voyait un paysan français utiliser une faux qui n’avait pas été fabriquée dans le pays, alors qu’il aurait pu en acheter une parmi toutes celles produit dans son entreprise, qui avaient la garantie d’être authentiquement françaises. Son opinion sur ceux qui n’étaient pas français était, nous pourrions dire, légèrement chauvine. « Tout ce qui est étranger nous corrompt », arriva-t-il à écrire. Il faut reconnaître qu’il ne manquait pas d’habileté pour insulter les gens des autres nations. Selon son opinion, tous les étrangers « sont des sangsues qui adhèrent à ce grand corps français, sucent son meilleur sang et s’engraisse à ses dépens ; jusqu’à ne laisser que la peau et s’éloigner ».

Malgré le fait de dire de telles absurdités, ou peut-être grâce à cela, Montchrétien aurait pu faire carrière dans la France de l’époque. Après tout, les conclusions qui dérivaient des idées économiques du fameux Colbert n’étaient pas très différentes. Et à peine un demi-siècle plus tard, le colbertisme deviendrait la source d’inspiration d’une bonne partie des réformes qui seront introduites dans l’économie française. Mais notre économiste prit une décision qui ne plût pas beaucoup à son aimé roi de France. Nous ne savons pas quand Montchrétien se fit huguenot. Mais en 1621, il participa au soulèvement protestant en Normandie. Il n’eût pas de succès et, en compagnie de beaucoup d’autres hommes, sa vie s’acheva dans un des combats qui mirent fin à la révolte. Ce ne fût pas, finalement, une mauvaise manière de mourir, si nous pensons à ce qui aurait pu lui arriver s’il avait été capturé vivant. Quelques jours après la défaite des huguenots, un tribunal décida que son cadavre fût traîné et écartelé. Et pour compléter la sanction exemplaire, ordonna de brûler les restes de son corps et de répandre les cendres. Sic transit gloria mundi.


Article originellement publié par Libertad digital.

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