Chômage : « On a tout essayé »

On se souvient de la formule de François Mitterrand : « Contre le chômage, on a tout essayé »… Sauf la liberté

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Entretien d'embauche recrutement chomage (Crédits Troisième Histoire, licence Creative Commons)

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Chômage : « On a tout essayé »

Publié le 28 septembre 2011
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« Contre le chômage, on a tout essayé » avait déclaré François Mitterrand. Il voulait dire par-là qu’il avait multiplié les relances keynésiennes, sans succès. Il avait tout essayé, certes. Sauf la liberté.

Par Jean-Yves Naudet
Publié en collaboration avec l’ALEPS

On a tout essayé… sauf la liberté.

On se souvient de la formule de François Mitterrand : « Contre le chômage, on a tout essayé ».

Aujourd’hui, en dépit de ses gesticulations, notre classe politique en est au même point. Il y a une cause et une seule du chômage qui poursuit sa course folle : « C’est la faute de la crise. » La réalité est tout autre. Certes, la crise n’arrange pas la situation de l’emploi, mais l’emploi n’est pas seulement corrélé à la croissance. C’est un marché et un marché, fût-il celui du travail, a besoin de liberté. Et si on essayait la liberté ?

 

Entre 2,7 et 4,1 millions de chômeurs

Quelle est la situation de l’emploi ? Il faut d’abord savoir ce qu’on entend par chômeur. Or, les statisticiens ont plusieurs façons de le définir, ce qui ne facilite pas les choses.

En France, la statistique la plus fréquente est celle de la catégorie A : personne sans emploi, inscrite à l’ANPE, et n’ayant même pas travaillé une heure au cours du mois. Mais quelqu’un qui a travaillé quelques heures, voire même plus de la moitié du temps (catégories B et C) est tout autant chômeur à la fin du mois, même s’il a eu une activité réduite. Ainsi, pour le dernier chiffre connu (situation à fin juillet), il y a en France 2 756 500 demandeurs d’emplois (catégorie A) et 4 128 000 en tout (catégories A, B et C). Et sans inclure les chômeurs d’Outre-mer. Entre 2,7 et 4,1 millions, il y a de la marge.

En gardant la même définition, c’est l’évolution qui inquiète ces derniers mois : 36 100 chômeurs de plus (catégorie A) pour le seul mois de juillet et presque 90 000 de plus en trois mois. Le chômage s’aggrave, c’est indiscutable. Il y a avait bien eu légère baisse du chômage en début d’année 2011 : elle est plus qu’effacée. Il y a deux sujets majeurs d’inquiétude : d’une part le chômage des jeunes continue d’augmenter (en dépit des contrats aidés ou autres), mais aussi celui des seniors ; d’autre part la durée moyenne de chômage augmente, passant à 453 jours, en hausse de 60 jours en un an.

Cette situation n’est pas propre à la France.

Dans un communiqué du 13 septembre, l’OCDE annonce pour juillet 2011 un taux de chômage moyen de 8,2 %. Il était encore de 6,1 % en 2008, mais il y a un léger mieux par rapport à 2010 où il était monté à 8,6 %.

Il faut nuancer suivant les pays. En juillet 2011, le taux de chômage est de 7,8 % pour le G7 (moins que l’ensemble de l’OCDE) en raison du taux du Japon (4,7 %) ou de l’Allemagne (6,1 %). Cela devrait donner à réfléchir. En revanche, il est de 9,5 % dans l’Union européenne (à 27) et même de 10 % dans la zone euro (à 17). La France est juste dans la moyenne de la zone euro (9,9 %), mais la situation s’y dégrade, alors qu’elle reste stable dans la zone euro.

Notons qu’en dehors des pays déjà cités, certains s’en sortent bien : 3,7 % en Autriche, 4,3 % aux Pays-Bas, 3,3 % en Corée du Sud, 6,5 % en Nouvelle-Zélande. Les USA sont à 9,1 %.

 

Malthusianisme et keynésianisme

Pour chercher un remède il faut trouver le mal. Écartons une piste suggérée par certains de nos ministres. Le Figaro Économie explique que « le gouvernement relève la très forte progression de la population active » pour expliquer cette dégradation. Trop de personnes voudraient travailler, elles seraient donc nombreuses à chercher un emploi, d’où la hausse du chômage. C’est la vieille lune malthusienne : il n’y a pas assez de place pour tout le monde, l’emploi est un gâteau fixe qu’il faut se partager. C’est absurde. Les pays à démographie ou immigration dynamique (de personnes cherchant véritablement un travail) sont en général ceux ayant le moins de chômeurs. L’emploi n’est pas une donnée a priori qui tombe du ciel avec un chiffre précis.

La seconde explication est plus sérieuse : c’est la crise. Il y a une part de vérité, surtout dans les pays où le marché du travail est rigide. Cela semble logique : moins de croissance, c’est moins de production, moins de production, c’est moins d’emplois.

La réalité est plus complexe. En effet, contrairement à l’idée répandue chez les keynésiens, il n’existe pas de lien mécanique entre niveau de production et emploi. Le travail n’est pas le seul facteur de production ; on peut remplacer du travail par du capital ou inversement. Ce qui se produit souvent, c’est qu’en période de récession, sous la pression des syndicats, ou des réglementations, le salaire ne diminue pas, et ne joue pas son rôle d’ajustement par les prix (le salaire est le prix du travail). Au contraire, on peut très bien imaginer qu’en produisant moins, l’emploi ne diminue pas si le coût salarial diminue.

Mais surtout cette idée suivant laquelle le niveau d’emploi ne dépendrait que du niveau de production aboutit à une erreur que nous n’avons cessé de dénoncer : pour créer de l’emploi, il suffirait de relancer l’économie, donc la croissance, et cette relance passerait par les politiques d’augmentation des dépenses publiques et de déficit budgétaire. Jamais la relance keynésienne n’a relancé la croissance et, en toute hypothèse, encore moins l’emploi. Quand François Mitterrand, ou ses successeurs disent « on a tout essayé », ils veulent dire : on a pratiqué relance sur relance. Mais il y a derrière une double erreur d’analyse (et sur le lien emploi/croissance et sur l’efficacité d’une politique de relance).

 

Le marché du travail… est un marché

Il reste bien entendu que la création d’emplois est plus facile quand l’économie est dynamique que lorsqu’elle stagne. Or, l’erreur principale des politiques de l’emploi (qui sont en fait souvent des politiques de « traitement social du chômage ») consiste à vouloir camoufler le chômage en transformant les chômeurs en stagiaires, emplois aidés, ou encore – mais c’est passé de mode – en préretraités. Pourquoi ? Parce que l’on cherche à diminuer artificiellement le chômage sans aller au fond du problème, qui est celui du marché du travail. Qu’on le veuille ou non, c’est un marché, avec une offre, une demande et un prix.

Le prix est toujours l’élément régulateur d’un marché. Ici, le prix du travail, c’est le salaire. Il doit donc être libre, un vrai prix. En ce sens, et l’OCDE l’a souvent montré, tout blocage du prix, par exemple par un salaire minimum rigide, crée du chômage. Certes, cela garantit théoriquement un revenu plus élevé au salarié, mais à ce prix-là, beaucoup ne trouvent pas d’emplois. D’où l’explosion du chômage pour les catégories les moins productives : le Smic n’est pas un facteur « social », mais un facteur d’exclusion du marché du travail. Ce qui compte, c’est que le prix du travail lui-même, pour l’entreprise, soit un vrai prix.

Ce prix doit donc être flexible, et pas seulement pour le salaire minimum ; les rigidités des salaires (accentuées par les syndicats, les conventions collectives trop contraignantes) empêchent de s’adapter à la conjoncture. Et ce n’est pas un hasard si le chômage est plus faible au Japon, pays où une part du salaire est flexible.

En outre il y a un gouffre, qui accentue les dysfonctionnements du marché du travail, entre le salaire net que perçoit le salarié et le coût salarial payé par l’employeur. Le salaire complet, dont nous avons déjà parlé à partir des statistiques d’Axel Arnoux, montre cet écart : un ouvrier qui perçoit net 1228 euros par mois coûte à son employeur 2305 euros ! Le patron peut dire : « c’est trop cher pour que j’embauche » et le salarié se plaindre de ne gagner « que » 1228 euros. En réalité, il devrait percevoir 2305 euros, puis assurer sa protection sociale. Enfin, si les indemnités de chômage rapportent plus qu’un salaire net, pourquoi travailler ? La faiblesse du chômage en Allemagne s’explique en partie par les réformes courageuses dans ce domaine (troisième loi Hartz).

 

Essayer la liberté

La loi de l’offre et de la demande joue sur le marché du travail. L’offre émane du salarié (qui demande un emploi). Ici, la mobilité et la formation sont la clef de tout. Faire des études dans des domaines sans débouché, alors qu’on manque d’artisans par exemple, est la voie la plus sûre vers le chômage. Par contraste, la formation par alternance en Allemagne diminue le chômage des jeunes. Tout ce qui réduit la mobilité des salariés est également facteur de chômage. En France on assimile la mobilité à la « précarité » ; vive l’emploi à vie !

La demande de travail (l’offre d’emploi) émane de l’entreprise. Elle est la seule à créer des emplois marchands, rémunérés par des ventes. Le reste (à commencer par l’administration) fonctionne par transferts et la création d’emplois publics (ce que l’on voit) est compensée par la perte d’emplois privés à cause des impôts (ce que l’on ne voit pas). Seules les entreprises libres suscitent une création nette d’emplois. Par conséquent, il faut les libérer des carcans fiscaux, sociaux, administratifs, réglementaires qui les paralysent.

Chômage ? Non, on n’a pas tout essayé : on a « oublié » d’essayer la liberté.

—-
Sur le web.

L’ALEPS, présidée par le Professeur Jacques Garello, est l’Association pour la Liberté Économique et le progrès social, fondée il y a quarante ans, sous l’autorité de Jacques Rueff, dans la tradition intellectuelle française de Jean Baptiste Say et Frédéric Bastiat.

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  • Fantastique cet démonstration… vraiment excellente !

    A mettre en urgence sous le nez de TOUS nos décideurs politiques ! En effet, je n’en connais aucun capable d’expliquer cela…

    Vraiment très bon, clair, limpide, facile à comprendre……

  • sorry… « cette » démonstration !

  • Super article, belle argumentation. Très plaisant à lire en plus. Bravo

  • pas d’accord sur le coté acroissement de la population.les ressources d’un territoires sont finies,donc tout acroissement violent de main d’oeuvre comme en france est freiné par la limitation des ressources.sinon tous les pays developpés ont le meme probleme:le travail est trop taxé pour des objectifs peu utiles.la france possede en plus des lois rigides stupides:essayez de monter plusieurs sociétés en meme temps,c’est un casse tete

    • @marie georges
      Nos campagnes sont décimées par l’exode rurale (et ce n’est pas près de s’arrêter vu la génération de paysans qui ne sera pas remplacée), on rend chaque année des centaines de milliers d’hectares de terre à la nature et on a 2x plus de forêt maintenant qu’en 1800, quand il y avait pourtant 2x moins de Français. Et vous parlez de « limitation de ressources », mais vous vivez sur quelle planète ?

      • pas la ou j’habite minitax.ici il y avait penurie de terrains a construire (je suis dans l’ouest)limitation de ressources:ça peut etre tout simplement l’eau.le village ou j’habite s’est enormément develloppé et il est considéré comme saturé pas au niveau de la place disponible mais de l’approvisionement en eau.les campagnes dans mon coin ne sont en aucun cas décimées par l’exode rural,c’est le contraire,elles se sont saturées de rangées de pavillons.les campagnes qui se vident ,c’est le massif central par exemple.enfin les ressources d’un territoire c’est l’eau ,l’electricité que l’on peut produire,la terre agricole nécéssaire a nourrir une population.toutes ces ressources sont finies meme si on peut les améliorer un peu

        • L’eau n’a jamais manqué en France, ne dites pas d’énormité !
          Votre histoire de « limitation de ressources », désolé mais c’est du grand n’importe quoi. Sans même aller loin et citer le rocher de Monaco ou les Pays-Bas qui sont bien plus densément peuplés que chez nous tout en étant hyper prospère, il n’y a qu’à regarder l’Ile de France, région démographique la plus dense de France et pourtant la plus riche et où il y a le moins de chômage. Bref, l’exemple de là où vous habitez, c’est de la démonstration par l’anecdotique, ça ne démontre que ce que vous avez envie de croire, en ignorant tous les faits massifs qui contredisent vos croyances.

          Quant à insinuer que nos campagnes se vident seulement dans les trous perdus, c’est bien sûr un autre préjugé de citadin. Nos campagnes se vident parce que le nombre d’agriculteurs a été divisé par 2 en quelques générations et que la surface agricole utile a diminué, grâce à la hausse prodigieuse du rendement à l’ha, point barre, et non à cause d’une raison sortie du chapeau. Et ce n’est certainement pas les écolos des villes qui vont entretenir champs, haies, bosquets, prairies, bois et forêts comme le faisaient les vraies gens de la campagne.

  • Vous oubliez une mesure phare mise en place en Allemagne depuis 2008 :

    le « KURZARBEIT »

    Toutes les entreprises en difficulté passent l’intégralité de leurs employés à

    30h/semaine,

    avec compensation salariale par l’état (donc pas de baisse de salaire) !

    Donc en cas de crise, pas de licenciement, et les entreprises en bonne santé continuent d’embaucher !

    Plusieurs millions de salariés bénéficient de cette mesure depuis 2008, le temps de travail moyen hebdo constaté est passé à moins de 28h/semaine (avec les temps partiel subis dus à aux lois Hartz justement)…

    Un peu de bonne foi dans les analyses ne nuiraient pas.

    • MKL : « Vous oubliez une mesure phare mise en place en Allemagne depuis 2008 »
      ——————————————————————
      Vous oubliez de dire que le taux de chômage en Allemagne avait baissé AVANT 2008 et que depuis 2008, il n’a pas baissé, donc si ça devait prouver quelque chose, c’est bien que le KURZARBEIT n’a servi à rien.

    • @MKL merci de la precision intéressante.si on avait eu ce type de mesures en france on irait un peu mieux

  • Un excellent article, très réaliste sur la situation des marchés, mais qui selon moi ne fait pas suffisamment le lien avec un problème majeur, l’explosion du prix des denrées de base. En effet, on découvre que les produits agricoles coûtent de plus en plus cher, que les marges des distributeurs sont honteusement élevées.

    Votre constat est plutôt alarmant, cela signifie donc que c’est tout notre système qui est pourri de l’intérieur. Car des salaires plus bas conduisent à moins de ressources (irrémédiablement) pour ceux qui sont en bas de l’échelle sociale, et ceux qui galèrent déjà à se payer un steak par mois devront se contenter de topinambours. Ces questions sont excessivement complexes, et un changement ne peut pas intervenir seul. Personne ne sait vraiment par quoi commencer, et encore moins ceux qui nous gouvernent.

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