Les déficits ne sont-ils pas à l’origine de la crise grecque ? La baisse des dépenses publiques et l’austérité ne sont-elles pas la solution ?
Par Domi.
Lire la première partie : Crise grecque (1) : la vérité des chiffres
Deux opinions s’affrontent pour expliquer l’ampleur et la durée de la récession grecque.
Les keynésiens accusent les politiques d’austérité et la réduction des dépenses publiques (réelles en volume, comme nous l’avons vu). Au contraire, c’est l’ampleur persistante des déficits, retirant toute perspective aux investisseurs, qui est coupable aux yeux des libéraux. Dans un cas, on a trop réduit les dépenses publiques, dans l’autre pas assez.
L’étude des données précédentes sera bien évidemment utile pour déceler la vérité au milieu des opinions contradictoires. Toutefois une bonne analyse doit débuter un peu avant l’actuelle récession.
L’entrée de la Grèce dans la récession s’explique en effet par la contagion d’une crise qui a touché la totalité des pays occidentaux à la suite de l’éclatement d’une bulle immobilière aux États-Unis. Il y a accord des deux parties sur ce point, leur divergence porte sur l’origine de l’ampleur et de la durée de la récession qui a suivi.
Présenter sous la forme d’un tableau dans quels cas les analyses se rencontrent ou s’opposent permettra de mieux fixer les idées.
Commençons par décrire les éléments factuels favorables à l’analyse keynésienne avant ceux avancés par les libéraux.
Les arguments « keynésiens » et leurs limites
Celui qui vient à l’esprit est que depuis 2009, la récession s’aggrave alors que le déficit et la dépense publique se réduisent.
Comme il semble plus juste de lier aux idées de Keynes le déficit primaire, on pourrait représenter ainsi la relation entre déficit et croissance :
L’explication suggérée par un tel graphique est d’autant plus séduisante que la relation apparaitrait presque linéaire. Ce raisonnement a néanmoins, un gros défaut : il implique une récession particulièrement forte en cas de déficit « modéré » (disons 3% du PIB). Or, une telle relation est exceptionnelle dans les pays développés. Il faudrait alors préciser la raison pour laquelle la situation grecque était si particulière et énoncer en quoi la Grèce était davantage exposée que les autres pays à la contagion de la crise américaine. Or, sur ce plan, seule une version est crédible : les niveaux de l’endettement et des déficits grecs ont déterminé la fragilité particulière de ce pays face à la crise internationale. Pourtant, adopter cette interprétation revient à détruire l’analyse keynésienne qui précède. Si les déficits sont la cause des difficultés de la Grèce, les maintenir ou les accroître ne concourra pas à l’en sortir !
Si, à l’inverse, la situation grecque n’avait aucune particularité au moment du déclenchement de la crise des subprimes, quel enseignement un tel postulat apporte-t-il concernant l’efficacité des déficits au vu des évolutions postérieures ?
Comparons pour cela la Grèce et l’Union Européenne. En 2009, la Grèce a subi une récession de 2 points contre 4 points pour l’Union européenne. C’est mieux, mais cela ne démontre pas une très grande efficacité des déficits publics (différence de 8,6 points 15,4% contre 6,8%) : un déficit supérieur de 8,6 points conduisant à deux misérables points de PIB en plus. La suite est pire parce qu’avec des déficits plus élevés la récession grecque s’est accentuée alors que l’Union Européenne enregistrait des taux de croissance modestes mais positifs pour 2010 et 2011. On serait en droit de conclure que les déficits ont aggravé la situation. Pourtant, il reste possible que les choses aient empiré du fait d’autres mesures récentes. Même dans cette hypothèse prudente, le rôle économiquement stimulant des déficits qui n’ont pas permis de compenser les effets néfastes de telles mesures serait plus que douteux.
Si l’on prend pour postulat le caractère exceptionnel de l’état de l’économie grecque au début de la crise, son déroulement s’accorde bien dans un premier temps avec l’analyse keynésienne mais ce postulat même la détruit car cette particularité ne peut guère avoir une autre origine qu’un endettement excessif. Si on écarte ce postulat, on est obligé d’admettre au mieux l’inefficacité des déficits qui malgré leur niveau élevé ont laissé l’économie grecque dans un plus mauvais état que celles des autres pays.
Les éléments factuels contredisent la thèse keynésienne. Ce n’est pas pour autant que le point de vue libéral opposé devient automatiquement valable. Pour que ce soit le cas, des éléments de preuve doivent être apportés en sa faveur.
Les preuves favorables aux « libéraux »
Une comparaison internationale montre bien la relation entre situation budgétaire précaire et gravité de la récession. Grâce aux données de RFI et d’Index Mundi (voir les sources dans la première partie), nous pouvons établir une relation entre précarité budgétaire et intensité récessive. L’indice de précarité budgétaire ci-dessous correspond à endettement 2009 + 3 x déficit 2009.
On notera qu’avec le seul déficit la relation est tout aussi forte :
L’Allemagne se trouve à l’extrémité de ce graphique par rapport à la Grèce. Elle a d’abord connu une crise plus forte mais en respectant une certaine rigueur budgétaire, elle en est sortie tôt et vigoureusement.
La chronologie de la crise confirme cette causalité. En 2009, la chute du PIB grec a été modérée. En 2010, la Grèce, soutenue par les institutions internationales eut recours à un plan de sauvetage sans lequel sa faillite aurait été immédiate. La récession s’est considérablement accentuée depuis lors. Cela confirme le rôle de cette situation de quasi faillite et des déficits extrêmes dans la récession. Ce moment était bien entendu prévisible pour l’observateur perspicace mais il y a toujours un moment précis où les bulles éclatent et où la panique se déclenche.
Si les déficits sont à l’origine de la crise grecque, leur réduction (et la baisse des dépenses) – en un mot l’austérité – n’est-elle pas la solution aux problèmes de la Grèce ?
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Lire la première partie : Crise grecque (1) : la vérité des chiffres
Les graphiques illustrant le point de vue libéral sont intéressants. Il leur manque pour être convaincants l’identification des pays situés entre l’Allemagne et la Grèce. Slovénie ou France ? Je n’ai pas pu établir de de relation entre les points sur le graphique et les statistiques d’Index Mundi. Pouvez-vous nous éclairer ?