Dès que vous acceptez le principe paternaliste, vous n’en avez jamais fini avec l’ingérence de l’État.
Par Michael D.Tanner, depuis les États-Unis
Article publié en collaboration avec le Cato Institute
Si vous êtes à la recherche d’une définition synthétique définissant l’essence de l’État-providence moderne, ne cherchez pas plus loin que celle donnée par le Secrétaire d’État américain à l’Énergie, Steven Chu, eu égard aux efforts de son administration visant à interdire les ampoules incandescentes. «Nous évitons de laisser aux gens la possibilité de gaspiller leur argent», a déclaré Chu, très satisfait des efforts de son gouvernement pour protéger les Américains de leurs propres choix.
On peut facilement opposer cette approche à celle de Milton Friedman qui nous dit :
Ceux d’entre nous qui croient au libre arbitre doivent aussi croire en la liberté des individus de faire leurs propres erreurs. Si un homme préfère sciemment vivre sa vie au jour le jour, utiliser ses ressources pour ses plaisirs immédiats, choisissant délibérément d’avoir une retraite indigente, de quel droit pouvons-nous l’en empêcher? Nous pouvons discuter avec lui, et chercher à le persuader qu’il a tort, mais sommes-nous en droit d’utiliser la coercition pour l’empêcher de faire ce qu’il veut? N’existe-il pas toujours la possibilité qu’il ait raison et que nous ayons tort? L’humilité est la caractéristique distinctive de ceux qui croient en la liberté, l’arrogance celle des paternalistes.
Pendant trop longtemps, les gauchistes ainsi que les conservateurs ont essayé à de trop nombreuses reprises d’imposer aux gens des normes gouvernementales de « ce qui est mieux pour eux » plutôt que de les laisser à leurs propres décisions, simplement parce que ces décisions pourraient se révéler être des erreurs. C’est le véritable héritage de l’État providence sur lequel compte le président Obama et tel qu’il a été pratiqué sur une base bipartisane au cours du dernier demi-siècle ou plus. Nous sommes moins libres, tout simplement.
Dans certains cas, les restrictions de liberté sont tangibles et faciles à percevoir. Il en va ainsi des comportements des individus, à mesure que l’économie est de plus en plus sous contrôle de la social-démocratie. Ceci donne l’occasion à l’État de contrôler ces comportements à leur tour. Après tout, si les décisions individuelles se traduisent par un coût collectif, il est somme toute logique que les personnes qui en supportent le coût exigent d’avoir leurs mots à dire sur ces mêmes décisions. Ainsi, l’État-nounou cherche à restreindre toutes sortes d’activités consensuelles privées, que ce soit se restaurer dans un fast-food, fumer, avoir des relations sexuelles consenties ou conduire sans ceinture de sécurité.
Mais il existe d’autres moyens tout aussi importants, même si moins évidents à percevoir, qui permettent à l’État providence d’enfreindre les libertés. Les systèmes de santé gérés par l’État, par exemple, imposent un montant minimum que vous devez consacrer à vos besoins de santé, et ce par le biais des impôts ou à travers des polices d’assurance, telle que celle de la « protection du patient » et la loi sur « les soins abordables ». Ces systèmes de santé déterminent les conditions médicales et les risques maladies auxquels vous devez être assurés, même si vos préférences iraient pour une assurance qui ne couvre pas ces options. Ainsi, ils transforment des décisions individuelles morales, comme se payer une assurance pour couvrir des soins tels que l’avortement, la contraception ou les traitements pour drogués, en questions politiques. Et dans certains systèmes étatiques, ils dénient aux gens le droit de s’acheter le système de santé qu’ils veulent, même avec leur propre argent.
De la même manière, les programmes étatiques de lutte contre la pauvreté limitent votre capacité à soutenir les causes de votre choix. L’argent de vos impôts dédié à soutenir une cause gouvernementale est autant d’argent que vous ne donnerez pas à une Å“uvre de bienfaisance privée. Pourtant, les causes choisies par le gouvernement peuvent ne pas être celles que vous auriez choisies vous-même, ou même celles dont on a le plus besoin. En effet, le soutien étatique pour telle ou telle cause est susceptible d’être dicté par des considérations politiques, en favorisant les circonscriptions ayant le plus grand impact électoral ou bien en favorisant les causes qui capturent l’imagination du public parce qu’elles sont placardées à la télévision ou dans les journaux.
Les écoles publiques opposent automatiquement les valeurs d’un groupe de parents à celle d’un autre groupe. Si les parents pouvaient choisir l’école de leur enfant, combien de débats et de controverses classiques pourrait-on éviter? – comme, par exemple : que faut-il enseigner à propos de l’homosexualité? Doit-on permettre aux écoliers de faire la prière? Doit-on adopter la méthode globale ou phonétique?…
Que la sécurité sociale soit ou non une arnaque comme le système de Ponzi, elle empêche les gens – en particulier les plus pauvres – d’économiser et d’investir leur argent dans leur propre plan de retraite en vue de se constituer une réserve réelle dont leurs enfants pourraient hériter.
Au-delà de ces programmes, il y a le simple fait que chaque dollar que l’État-providence consomme pour lui-même est un dollar de moins que les individus pourraient dépenser comme ils l’entendent, quelle que soit la destination finale de cette dépense. Comme le disait l’économiste français Frédéric Bastiat dans sa parabole du commerçant à la vitre cassée, « il aurait probablement remplacé ses chaussures usagées, ou ajouté un nouveau livre à sa bibliothèque. » Ou pour remettre cette parabole au goût du jour, ce commerçant aurait pourvu à ses besoins de santé, mis de côté pour sa retraite, ou fait des dons pour des causes charitables. Il aurait pu aussi démarrer une entreprise et embaucher des travailleurs. Comme il aurait pu tout autant dépenser pour son seul plaisir ou autres frivolités. Il aurait même pu s’acheter des ampoules à basse consommation.
Quel qu’aurait pu être son choix, il en est désormais privé. Son libre-arbitre est en fait restreint.
Dès que nous acceptons le principe du paternalisme, il n’y a aucune limite aux actions prises par l’État pour contrôler nos vies et limiter notre liberté. Le résultat final, comme l’écrit Friedman, c’est «la dictature, bienveillante et peut-être même majoritaire, mais c’est une dictature quand même. »
Alors que nous débattons de l’expansion constante de l’État-providence et de ses conséquences – le chômage, une dette écrasante pesant sur nos enfants et petits-enfants, et le manque d’opportunités pour les plus démunis d’entre nous – n’oublions jamais l’autre victime du gouvernement omnipotent : notre liberté.
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Sur le web
Cet article est paru en ligne dans la revue américaine National Review le 5 Octobre, 2011.
Traduction : JATW pour Contrepoints.
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Article parfait, au point de désarmer tous les trolls étatistes ?
Vos articles pointent du doigt un débat philosophique sur la liberté. Selon moi on est libre quand on arrive à vaincre ses peurs, et là vous avez raisons quand vous prônez la valorisation du risque, parce que l’ennemi du risque c’est la peur. Le seul problème selon moi c’est que vaincre ses peurs ça ne se fait pas tout seul, et là c’est selon moi le rôle du contrat social, du système étatique démocratique c’est de s’unir autour d’un pacte sur la base du fait que seul on ne peut vaincre ses peurs parce que l’expérience des autres nous est nécessaire.