En 2011, l’UE est sur le point d’effectuer le grand bond en arrière dans le monde connu de l’antilibéral et de l’antidémocratique.
Par Sophie Quintin-Adali
Article publié en collaboration avec UnMondeLibre
Le battage médiatique a consacré le sommet européen de la semaine dernière, comme beaucoup avant lui, de réunion de la « dernière chance ». Pour sortir de ce vortex de dette souveraine auto-infligée, l’élite européenne imbue de théorie keynésienne, insiste sur le fait que nous devons engager davantage de dette et devons avoir un plan de grande taille. Est-ce la solution? Le mécanisme de sauvetage proposé (FESF) n’est pas seulement antidémocratique, comme les Grecs vont nous le rappeler par référendum après le revirement de Papandréou. Il est fondé sur le soutien financier du Parti communiste chinois. Si c’est cela la route vers l’intégration, nous ferions bien d’occuper Bruxelles dès maintenant!
Le dernier plan a été vendu comme le « triomphe de la politique sur les marchés ». Ajoutant sa voix au concert en faveur de toujours davantage d’intervention publique, l’influent philosophe constructiviste Jürgen Habermas professe que « L’UE ne peut s’affirmer contre la spéculation financière que si elle obtient les compétences politiques de guidage » (Le Monde, 25/10/2011). Eh bien, « guidage » dans le monde réel s’est toujours traduit par la centralisation de la prise de décision et moins de liberté. L’UE réelle envisage maintenant d’entrer dans la centralisation.
Le mécanisme de renflouement à effet de levier va accumuler plus de compétences pour faire face à la dette souveraine et pour faire la « police » derrière les gouvernements dépensiers. En d’autres termes, les technocrates seront habilités à passer les budgets en revue avant leur soumission aux parlements élus des pays de la zone. Comme certains observateurs le soulignent avec justesse, les parlements nationaux ne contrôleront plus les fonctions les plus essentielles du gouvernement : les décisions en matière de fiscalité et de dépenses publiques.
Combiné à un gouvernement économique centralisé sous le « guidage » du président non-élu de l’UE pour relancer les économies en stagnation, le plan de sauvetage jugé nécessaire pour enrayer la crise de la dette, retire aux États membres et à leurs citoyens un élément central de leur souveraineté (Point 26.4 de l’accord). La politique sans souveraineté peut-elle marcher ? Elle a échoué en Union soviétique.
Les tenants de la centralisation (l’intégration) pointent du doigt le mauvais travail des gouvernements des PIGS en matière de finances publiques comme la justification impérieuse d’une action centralisée. On choisit encore une fois le chemin de davantage de pouvoirs supranationaux, malgré les échecs patents du processus d’intégration « toujours plus étroite », afin de promouvoir une croissance soutenue. Au lendemain du sommet certains prédisaient que le mécanisme ne fera pas long feu . Pour le professeur Pascal Salin, tenant de l’école autrichienne d’économie, le FESF n’est pas la solution parce qu’il récompense la mauvaise gestion et le renforcement de l’intervention du gouvernement. Un tel système, soutient-il, ne fait que créer plus d’instabilité et doit être combattu.
Ironie de l’Histoire, l’UE a envoyé son envoyé spécial « ès-sauvetage » à Pékin pour demander (quémander?) à la Chine d’investir dans ses obligations « de stabilité » : une étape hautement symbolique. Jadis, la CEE se tenait fière, indépendante, libre et prospère face au le bloc communiste « non libre ». Aujourd’hui l’expérimentation social-démocrate en perdition a besoin d’aide des mandarins communistes chinois qui ont appris une chose ou deux du « monde libre ». L’investissement ne sera accordé que s’il est sage et profitable, et non au nom de toute notion floue de solidarité redistributive socialiste à l’échelle mondiale.
En 2011, l’UE est sur le point d’effectuer le grand bond en… arrière dans le monde connu de l’antilibéral et de l’antidémocratique. Si le soutien de la Chine se matérialisait, cela serait avec de nombreuses conditions et scellerait de facto l’entrée du Parti communiste dans le système émergent post-démocratique de la gouvernance européenne. L’ironie, mais jusqu’à quel point ?
Le président Mao doit joyeusement se retourner dans sa tombe. Un ancien camarade, le président Barroso, se tenait à l’apex de l’Euro-Léviathan et annonçait fièrement que « dans ces moments les plus difficiles [ou intéressants?], nous pouvons nous unir ». En effet. Mais l’unité sans la liberté économique est le certificat de décès d’une Union Européenne libre et démocratique. Mais qui sait? On nous avait annoncé que nos dirigeants avaient mis fin à la crise, que le monde avait été sauvé par cet accord de la dernière heure. Pourtant, l’intrigue de l’UE se complique avec la possibilité désormais donnée au peuple grec (par le premier Ministre grec) de faire entendre sa voix lors d’un référendum. Espérons que la mort lente de la démocratie européenne sera stoppée là où tout a commencé, à Athènes.
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Je me demande, en y réfléchissant, si vous ne confondez pas deux choses assez différentes : plus d’Etat (ce qui, je vous le concède, est agaçant) et un glissement du pouvoir national vers le pouvoir européen (qui ne signifie pas spécialement plus d’Etat). J’ai l’impression que nous sommes aujourd’hui au milieu du gué : ou bien on fait marche arrière en renforçant les pouvoirs des Etats nationaux, mais en conservant ce qui intéresse l’économie : l’euro et plus de frontière, ou bien on cède des pans entiers de pouvoir à l’Europe. Au passage, cette dernière hypothèse flanquerait des boutons aux français, tandis que les belges s’en foutent globalement… Les gens étant accrochés à leur nationalisme datant des croisades, il n’est pas très populaire de proposer à des électeurs de céder plus de pouvoir à la CE. C’est peut être dommage… Les USA, que l’on ne peut pas taxer de communiste, s’en contente très bien, et leur dollard dépend du pouvoir central et de Fort Knox.
D’autre part, si les budgets sont décidés, ou tout au moins vachement contrôlés par la CE, je présume que cela implique une harmonisation fiscale. Dès lors serait bien pénalisé le pays qui fut géré de manière correcte, et bien récompensé le pays qui a été dirigé avec une serpillière… Je pense notamment au cas de la Slovaquie, qui, malgré son niveau de vie plus faible, a une des dettes les plus basses du monde, et qui verrait ses efforts balayés d’un revers de la main. Mais si les Etats restent maîtres des politiques fiscales, pourquoi alors s’entraider ? Et pourquoi une monnaie commune ? Il me semble que celle-ci n’a de sens que si les politiques financières locales sont harmonisées, non ?
Il y a deux choses: d’abord, il y a eu des transferts importants de compétence à l’Union, mais sans que les Etats ni les collectivités locales renoncent à leur train de vie. Par exemple: l’Union dit qu’il faut des ampoules écolos, mais ce sont les parlements nationaux qui adaptent les dispositions au niveau national puis les collectviités locales pourront subventionner une entreprise qui en fabrique etc… C’est un exemple parmi tant d’autres que disparition de compétences il n’y a pas eu, mais partage et approfondissement de la compétence. Donc oui, l’UE est un groufre financier, un Etat en plus qui se superpose, la facture est lourde pour le contribuable européen qui doit payer de plus en plus cher sans le savoir.
Ensuite il y a l’acceptation par les peuples, c’est un sujet brulant pour les libéraux. Or, force est de constater qu’à chaque référendum la cause européïste perd. Les peuples ne veulent pas d’une Europe intégrée, mais la parole ne leur est pas donnée, les politicards font leur tambouille dans leur coin, par peur de ne pas pouvoir avancer dans la consolidation d’une gigantesque oligarchie européenne.
L’UE ignore les peuples qui ne se sentent pas européens, et sur des questions qui les concernent au premier plan, l’UE coûte très cher.
N’oublions pas que l’UMP et le Parti Communiste Chinois sont des « partis frères »… Glaçant !