En matière de sécurité sociale, comment peut-on se passer de l’État ? Remettre en cause la Sécurité Sociale ce n’est pas laisser les Français sans protection sociale : mutualité et assurances ont des bases solides. Une fois admise la nécessité de faire connaître et de verser au salarié son « salaire complet », la réforme des systèmes de santé et de retraites devient tout à fait possible.
Un article de l’aleps
La Sécurité Sociale est certainement l’institution la plus dégradée aujourd’hui. Peut-on en finir avec un système administratif centralisé, public, qui se révèle coûteux et inefficace ?
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1. Mettre en cause la Sécurité Sociale :
assurances mutuelles
Mettre en cause la Sécurité Sociale ne signifie pas priver les Français de toute protection contre les aléas de la maladie ou de la vieillesse. Bien au contraire : alors que la couverture sociale offerte par la Sécu est de plus en plus coûteuse (hausse incessante des cotisations et compensation croissante des déficits) et de moins en moins efficace (un système de santé en déclin, des files d’attente et une pénurie de médecins, des retraites rognées dès aujourd’hui et incertaines pour demain), il existe des formules éprouvées bien plus économiques et de qualité très supérieure.
Les Français en sont déjà conscients, et prennent leurs précautions : la protection « individuelle » renaît face aux lacunes et incertitudes de la protection « sociale ». Ils épargnent et cherchent à préserver ce patrimoine, voire à le rentabiliser. Les uns investissent dans la pierre (mais sont de plus en plus pénalisés par la fiscalité), les autres souscrivent à des contrats d’assurance-vie, ou à des plans d’épargne, d’autres achètent de l’or ou empilent des billets de la Banque Centrale Européenne (imprudents !).
Il ne fait aucun doute que, quelle que soit la vertu de la fourmi, elle a imaginé depuis longtemps de travailler en communauté avec d’autres. L’idée de la solidarité et de la mutualisation est fort ancienne, et s’est développée considérablement au XIXème siècle. Chacun s’engageant par ses cotisations à aider ceux qui seront victimes du chômage, ou de la maladie, cela permet d’avoir une couverture moins coûteuse.
On franchit un pas nouveau en dépassant la cotisation versée à une mutuelle pour confier l’épargne à des assureurs qui, à la différence des mutualistes, investiront cette épargne dans des placements fructueux : les compagnies achèteront des immeubles, ou prendront des participations dans des entreprises, ou souscriront à des obligations émises par des institutions dignes de foi. Les assurances mutualisent les épargnes et divisent les risques sur un grand nombre de personnes.
Une fable aussi bien connue que celle de la cigale et de la fourmi fait croire aux Français que la protection sociale offerte par les compagnies d’assurances a fait faillite entre les deux guerres mondiales, notamment parce que l’inflation aurait ruiné ces compagnies. Il n’en est rien, et c’est pour des raisons purement idéologiques que le gouvernement de Vichy inventera ladite Sécurité Sociale, que le programme économique de la Résistance s’empressera de reprendre et de généraliser, puisque un pas important était ainsi fait vers le collectivisme. Au demeurant, rien n’oblige l’État à dévaluer la monnaie !
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2. Sécurité Sociale, sécurité sociale
Sécurité Sociale avec une majuscule, c’est un organisme administratif, un système public, tandis que sécurité sociale, avec une minuscule c’est le fait d’être protégé contre un certain nombre d’aléas de la vie personnelle, familiale ou professionnelle ; c’est un objectif légitime.
Les risques seront couverts
Tous les réformateurs de Sécurité Sociale devraient, avant toute chose, rappeler les garanties qu’il s’agit de conserver, parfois même de retrouver (puisqu’elles sont en train de s’envoler aujourd’hui avec les déficits et bientôt l’explosion de la Sécurité Sociale).
La première garantie c’est d’offrir à tout Français des soins de qualité, quels que soient son âge, son état de santé, son revenu.
La deuxième c’est de pouvoir toucher aujourd’hui, mais aussi dans dix, vingt ou trente ans, les pensions de retraites pour lesquelles ils ont cotisé toute leur vie, et qu’ils sont en droit d’attendre.
La troisième est une couverture des accidents du travail. La quatrième est la prise en charge des handicapés.
Ces garanties doivent être réelles. Il ne faut pas, comme c’est le cas actuellement, invoquer à tout propos une excuse pour ne pas tenir les promesses : aujourd’hui on ne cesse de demander des « sacrifices » toujours justifiés par la conjoncture, la crise, la concurrence, le chômage, etc. Voilà trente ans que, chaque année, on « sauve la Sécurité Sociale » de la même manière : on découvre avec surprise un déficit, puis on relève les recettes et on diminue les remboursements, et en fin de compte on retourne à l’équilibre…jusqu’à la prochaine. Cela s’appelle pudiquement les ajustements « paramétriques » : variations du taux des cotisations ou de leur assiette, déremboursements, recul de l’âge de la retraite, allongement de la durée de cotisations, changement dans le calcul des pensions, etc. C’est le triomphe de l’insécurité sociale.
Donc le premier principe à respecter quand on veut modifier le système est la stabilité du contrat entre assureur et assuré. L’engagement doit être durable, et sur une base simple.
Le contrat sera lisible : séparation des régimes
La base est simple quand on rend le contrat transparent. Or, aujourd’hui la Sécurité Sociale est une administration opaque, se livrant à des opérations complexes, dont les données financières ne peuvent même pas être connues ni contrôlées par la Cour des Comptes.
La première mesure à prendre est d’en finir avec le mélange des régimes, symbolisé par l’existence de l’Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale (ACOSS). Sont financièrement confondues les régimes de vieillesse, maladie, accidents du travail, chacun se divisant entre salariés et non salariés : de plus, au régime général se surajoutent des régimes spéciaux, obéissant à des règles diverses en fonction des activités ou des personnes, notamment en ce qui concerne les fonctionnaires et les salariés des entreprises publiques. Au sein du régime général, des transferts permanents s’opèrent, les caisses de retraites compensant les déficits de la maladie, ou inversement ; aujourd’hui ces transferts demeurent incontrôlés, mais sans grande utilité globale puisque tous les régimes généraux sont en déficit.
Demain, la centrale d’achat des prestations sociales devra disparaître. Alors, les contrats d’assurance maladie seront nettement séparés des contrats de retraites, ou des contrats pour d’autres risques, de façon à faire apparaître les vrais coûts et prix des diverses prestations. Dans une perspective de privatisations, la diversité s’instaurera entre caisses ou compagnies concurrentes, pour le plus grand bénéfice des Français, qui cesseront d’être des assujettis pour être des assurés consommateurs de sécurité sociale. Mais où ces consommateurs trouveront-ils l’argent nécessaire ? Cette question est résolue par la disposition du salaire complet.
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3. La réforme du système de santé
Une fois admise la nécessité de faire connaître et de verser au salarié son « salaire complet », la réforme du système de santé devient tout à fait possible.
Ouvrir la concurrence entre assureurs
Les Caisses d’Assurance Maladie ne font pas de l’assurance, mais ce sont bien des caisses enregistreuses : on entre l’argent des cotisations et on sort l’argent des dépenses de santé. Moins de cotisants, plus de malades parce plus de personnes âgées, et c’est la catastrophe.
Solution : augmenter les cotisations et diminuer la couverture.
Il existe pourtant une autre solution : autoriser le salarié à s’assurer lui-même, auprès d’une compagnie de son choix, au lieu de subir un prélèvement obligatoire sur son salaire. Cette possibilité a été inscrite dans des directives européennes de 1992, mais les gouvernements français successifs ne l’ont jamais tolérée. Il faudrait donc simplement que la France se conforme au droit européen et à la jurisprudence sur le sujet.
À la différence de la réforme des retraites qui appelle de sérieux problèmes de transition du fait des droits acquis, il n’y a aucune difficulté à abandonner partiellement ou totalement le système de santé actuel.
Mais les assureurs ne vont-ils pas éliminer les personnes gravement atteintes, ou d’un âge avancé ? E fait, ils savent calculer les risques, et y adapter le montant des primes, c’est leur travail. Donc c’est bien aux assurés de choisir s’ils préfèrent la santé « gratuite » de la Sécu avec des cotisations de 300 euros par mois, ou s’ils prennent le contrat proposé par l’assureur. Bien évidemment la possibilité de changer de couverture doit être garantie, les droits de l’assuré étant validés d’un assureur à l’autre. De plus, si l’assuré reçoit de sa compagnie un livret d’épargne santé, l’assuré pourra gérer ses dépenses en toute connaissance de cause.
Rendre aux professions de santé leur caractère libéral
Un professionnel libéral entretient avec ses clients des relations personnelles, parfois suivies dans le cadre de la famille. Aujourd’hui les médecins préfèrent être salariés (60%) ou remplaçants (34 %), seule une minorité s’installe à son compte. Les médecins manquent dans les zones rurales, et pendant les nuits et les week-ends. Certaines spécialités disparaissent, et l’on doit importer des praticiens étrangers pour combler le déficit.
Les conditions psychologiques (une vraie police de la médecine), mais aussi financières et fiscales imposées par la Sécu sont inacceptables. Il faut libérer totalement les honoraires, les conditions d’installation et de prescription. Il faut rompre avec la progressivité de l’impôt, de façon à rémunérer correctement les hommes de l’art. L’expérience du secteur 2 l’a prouvé : les honoraires libres ont l’agrément des médecins (leurs clients ne les ont pas fuis) mais aussi des clients qui préfèrent payer un peu plus cher un médecin en qui ils ont confiance (à tort ou à raison). Quant à la « médecine à deux vitesses » elle existe bien, mais dans le système public actuel. Un professionnel libéral s’honore en tenant compte de la situation du patient. D’autre part rien n’interdit d’apporter une aide personnalisée aux malades sans ressource, mais elle ne peut pas prendre la forme administrative et incontrôlée de la CMU.
Développer l’hospitalisation privée
L’hôpital public est le principal foyer de déficit et d’irresponsabilité, mais ce n’est pas correct de le dire. Comme pour l’école, la concurrence public-privé est totalement faussée. Tout d’abord les barèmes du privé sont établis par la Sécu, et très inférieurs à ceux du public. Ensuite la carte hospitalière est dessinée par les autorités administratives, et la création des Agences Régionales de Santé n’arrange rien. L’hospitalisation privée fait pourtant mieux et moins cher, en dépit de la concurrence déloyale du public. Elle n’a pas besoin de subvention, et la fréquentation des patients fait seule leur succès. Privatiser les hôpitaux publics quand les gestionnaires, les praticiens et le personnel de service en sont d’accord est une solution qui devient vite populaire, car tous ces acteurs s’aperçoivent que les conditions de travail et la satisfaction des malades s’améliorent, avec des équipements renouvelés, un personnel moins absent et mieux rémunéré.
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4. La réforme des systèmes de retraites
La privatisation et la mise en concurrence peuvent-elles s’appliquer dans le domaine des retraites ?
Le « miracle » de la capitalisation
Si les salariés récupéraient les 400 euros qui vont chaque mois à l’URSSAF pour leur retraite, et les affectaient à un contrat d’assurance vieillesse ordinaire, ils pourraient prendre leur retraite après 40 ans avec une pension largement supérieure à leur dernier salaire. Aujourd’hui en moyenne le retraité perçoit moins de 60 % de son dernier salaire, et le pourcentage pourrait diminuer bientôt. La différence entre les deux résultats s’explique facilement. Le système public obligatoire est fondé sur la répartition : les cotisations des actifs permettent de payer les pensions des retraités. Au contraire un système par capitalisation consiste à investir l’argent des cotisations et le rapport de ce placement est cumulatif : le « miracle » n’est jamais que le jeu des « intérêts composés » qui fait que placée à 4 % une somme de 100 euros devient 200 au bout de 14 ans. Alors, pourquoi ne pas rendre son argent au salarié pour qu’il profite de l’aubaine de la capitalisation ?
Liquider les droits acquis en répartition
C’est qu’en sortant du système les assurés priveraient de ressources les Caisses de Retraites, de ce fait incapables de servir l’intégralité des pensions. Or les pensionnés ont acquis des droits puisqu’ils ont cotisé durant toute leur vie active. On ne peut les voler de leur dû. Il faut donc organiser une transition qui permette de bénéficier de la capitalisation sans pour autant faire exploser la répartition. Plusieurs formules peuvent être envisagées :
1° Traiter différemment les personnes concernées en fonction de leur âge. Pour les retraités actuels et ceux qui sont à moins de dix ans de la retraite, ils restent dans le système par répartition, et leur droit à percevoir une pension au moins aussi élevée que celle que leur promet la Sécurité Sociale actuelle est préservé. À l’autre bout, la génération des plus jeunes a tout à gagner à changer. Elle peut obtenir avec 250 euros par mois capitalisés l’équivalent de ce qu’elle pourrait (sans aucune certitude !) attendre de la répartition. Gagnante implicite de 150 euros cette génération peut consacrer cette somme à alimenter le système de répartition jusqu’à son extinction. Enfin, la génération intermédiaire se voit offrir un choix : soit profiter des quinze ans d’activité restants pour miser 200 euros sur l’assurance capitalisée et continuer à cotiser en répartition pour les 200 autres, soit rester totalement en répartition, avec les risques que cela représente.
2° Accroître d’un faible pourcentage (estimé à 1,5 %) les cotisations de tout le monde pour permettre aux assurés de se voir ouvrir un compte d’épargne retraite personnel. Cela représente environ un effort de 6 euros par mois, 72 euros par an, et garantit une pension en capitalisation égale à la pension actuelle en répartition au bout de 40 ans.
Mesures d’accompagnement
Comme la transition s’étale sur une génération au moins, les futurs retraités français doivent pouvoir trouver des ressources pour leurs vieux jours. On doit donc décréter la suppression totale de la fiscalité sur l’épargne. De même le patrimoine ne devrait plus subir d’impôt, parce qu’à l’âge de la retraite les Français peuvent bénéficier de la propriété immobilière qu’ils possèdent, qui leur évite un loyer, ou qui leur rapporte une location.
L’effet croissance
Un facteur n’a jamais été pris en compte dans la prospective des retraites : les masses d’argent accumulées par les compagnies d’assurance vont être investies dans des activités productives, mettant fin à la pénurie d’épargne dont souffrent les entreprises françaises. Cela peut facilement valoir un point de croissance supplémentaire, et soulager le poids de la dette sociale aujourd’hui considérable. L’intérêt des entreprises rencontre celui des épargnants qui non seulement bénéficient d’un meilleur rapport et d’un allègement de leurs primes, mais peuvent aussi moduler leurs cotisations en fonction de leur âge et de leur situation : chacun gère son compte épargne retraite et prépare ses vieux jours à sa façon.
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Article publié originellement sur libres.org, le site de l’aleps, reproduit avec l’aimable autorisation de Jacques Garello, président de l’aleps.
Excellent article. Cependant, y a t-il un article contredisant les affirmations de Mickael Moore dans son film Sicko. À le voir, on a l’impression justement que le système de santé américain est totalement libéraliste, augmentant les frais de santé de façon indigne (genre 80 000 euros pour se faire remettre un index coupé).
Merci bien
Je reviens, à travers cet article, sur les abus, non pas tant de la sécurité sociale en tant que telle, mais sur les abus générés par le monopole imposé de cette dernière.
J’ai vu hier soir un « reportage » sur ARTE (chaine de télé pourtant pas vraiment dissidente…) sur les tenants et aboutissants de l’affaire « MEDIATOR ».
Ce reportage établissait clairement bien sûr la responsabilité des laboratoires SERVIER, mais également la corruption politicienne expliquant l’ « inertie » de l’AFSAPS pour retirer cette amphétamine du marché, amphétamine au demeurant remboursée de façon absolument scandaleuse à 65 % par la sécurité sociale.
Ici, il ne s’agit pas de dire que les compagnies d’assurances privées sont meilleures ou pires que la compagnie de l’Etat, mais simplement d’ouvrir le marché de l’assurance santé à une concurrence, ce qui ne manquerait pas d’améliorer le rapport qualité/prix de cette prestation.