Ce ne sont pas les produits qui paient la TVA mais les consommateurs de ces produits. TVA « sociale » ou pas, la même facture sociale sera toujours payée par le même nombre de Français.
Par Alain Madelin
Avec cette dernière version patronale de la fumeuse « TVA sociale », le Groupe des fédérations industrielles du Medef propose d’abord la « suppression immédiate » des cotisations familiales pour les transférer sur la TVA et la CSG. Puis ensuite le transfert sur la CSG de « tout ou partie » des cotisations sociales d’assurance-maladie salariales et patronales.
Pour justifier sa démarche, le patronat s’appuie sur le constat que les charges sociales patronales sont plus élevées en France que chez nos voisins, notamment l’Allemagne. En fait, l’argument ne vaut pas tripette car ce qui compte pour l’entreprise, ce n’est pas le niveau des charges mais le coût total du travail, charges comprises. Or, dans l’industrie, ce coût du travail est identique entre la France et l’Allemagne. La part importante des charges sociales dans notre coût du travail est le résultat d’un choix collectif en faveur de la dépense publique. Un véritable « allégement » des charges sociales suppose une réduction de la dépense sociale. Sinon, il ne s’agit que d’un transfert.
Avec un tel transfert de cotisations sociales sur la TVA, nous dit le patronat, nous ferions « contribuer les produits importés au financement d’une partie de la protection sociale ». C’est là l’argument choc des défenseurs de la « TVA sociale ». Rien n’est plus faux : ce ne sont pas les produits qui paient la TVA mais les consommateurs de ces produits. TVA « sociale » ou pas, la même facture sociale sera toujours payée par le même nombre de Français.
Mais, ajoute encore le patronat, un tel transfert renchérissant le coût des produits importés et allégeant le coût des exportations (ce qui l’apparente à une dévaluation) dopera notre compétitivité et permettra de lutter contre les délocalisations. Un bref calcul montre que c’est là encore une illusion. Imaginons une hausse de quatre points de TVA pour compenser la suppression des cotisations familiales. En simplifiant à l’extrême, cela représente pour les entreprises privées une diminution de 4 % du coût du travail total (750 milliards d’euros). C’est dire que pour un produit industriel incorporant un coût total de main-d’œuvre de 20 %, ce transfert représente une baisse effective du prix de revient de moins de 1 %. Il faut beaucoup d’imagination pour penser, lorsque l’on est en concurrence avec des pays où le coût du travail est de 3 ou 5 fois moins élevé, qu’une variation aussi faible puisse avoir un impact sur les délocalisations ! Au surplus, une telle manipulation fiscale est dérisoire par rapport aux variations des changes : plus ou moins 8 % pour la parité euro/dollar depuis début septembre.
Faire ainsi de la diminution du coût du travail la clé de la reconquête de notre compétitivité est une erreur. C’est donner le sentiment que, avec la mondialisation, l’avenir est au salarié low cost, épuisable et jetable. Que l’entreprise idéale, c’est des patrons avec des salaires américains et des employés avec des salaires tchèques. Le vrai secret de la compétitivité est ailleurs : dans la qualité, la créativité, la qualification, l’innovation, l’investissement. Sait-on qu’il y a trois fois plus de robots dans les usines allemandes que chez nous (240 pour 10 000 employés, 85 en France) ?
Pourtant, vouloir distinguer dans nos dépenses de protection sociale celles qui relèvent de la solidarité nationale – et donc de l’impôt – de celles qui relèvent de l’assurance et de la prévoyance – et donc de la cotisation – est en soi une bonne idée. Elle peut permettre de clarifier, de refonder et de mieux gérer notre protection sociale. À l’évidence, la politique familiale relève de la solidarité nationale (on ne s’assure pas contre le risque d’avoir des enfants !). En revanche, la maladie, le chômage et la vieillesse sont des assurances qui se doivent d’être financées par des cotisations. Même s’il existe des contraintes et des charges que l’État impose à ces régimes qui justifient un financement partiel par l’impôt. En fait, la CSG finance d’ores et déjà, ou peu s’en faut, et la solidarité familiale et la part de solidarité liée à l’assurance-maladie.
En affirmant que le « caractère universel de l’assurance-maladie » justifierait qu’on fiscalise avec la CSG les cotisations qui lui sont destinées, le patronat remet en cause le modèle social contributif de notre assurance-maladie. Le patronat devrait réfléchir avant d’en encourager ainsi l’étatisation. Au rendez-vous de la présidentielle et dans un pays où les fins de mois sont de plus en plus difficiles pour un nombre grandissant de Français, on était en droit d’attendre plus de réflexion et de sérieux de la part de responsables patronaux.
Même si certaines voix s’élèvent au sein du patronat pour proposer des ristournes, une partie de ce transfert massif sous forme d’augmentation de salaires (dans des proportions proches de la recette du pâté de cheval et d’alouette), tous ces projets ont un dénominateur commun : réduire le pourvoir d’achat des Français.
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Sur le web
Une version de cet article a été publiée dans Le Monde.
Monsieur Madelin
Créez votre entreprise et des emplois et on en reparlera de la tva sociale.
Il y aura toujours des taxes énormes dans notre pays, c’est comme ça. Et si elles diminuent, ce sera pourcent par pourcent, tout doucement, il faut commencer à bien intégrer ce point pour changer les choses en France.
Le travail doit être ce qu’il y a de moins taxé. Pourquoi devrait on payer des impôts et des charges sur le travail quand on se lève tous les matins pour aller bosser alors que le voisin reste tranquillement chez lui.
Le travail ne devrait pas être taxé du tout, c’est une question de morale, après que l’état récupère l’argent sur la consommation, les héritages, les péages…
Si « l’Etat récupère l’argent sur la consommation, les héritages, les péages… » cela ne change pas le problème. Cela revient indirectement, en bout de course, à pénaliser le travail.
@frederic:tout a fait d’accord,et,franchement ça me fait marrer de voir madelin donner des leçons et se proclamer libéral.madelin,prends exemple sur novelli,tu ne lui arrives pas a la cheville.
pour la baisse des taxes,je crois qu’elle sera plus rapide parce que la faillite de notre etat va tout changer très vite.au grand dam de madelin et de sa clique…..
Monsieur Madelin,
Jusqu’à ce jour j’ai toujours été d’accord avec l’essentiel de vos idées , mais là, vraiment , je pense que vous étes à coté de la plaque. Même s’ il est clair que les dépenses sociales doivent etre diminuées, un transfert relatif des charges sur les salaires vers une TVA « sociale » aurait au moins le mérite de rééquilibrer le « made in France » avec les produits d’importation, le côut pour le consommateur étant le même .
De toute manière, comme le dit Lio (et l’article d’une certaine manière) : peut importe l’objet de la taxe, c’est toujours la richesse qui est taxée et donc, le travail. Que ce travail soit vif (salaire), immobilisé (épargne et héritage) ou différé (TVA).
On aura beau retourner le problème dans tous les sens : si l’état est en déconfiture ce n’est parce qu’il ne taxe pas les bons revenus / patrimoines, mais parce qu’il dépense trop. Une entreprise qui se met à vendre à perte tout en se finançant par l’emprunt finira tôt ou tard pas boire le bouillon… peut importe à qui elle emprunte ou à qui elle vend ses produits.
L’agitation et les « bricolages » du MEDEF sont une fois de plus complétement inutiles et à coté de la plaque. C’est amusant d’ailleurs de voir que le MEDEF n’a pas beaucoup plus de hauteur de vue que le gouvernement, mais face aux autres « partenaires sociaux », c’est vrai que le MEDEF est presque brilliant…
La position de Madelin est difficilement compréhensible.
Le transfert des charges sociales vers la TVA permet une augmentation immédiate des salaires jusqu’au brut, venant compenser à l’euro près la charge nouvelle de la TVA, tandis que, dans le même temps, les charges patronales pourraient être significativement réduites par l’élargissement de l’assiette de la taxe. Pour les français productifs, la TVA sociale est absolument neutre en terme de pouvoir d’achat.
En vérité, il s’agit moins de taxer les importations que de faire participer tous les français à la sécu de façon équitable et non plus seulement les seuls qui font actuellement tous les efforts. La TVA sociale est la méthode temporaire la plus juste pour financer la fin de vie de la sécu, en attendant de privatiser la santé et les retraites.
La TVA sociale présente d’autres atouts. Elle permet de corriger une distorsion fiscale artificielle entre les productions locales et les productions importées. Il s’agit avant tout de détaxer les productions locales injustement surchargées d’un poids destructeur. A ce titre, la TVA sociale est l’inverse des barrières douanières protectionnistes. Au contraire, elle sera d’autant plus efficace que le pays sera ouvert sur l’extérieur et que les importations seront plus nombreuses. La TVA sociale permet également de supprimer les URSSAF, ce qui n’est pas le moindre de ses avantages.
Dommage (pour les URSSAF) 😉 Malgré tout, on peut imaginer que les trésoreries publiques pourraient facilement les remplacer, en ne conservant temporairement que l’ACOSS pour la distribution générale aux régimes résiduels.
A propos de votre point 2, le poids des PNI dans notre commerce extérieur, ceux avec qui l’écart de compétitivité paraît abyssal, est relativement faible (cf les billets de Kaplan à ce sujet). Nous sommes principalement concurrencés par nos voisins développés. Par rapport à eux, l’écart de compétitivité n’est pas si grand.
D’accord avec vous pour le reste : la TVA sociale, seule, ne sera pas suffisante. Il est également nécessaire de revenir sur les 35h, la 5e semaine de congés payés, le niveau du smic, une bonne partie du code du travail, l’âge de la retraite, les régimes spéciaux, l’hypertrophie de la fonction publique, etc. Si nous accompagnons la TVA sociale par l’abrogation des réformes pénalisantes menées depuis 81, nous comblerons sans problème notre déficit de compétitivité.
Enfin, je persiste à penser que la TVA sociale corrige une injustice sociale qui n’a rien à voir avec les PNI ou la compétitivité, celle de faire porter sur ceux qui travaillent la totalité de la charge de la sécu.
Moi je suis totalement d’accord avec monsieur Madelin.
La protection sociale relève d’abord et avant tout du mécanisme assurantiel et non de la solidarité nationale. Si l’on transfère le financement de la sécurité sociale, des retraites et du chomage à la TVA, on entérine ce fait. Ca deviendrait bien plus dur par la suite d’ouvrir notre protection sociale à la concurrence, bien plus difficile à détricoter.
La seule solution c’est d’instaurer le salaire complet (salaire brut+charges patronales), d’ouvrir la SECU à la concurrence et commencer la transition vers l’épargne-retraite, chacun après fait ce qu’il veut avec son argent.
Le transfert vers la TVA sociale,loin de remettre en cause notre protection sociale désastreuse, au contraire la fige en place et confirme son étatisation.
Et puis surtout, la TVA sociale sera payée par le consommateur in fine, cela revient au même que l’Etat le prélève directement sur son salaire, c’est toujours le contribuable qui paie.
bubulle : « La TVA sociale présente d’autres atouts. Elle permet de corriger une distorsion fiscale artificielle entre les productions locales et les productions importées. »
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On peut sortir autant d’atouts du chapeau qu’on veut, quand on ne cite que des avantages, sans citer les inconvénients et les conséquences inattendues, c’est une faute de raisonnement.
Au jeu de la distorsion fiscale, on n’est pas en reste sur nos exportations subventionnées en masse, comme les produits agricoles (cf PAC), nos armes, nos avions, notre nucléaire…
Ce que vous cautionnez là, c’est donc de corriger une distorsion causée par l’interventionnisme d’Etat (on taxe puis on redistribue) par encore plus de distorsion. On ne rend pas une chose juste en rajoutant une nouvelle injustice. La TVA sociale, quel que soit le parfum de la vaseline enduite pour nous l’enfiler, c’est une taxe magnétoscope remasterisée (qui a dit qu’on innove pas en France ?, en matière fiscale, on laisse les autres sur place). Regardez un peu ce que celle-ci avait amenée, l’Histoire, c’est pas fait pour les chiens.
Frederic « Oui mais on le sait tous que l’état dépense trop, c’est une lapalissade, et alors, il y a combien de français pour une diminution de l’état. 5% à tout casser!
donc quitte à devoir payer des impôts, cotisations, taxes autant qu’elles épargnent le travail, il y aura plus d’emploi privé. »
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Ce qu’on oublie dire, ce que non seulement l’Etat nous plombe par ses dépenses excessives et la dette, mais aussi par ses réglementations et autres usines à gaz administratives toujours plus nombreuses et qui sont d’autant de freins à la création de richesse.
Derrière chaque nouvelles réglementations, il y a des gens qui sont dissuadés de créer. On fait des gains hypothétiques supposées apportées par ces réglementations (aux conséquences qui échappent totalement à la compétence des politicards et le plus souvent basées sur des évaluations coûts/bénéfices totalement foireuses, l’exemple type étant les lois environnementales) et on fait des pertes réelles d’emploi.
Cette TVA sociale rentre tout à fait dans ce schéma : une usine à gaz, encore une. Si encore, c’était du gaz de schiste, ça aurait créé de la vraie richesse, même pas !
@ Tremendo et miniTAX. Je partage vos souhaits et inquiétudes. La TVA pourrait en effet être détournée pour consolider le système communiste français. Par ailleurs, la TVA n’a pas que des avantages mais, quand même, corrige le pire des défauts du système actuel : taxer certains pour donner à tous, alors que c’est évidemment l’inverse qu’il faut faire.
Ne croyez pas au grand soir de la chute de la sécu : cela ne peut se produire ainsi. Pour la santé, c’est en déremboursant progressivement dès le premier euro les biens et les services qu’on videra la sécu de sa substance marxiste. Pour les retraites, il faudra bien finir de verser les pensions du système par répartition, même en commençant dès aujourd’hui la capitalisation au premier euro.
La transition public/privé devra s’étaler sur plusieurs années, au mieux quelques années pour la santé, mais entre 20 et 40 ans pour les retraites par répartition. D’ici là, il faudra bien financer cette sécu résiduelle et la TVA est la meilleure source de financement.