J’ai hésité plusieurs minutes à écrire quelques lignes sur le Cas SeaFrance tant il est caricatural : il est en effet difficile de ne pas voir, dans l’ensemble de l’affaire, les ravages du syndicalisme à la française et de l’interventionnisme étatique débridé. Cette histoire est tellement grotesque que si l’on en faisait un film, personne n’y croirait.
Tout a commencé lorsque le Tunnel sous la Manche a fini par ouvrir, et que le trafic passager s’est rapidement établi entre le Bisounoursland et la perfide Albion. Et comme il était prévu, le trafic passager des ferries qui convoyaient les voitures et les individus d’un bord à l’autre du canal s’est rapidement érodé.
Côté anglais, les compagnies se sont adaptées tant bien que mal, en réduisant la voilure. P&O avait ainsi fermé plusieurs de ses lignes pour éviter de périr purement et simplement face à la concurrence de l’avion, devenu de moins en moins cher avec les compagnies low-cost, et celle du Tunnel.
Côté français, la société SeaFrance étant douillettement engoncée dans le giron de la SNCF, le pire ne pouvait pas arriver. L’espace-temps local, confortablement plié comme en présence de n’importe quel trou noir super-massif, permettait de rejeter le principe de réalité loin de l’horizon visible, là où les appels radios des gens de bon sens se perdent dans le bruit de fond cosmique.
Nous avons donc un personnel toujours aussi nombreux, mais un trafic passager de moins en moins vigoureux. Comme, d’une part, l’oisiveté est mère de tous les vices, et d’autre part, l’absence presque totale de contrôle a été quasi institutionnalisée par la société, rapidement, de juteux bidouillages en marge de la légalité se mettent en place.
J’en vois certains (peut-être pas les plus habitués de Contrepoints) s’écrier « Oh, mais que lit-on ici ? », s’étonnant que je puisse douter de la probité de certains personnels de la Compagnie Nationale Du Service Public Des Petits Bateaux Qui Vont Sur L’Eau.
Pourtant, si je m’en tiens au rapport que la Cour des Comptes a réalisé au sujet de SeaFrance en 2008 (et dont on épluche les meilleures feuilles dans cet article de Atlantico), les années 2004-2008 (au moins) ont été une véritable période de cocagne pour certains des salariés qui, disons-le tout franchement, s’en sont mis plein les fouilles et ont barboté dans l’illégalité et les magouilles dans la plus parfaite opacité avec sinon la complicité de la direction de la compagnie et de la SNCF, au moins son extrême mollesse à réagir. On pourra en juger avec l’affolante liste de problèmes relevés par la Cour des Comptes et épluchée par Atlantico :
- une cooptation étrange et très syndicalisée du personnel,
- un absentéisme record,
- des promotions étonnantes,
- des grèves coûteuses,
- des personnels payés à ne rien faire,
- des CDD pléthoriques,
- une direction aboulique,
- des coûts de gestion inadéquats…
Bref, toutes les options ont été cochées dans le film catastrophe qui est en préparation.
Au passage, on notera une presse qui ne revient sur ce rapport de 2009 qu’après que la situation générale de la société soit officiellement déclarée irrécupérable.
Et lorsque la catastrophe arrive, tout le monde (des journalistes et des politiques) joue donc les étonnés, sur le mode maintenant habituel du « Il Faut Sauver Le Soldat SeaFrance » dont je vous épargne l’affiche (elle est franchement gore, avec des bateaux échoués, tripes à l’air, sur des plages de galets).
La suite, on la connaît à peu près : les syndicats et les politiciens ont enchaîné réunions sur réunions dans un tourbillon d’inutilité coûteuse, mesurée en petits-fours/seconde, et n’ont abouti qu’à accélérer l’inévitable en passant pour des cons (ce qui est le seul bénéfice retiré de ces opérations dispendieuses). Bilan : c’est la déroute totale, et la liquidation est prononcée.
Au passage, on aura admiré la magnifique contre-performance présidentielle. Alors que la CFDT SeaFrance est en complet désaccord avec la CFDT nationale qui a bien senti que toute cette affaire refoule du goulot à des kilomètres, Sarkozy se sera empressé, sous l’impulsion intelligente de l’un de ses habiles conseillers, d’adouber de son approbation la proposition de SCOP des syndicalistes locaux. Las, on apprendra (trop tard pour Sarkozy) que les salariés ne sont pas du tout d’accord pour verser leur écot à cette entreprise dont tout laisse à penser qu’elle se serait terminée de la même façon que la société actuelle, tout en ayant siphonné au passage les primes de licenciement des salariés naïfs (eh oui : le communisme, à 880 et dans une entreprise de transport, ça ne marche pas plus qu’ailleurs).
Liquidation se sera donc : pour fêter l’incompétence des syndicats, des politiciens et des managers-fonctionnaires de cette société, et puisqu’en France, tout se termine toujours par des mouvements syndicaux violents, 300 salariés ont décidé de bloquer l’A1 en représailles.
Quand je vous dis que c’est complètement caricatural ! On dirait … on dirait… Mais oui, on dirait une reproduction à l’échelle 1/1000 de la France dans tout ce qu’elle compte de branlemusards décontractés !
Mais si, regardez bien ! Tout y est !
On a des salariés qui essaient de s’en sortir mais dont on a méthodiquement saboté toutes les tentatives, en les acoquinant de force avec des encartés mafieux d’un syndicalisme à la dérive, bien plus intéressés par leur propre intérêt que par la défense de la société qui les faisait vivre.
On a des politiciens incompétents qui se réveillent trop tard avec une solution merdique et contre-productive, dont le principe de fonctionnement consiste au mieux à continuer l’endettement et la fuite en avant, ou au pire à laisser tout le bazar partir en sucette en agitant les bras en l’air en guise d’action déterminante.
On a une direction complètement absente qui attend passivement que les choses se décantent gentiment, paralysée dans ses catastrophiques déficits financiers, intellectuels et gonadiques, le tout relayé par une presse approximative et minimaliste.
Et la comparaison ne s’arrête pas là puisque, comme les bateaux de SeaFrance, le pays est actuellement à l’arrêt ou presque, sera démonté et revendu au prix de la ferraille, et, pour le reste, ira pourrir au fond des abîmes.
Vous voyez : tout pareil !
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Sur le web
Le plus affreux dans tout ça… c’est le formatage du peuple chez qui toute notion de compétitivité d’entreprise a été totalement effacée et diabolisée : hou, c’est mal de gagner de l’argent !
Bande de branleurs…
@alainlib : Un socialo m’a bien traité de nazi parce que j’ai osé lui dire que j’étais libéral… alors….
En général je trouve absolument fascinant de voir comment la France peut partir en sucette. Et comment les Français et leurs représentants peuvent se tirer balle dans le pieds après balle dans le pieds.
Vraiment fascinant.
J’attends ma prochaine feuille d’imposition avec impatience. (sic!)
C’est clair ; mais pas plus tard qu’hier midi, j’ai répliqué à une socialo-communiste qui maintenait la notion envers et contre tout qu’il fallait à tout prix maintenir le monopole de la sécu qu’elle était un dictateur, alors que je ne faisais que réclamer l’ouverture du marché à la concurrence.
SeafRance, c’est un remake d’Air Inter mais avec quelques épisodes en moins, bref, c’est tout aussi un navet mais en moins imbuvable car plus court sur pattes.
Pour ceux qui ne connaissent pas Maman J’ai Raté l’Avion version franchouillarde, je résume la fin du film puisque de toute façon, il n’y a plus de suspens : Air Inter, pliée par la concurrence est reprise par les salariés, avec moultes subventions et un extatique ministre des transports communistes (Gayssot pour ne pas le nommer). En aussi peu de temps qu’il faut pour l’écrire, l’entreprise est pillée soigneusement et de manière citoyenne et festive par les salariés, dont un certain Corbet, sous l’oeil attendri de l’Etat puis on prononce la liquidation judiciaire et c’est le moutontribuable qui régale. Bref, un scénario économique qui cache autant de surprises et de rebondissements qu’un coucou suisse, tant on en a eu déjà avant.
La seule consolation ici, c’est que les salariés de SeaFrance ont retenu certaines leçons de l’histoire et ont eu la présence d’esprit de ne pas terminer la production de « Maman, j’ai Raté le Bateau ». Par contre, l’Etat, les bureaucrates et les crypto-syndicalistes eux n’ont jamais douté de rien, comme dab.
il faudrait que la cour des comptes sorte de ses incantations,et ouvre une action en justice si des malversations sont avérées
Il faudrait, pour ce faire, que la Cours des Comptes ait un pouvoir d’action… Elle ne fait que transmettre un rapport constatant les infractions et les manquements.
Les politiques ne sont pas totalement fous (en grande partie, je vous l’accorde)