2011. Les changements annoncés par Raúl Castro depuis sa prise de fonction présidentielle en 2008 arrivent au compte gouttes.
Par Yoani Sánchez, depuis La Havane, Cuba
En octobre, Laura Pollan nous a quittés, dans un hôpital obscur, un jour de crachin, de cette année 2011 que nous avions commencée ligotés. Au cours des premiers mois on avait fini de libérer les prisonniers du Printemps Noir et les gros titres nationaux et internationaux en attribuaient le mérite principal à l’Église Catholique et au Ministre des Affaires Étrangères espagnol, minimisant l’importance de la lutte des Dames en Blanc, de la pression de la rue, de la grève de la faim de Guillermo Farinas et du soulèvement d’indignation causé par la mort d’Orlando Zapata Tamayo. Avril, le mois le plus cruel, nous servit un Congrès du Parti communiste uniquement ciblé sur des sujets économiques, préférant le mot « ajustement » à celui de « réforme » et consolidant le pouvoir de l’héritier par le sang du trône cubain.
Le mois d’août, avec la canicule et la pénurie ne fut pas très différent. « Où sont les changements ? » se demandait tout le monde. Il fallut attendre octobre pour qu’ils commencent à arriver au compte gouttes. Nous avons déjà pu acheter une voiture d’occasion, mais pas question d’adhérer à un parti ou de nous exprimer librement. Puis est arrivée la plus osée des mesures de Raoul : il est devenu possible d’acheter ou de vendre un appartement même s’il fallait cumuler le salaire de 45 ans pour acquérir le plus modeste. Quelque chose était en train de bouger dans une société momifiée depuis des décennies, mais si lentement que c’en était désespérant. Mi décembre nous avons appris que plus de 66 mille cubains avaient obtenu la nationalité de leurs ancêtres émigrés des Asturies, des Canaries, de Galice… Les gens continuaient à s’échapper. On percevait le désespoir dans les rues tout comme dans les longues files d’attente dans les consulats.
Les surfaces de terrains mises en usufruit augmentaient mais le prix de la nourriture augmentait aussi de façon presque proportionnelle. La presse parlait d’avances, mais la réalité montrait la stagnation. Les restaurants privés envahirent chaque quartier avec leurs cartes aux plats épicés et l’angoisse de savoir si on les laisserait survivre un peu plus. Le chœur muet de l’Assemblée Nationale a confirmé que pour 2012 le pays avait besoin de plus d’argent pour importer la nourriture que notre sol pourrait bien produire. Et la réforme migratoire a été escamotée une fois de plus, une énième fois.
Dans la nuit de la Saint Sylvestre, il y avait peu de signes de fête ou de musique, au moins à la Havane. Mais j’ai senti un soulagement que cette année s’achève. Qu’on en finisse une bonne fois avec cette année 2011 marquée par une propagande excessive et des reculades silencieuses.
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Sur le web
Traduction : Jean-Claude Marouby
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