Par Pierre Rigoulot.
Première question : la représentation que donne depuis trois jours la Corée du Nord, devant un gouvernement sud-coréen accablé, vaut-elle la peine qu’on y assiste ?
Non et non. Depuis des décennies, on assiste aux mêmes pantalonnades : le Nord accepte le dialogue avec le Sud, signe éventuellement un traité de coopération et promet d’œuvrer à la détente.
Les autorités du Sud s’en réjouissent, multiplient les propositions de coopération économique, fournissent de l’aide, voire rencontrent les dirigeants jusqu’à ce qu’un prétexte ramène à une période plus tendue, conduise à couper les ponts… avant de recommencer quelques temps après.
En 1983, un attentat organisé par le Nord fauchait une bonne partie des ministres du Sud. Deux ans après, nouveaux sourires : le Nord acceptait que se rencontrent des familles séparées depuis la guerre.
Mais fin 1987, des agents du Nord « oubliaient » une bombe dans un avion de ligne du Sud. Pourtant en 1990, les Premiers ministres des deux Corées se rendaient réciproquement visite dans les capitales du Nord et du Sud. Le temps de rêver d’un nouveau rapprochement, bientôt remis en cause.
En septembre 2017, explosion de la bombe H nord-coréenne. Quatre mois plus tard, le n°1 lançait une période de détente, applaudie par le Sud mais piétinée depuis quelques jours. Faut-il vraiment poursuivre le rappel de cette succession lassante de périodes de tension et de moments de détente ?
Deuxième question : les spectateurs sud-coréens de cette pièce archiconnue ont-ils raison de se sentir floués et de juger leur bonne volonté de 2018 et 2019 bien mal récompensée ?
Non et non, encore. En faisant sauter le 16 juin le lieu où se tenaient les réunions avec le Sud, en annonçant le redéploiement de ses forces vers la Zone démilitarisée qui sépare les deux Corées, en publiant, comme par hasard en anglais, l’annonce de Kim Yo Jong, la petite sœur qui monte, que le Nord allait faire « quelque chose » pour apaiser la soi-disant « colère populaire », ce n’est pas au Sud que les Nord-Coréens s’adressent, fâchés de l’envoi par ballon de quelques tracts au Nord, mais au seul personnage qui n’a encore rien dit dans cette crise : Donald Trump.
C’est lui que vise le n°1 nord-coréen. Déjà mis à mal par les manifestations « antiracistes », Trump, le candidat à sa réélection, pourrait bien pâtir maintenant du retournement nord-coréen, lui qui pouvait se vanter d’être un faiseur de paix et d’avoir obtenu, au contraire de ses prédécesseurs, une relation apaisée avec la Corée du Nord.
Parions que les tensions vont redoubler… à moins d’un geste du président américain comme la diminution des sanctions économiques !
Tel est le véritable enjeu de cette crise. Et si le président américain ne plie pas devant le roitelet nord-coréen, ce dernier risque fort d’aggraver la situation en lançant un missile balistique intercontinental voire en faisant exploser une nouvelle bombe nucléaire. Trump y perdra alors un des arguments majeurs en faveur de sa réélection
Voilà qui dépasse de loin en importance, pour la marche du monde, la question de l’ascension de la sœur de Kim Jong-un et des motifs du numéro de good cop bad cop monté avec son frère, jusqu’ici plus sage sinon plus réservé qu’elle… en apparence.
Ca sent mauvais. Pour l’instant, ce sont des gesticulations. Mais le jour où une lubie prendra le dessus, que va-t-il se passer?
je ne suis pas sur que l’électeur américain soit attentif aux actions de Kim : il n’est même pas sûr qu’il sache où est la Corée du nord.