Les Reaganomics déboulonnées

Le bilan de Ronald Reagan est-il vraiment si libéral qu’on le pense généralement ?

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Les Reaganomics déboulonnées

Publié le 3 février 2012
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Le bilan de Ronald Reagan est-il vraiment si libéral qu’on le pense généralement ? L’observation détaillée des résultats de ses politiques remet en cause des évidences.

Un article du Minarchiste, depuis le Québec.

Les politiques mises en place sous la présidence de Ronald Reagan ont fait beaucoup jaser.

D’une part, elles ont été encensées par la droite alors que d’autre part elles ont été fustigées par la gauche. Dans les deux cas, on parle de Reagan comme ayant favorisé le libre-marché, diminué les impôts et réduit la taille du gouvernement. On dit même qu’il aurait été inspiré des écrits de Frédéric Bastiat.

Dans un article paru il y a plusieurs années, Murray Rothbard a férocement déboulonné ces croyances.

Reagan avait promis des coupures massives dans les dépenses de l’État et une diminution des impôts sur le revenu. Il promettait alors un budget en équilibre dès 1984, alors que son prédécesseur Jimmy Carter avait fait augmenter le déficit à 74 milliards de dollars. Il promettait aussi de considérer un retour à l’étalon-or, abandonné par Nixon en 1971. Finalement, il promettait d’abaisser les barrières protectionnistes et de favoriser le commerce international libre.

 

Selon Rothbard, aucun de ces objectifs n’a été atteint

Tout d’abord, Reagan s’est vite débarrassé de l’étalon-or en formant une commission afin d’étudier la question, laquelle fut composée de personnes biens connues pour leur opposition à l’étalon-or. Le résultat fut évidemment une recommandation contre le retour à l’étalon-or, ce que désirait véritablement Reagan.

Concernant les dépenses, la dernière année de la présidence de Carter, soit 1980, fut marquée par des dépenses gouvernementales de 591 milliards de dollars. En 1986, la dernière année de l’administration Reagan, les dépenses atteignaient 990 milliards de dollars, une hausse de 68 %. En pourcentage du PNB, les dépenses de l’État sont passées de 21,6 % à 24,3 %. Pour ce qui est du déficit, il atteignait 200 milliards de dollars en 1984, l’année où Reagan avait promis d’atteindre l’équilibre budgétaire.

Au niveau des baisses d’impôts de 1981, il est vrai que les taux d’imposition des fourchettes de revenus les plus élevées furent diminués, mais le taux d’imposition moyen a plutôt augmenté. La raison est que la plupart des individus sont passés dans des fourchettes plus élevées en raison de l’inflation élevée qui sévissait à l’époque. Puis, les taxes reliées à la Sécurité Sociale furent augmentées.

Ainsi, les revenus de taxation du gouvernement fédéral ont augmenté de 517 milliards de dollars en 1980 à 769 milliards de dollars en 1986, soit 49 % d’augmentation. En pourcentage du PNB, la taxation n’a pratiquement pas changé, autour de 18,5 %. Certains s’empresseront de pointer vers l’effet Laffer, qui fait augmenter les revenus de taxation lorsque les impôts diminuent pour diverses raisons. Il est fort possible qu’il y en ait eu un peu, vu les baisses d’impôts pour les plus riches, mais il n’en demeure pas moins qu’il est faux de prétendre que Reagan a drastiquement réduit les impôts.

En ce qui a trait aux dérèglementations promises, les plus importantes d’entre elles, soit l’enlèvement des contrôles de prix sur l’essence, la libéralisation du camionnage, des chemins de fer et de l’aviation, furent toutes entamées par Carter, et non par Reagan. En revanche, Reagan n’a pas dérèglementé le gaz naturel et a même augmenté l’interventionnisme dans l’agriculture à travers des subventions, des quotas et des contrôles de prix.

Reagan a généralement augmenté les tarifs douaniers, les quotas d’importation et a fustigé le Japon concernant le fait que ce pays produisait des biens de qualité, appréciés par les américains et à des prix dérisoires.

Aux dires mêmes du Secrétaire au Trésor James Baker :

« President Reagan has granted more import relief to U.S. industry than any of his predecessors in more than half a century. »

Finalement, en politique étrangère, Reagan a soutenu le gouvernement despote de la Pologne (entre autres) avec de gigantesques prêts de sauvetage pour que ce pays puisse rembourser ses créanciers bancaires américains.

 

Conclusion

En somme, Ronald Reagan a fait de nombreux discours vantant les mérites du libre-marché et de la réduction de la taille du gouvernement. Cependant, les faits montrent que les actions n’ont pas suivi les paroles, ce n’était que de l’habile rhétorique.

Donc si vous êtes libertarien, cessez de faire l’apologie de Ronald Reagan (par exemple). Il n’a pas vraiment baissé les impôts, il n’a pas dérèglementé, il n’a pas diminué les dépenses, il n’a pas éliminé le déficit fiscal et il n’a pas « enlevé le gouvernement de notre dos ».

Pour ce qui est des keynésiens et des gauchistes, cessez de vous acharner à dépeindre Reagan comme l’apôtre libertarien du libre-marché capitaliste et à tous les problèmes que ses politiques peuvent avoir causé (voir Paul Krugman ici, ici et ici). Il n’en est rien. Vous pouvez lui apposer l’étiquette de néo-libéral si ça vous chante, mais assurez-vous de bien comprendre ce que ce terme signifie car il ne désigne pas le véritable capitalisme de libre-marché. Le néo-libéralisme n’est en fait que du socialisme de droite.

Je termine par cette fameuse citation du principal intéressé, qui devrait maintenant vous apparaître comme plutôt vide de sens :

« In this present crisis, government is not the solution to our problem; government is the problem. » -Ronald Reagan, 1981

Pour un article plus détaillé sur la question, voir ceci.

Sur le web

L’ensemble des articles de Contrepoints sur Reagan pour un éclairage complémentaire

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