Krugman et le mythe de l’austérité britannique

À ignorer les leçons d’il y a 80 ans, Paul Krugman défend des politiques moins efficaces que celles de l’époque, menant aujourd’hui à une reprise plus lente

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Krugman et le mythe de l’austérité britannique

Publié le 9 mars 2012
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À ignorer les leçons d’il y a 80 ans, Paul Krugman défend des politiques moins efficaces que celles de l’époque, menant aujourd’hui à une reprise plus lente. Plutôt que de confirmer l’hypothèse keynésienne, la comparaison des politiques britanniques à travers les âges est cohérente avec l’idée que de véritables réductions des dépenses mènent à des reprises économiques plus robustes que les soi-disant politiques d’ « austérité » actuelles.

Par Sean Rosenthal, depuis les États-Unis.

Dans une tribune libre intitulée « La débâcle de l’austérité » et publiée récemment dans le New York Times, l’éditorialiste Paul Krugman remarque l’échec des politiques visant à la reprise économique menées en Grande-Bretagne. Il soutient que la décision du gouvernement britannique de « tailler dans les dépenses » a mené à une reprise économique au sens de la croissance du PIB plus lente que durant la Grande Dépression. Pourtant, comme nous allons le voir, le gouvernement britannique actuel n’a pas fait de réductions budgétaires significatives et continue d’accumuler d’énormes déficits alors que le gouvernement  britannique de l’époque de la Grande Dépression avait pris des mesures d’ « austérité » bien plus profondes que le gouvernement actuel. En réalité, même dans l’hypothèse où comparer des évènements historiques sans rapport aurait une signification quelconque, les faits historiques sur la Grande-Bretagne montrent que les coupes budgétaires provoquent des reprises économiques bien plus importantes que la voie du déficit.

Pour Krugman, les mesures d’austérité sont la source d’importantes difficultés économiques en Grande-Bretagne. Ainsi, il explique :

Un indicateur important – les variations du PIB réel depuis le début de la récession – montre que la Grande-Bretagne s’en sort moins bien cette fois-ci que pendant la Grande Dépression. Après quatre ans de Dépression, la Grande-Bretagne avait retrouvé ses sommets précédents ; cela fait quatre ans que la Grande Récession a débuté et la Grande-Bretagne est loin d’avoir retrouvé son niveau d’avant… Oui, il y a des réserves et des complications. Mais cela représente quand-même le stupéfiant échec d’une politique. C’est l’échec, en particulier, de la doctrine de l’austérité qui a dominé les discussions de l’élite politique en Europe et, dans une plus large mesure, des États-Unis ces deux dernières années.

En se basant sur une combinaison de difficultés économiques en Grande-Bretagne et l’affirmation comme quoi  l’austérité aurait causé ou exacerbé ces difficultés, Krugman pense avoir la confirmation empirique de sa thèse selon laquelle pendant les récessions, l’augmentation des déficits permet de relancer l’économie et que réduire les dépenses publiques amplifie les ralentissements économiques.

Il est intéressant de constater que Krugman évite de fournir la moindre donnée sur la véritable action du gouvernement britannique. Notamment, quand il affirme qu’ils ont simplement « taillé dans les dépenses », il oublie de dire que la Grande-Bretagne, ignorant les conseils des défenseurs du marché libre, a opéré des hausses fiscales significatives, comme l’augmentation du taux marginal d’impôt sur le revenu à 50 %, la taxe sur les revenus du capital à 28% et la taxe sur la valeur ajoutée à 20 %. Le plus gênant pour sa démonstration, comme on peut le voir sur les tables 25 et 27 de ce document de l’OCDE, est que les dépenses publiques britanniques n’ont en aucun cas été réduites et présentent même une nette augmentation, comparées à leurs niveaux d’avant la récession.

Même si, en pourcentage du PIB, les dépenses publiques ont légèrement baissé, passant de 51,1% en 2009 à 49,8% en 2011, ce niveau représente toujours une hausse massive depuis celui de 2007 à 43,9% du PIB. De même pour le déficit, même s’il est passé de 11% en 2009 à 9,4% en 2011, il s’agit quand même  d’une poussée immense par rapport aux 2,8 % de 2007, et, si on fait exception de ces années de récession, c’est le plus important déficit qu’ait connu la Grande-Bretagne depuis la Seconde Guerre Mondiale. Pourtant, certains keynésiens voient dans ces coupes minimes dans les dépenses publiques une justification de leurs théories selon lesquelles réduire les déficits affecte l’économie. Par souci d’honnêteté, ils devraient expliquer clairement qu’ils estiment qu’un État qui représente la moitié de toutes les dépenses de l’économie et qui présente un déficit record depuis la Seconde Guerre Mondiale à plus de 9% du PIB est « austère », pour que ceux qui n’ont pas étudié les données puissent se faire leur propre opinion sur la validité de ce qu’ils avancent.

Si les critiques de la réduction des dépenses peuvent légitimement interpréter les statistiques britanniques pour confirmer leurs théories, ils n’ont aucune chance de le faire avec la comparaison avec la Grande Dépression faite par Krugman. Comme nous l’avons vu plus haut, Krugman croit que les mesures d’austérité britanniques ont rendu la reprise plus lente que lors de la Grande Dépression. C’est ne pas considérer la réalité de la politique fiscale de la Grande-Bretagne à cette époque. Après avoir abandonné l’étalon or en 1931, le gouvernement britannique a rééquilibré ses comptes et réduit ses dépenses d’un point de PNB chaque année jusqu’en 1935, passant de 28,8% en 1931 à 24,4% en 1935. Bien que pas idéale – certaines réductions de dépenses comprenaient des hausses d’impôts – cette politique  a permis d’obtenir des budgets bénéficiaires chaque année de 1929 à 1936 (à l’exception d’un déficit de 0,2% en 1932, sans importance), ce qui a mené, comme l’a fait remarquer Krugman lui-même, à une reprise plus rapide que la politique britannique actuelle et ses plus de 9% de PIB de déficit.

Si on confronte les véritables coupes budgétaires de 1931 aux «  coupes » de 2010 qui se sont avérées être en fait une augmentation dans l’absolu des dépenses publiques, il est clair que la comparaison historique va plus dans le sens des défenseurs de la réduction des dépenses que dans celui des défenseurs du déficit keynésien. C’est vraiment une étrangeté que des économistes trouvent raisonnable d’utiliser le mot « austérité » pour décrire à la fois les budgets équilibrés et les réductions de dépenses du Royaume-Uni des années 30 et les déficits abyssaux et l’absence de véritable baisse des dépenses de 2010. Il est également malheureux qu’en faisant cette comparaison, ils omettent de mentionner que c’est l’économie qui avait les budgets publics équilibrés qui s’est rétablie le mieux.

Lorsqu’il évoque la stagnation britannique, Krugman se plaint que les politiques économiques n’ont pas su tirer les leçons de la Grande Dépression. En particulier, il déclare,

Surpasser les performances des années 1930 ne devrait pas être une tâche difficile. N’avons-nous pas appris beaucoup sur la gestion économique durant les 80 dernières années ?… Je suis désolé de le dire, mais beaucoup d’économistes ont décidé, principalement pour des raisons politiques, d’oublier ce qu’ils savaient. Et des millions de travailleurs paient le prix de leur amnésie délibérée.

Effectivement, c’est vraiment malheureux que de nombreux économistes aient préconisé de mauvaises politiques, et que la Grande-Bretagne et les autres gouvernements aient continué à augmenter les impôts et à produire des déficits budgétaires immenses malgré l’expérience qui montrait que réduire les dépenses avait mieux marché. Il est aussi vraiment malheureux que certains économistes, en évoquant ces faits historiques, aient eu une « amnésie délibérée ». Par exemple, Krugman affirme avoir lu The Great Depression de Lionel Robbins (1934), mais il a visiblement oublié (ou ignoré) la partie où Robbins écrit que la Grande Bretagne a ramené son budget à l’équilibre en 1931 – avant la reprise économique.

À ignorer les leçons d’il y a 80 ans, le chroniqueur du New York Times défend des politiques moins efficaces que celles de l’époque, menant aujourd’hui à une reprise plus lente. Malgré le fait que les comparaisons historiques offrent au mieux des confirmations non définitives, Krugman choisit de défendre sa position avec cette comparaison précise entre la Grande Bretagne de la Grande Dépression et celle d’aujourd’hui alors qu’elle va en fait à l’encontre de son interprétation. Plutôt que de confirmer l’hypothèse keynésienne, la comparaison des politiques britanniques à travers les âges est cohérente avec l’idée que de véritables réductions des dépenses mènent à des reprises économiques plus robustes que les soi-disant politiques d’ « austérité » actuelles.

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Article titré « Krugman and British Austerity », publié le 07.03.2012 sur le site du Mises Institute.
Traduction : Geoffrey B. pour Contrepoints.

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