Les intellectuels et la société

Selon Thomas Sowell, les idées ont des conséquences, bonnes ou mauvaises.

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Les intellectuels et la société

Publié le 24 mars 2012
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Les intellectuels sont des gens dont les produits finis sont des idées immatérielles et ils sont généralement jugés selon que ces idées semblent bonnes à d’autres intellectuels ou trouvent un écho auprès du public. Que leurs idées s’avèrent ‘fonctionner’ – qu’elles rendent la vie des autres meilleure ou pire – est une toute autre question.

Par Thomas Sowell (*)
Article publié en collaboration avec l’Institut Coppet.

Il n’y a probablement jamais eu une époque de l’histoire où les intellectuels ont joué un rôle plus important dans la société. Quand les intellectuels qui génèrent des idées sont entourés de nombreux autres qui diffusent largement ces idées – que ce soit comme journalistes, enseignants, assistants aux législateurs ou commis aux juges – l’influence des intellectuels sur la façon dont une société évolue peut être énorme. La tentative pendant des années de comprendre la nature de cette influence m’a finalement conduit à écrire mon livre Intellectuals and Society (Les Intellectuels et la Société).

Les intellectuels génèrent des idées et de la matière en rapport, que ces idées soient bonnes ou mauvaises, et elles ont une importance bien au-delà de leur petit cercle. Les idées affectent le sort de nations et de civilisations entières. Ceci n’a jamais été aussi vrai que de nos jours, alors que certaines personnes mènent des attaques suicidaires pour tuer des étrangers qui ne leur ont rien fait, comme lors du 11/09, et qu’elles sont conduites par les émotions générées par ces idées et cette vision.

Que ce soit en guerre ou en paix, en économie ou en religion, quelque chose d’aussi immatériel que les idées peut dominer les choses les plus concrètes de nos vies. Ce que Karl Marx appelait « la flambée des idées » a mis le feu à des nations entières et consumé des générations entières.

Ceux dont la carrière est construite sur la création et la diffusion d’idées – les intellectuels – ont joué un rôle dans de nombreuses sociétés hors de toute proportion en regard de leur nombre. Que ce rôle ait, dans l’ensemble, donné à ceux autour d’eux une situation meilleure ou pire est une des questions clés de notre époque.

La réponse rapide est que les intellectuels ont fait les deux. Mais certainement au cours du XXe siècle, il est difficile d’échapper à la conclusion que les intellectuels ont, au bout du compte, fait du monde un endroit pire et plus dangereux. Rarement a-t-on vu un dictateur génocidaire du XXe siècle sans des partisans, des admirateurs, ou apologistes parmi les grands intellectuels – non seulement dans son propre pays, mais chez les démocraties étrangères, où les intellectuels étaient libres de dire ce qu’ils voulaient.

Étant donné les énormes progrès faits au cours du XXe siècle, il peut sembler difficile de croire que les intellectuels firent si peu le bien au point de voir ce bien détruit par leurs erreurs. Mais la plupart de ceux qui ont promu les avancées scientifiques, économiques et progrès sociaux du XXe siècle n’étaient pas vraiment des intellectuels au sens où ce terme est plus souvent utilisé.

Les frères Wright, qui accomplirent le rêve centenaire d’êtres des humains volant, n’étaient en aucune façon des intellectuels. Ni ne l’étaient ceux qui ont vaincu le fléau de la poliomyélite et autres maladies, ou qui créèrent les merveilles électroniques que nous tenons aujourd’hui pour acquises.

Tous ces gens façonnèrent un produit ou un service tangible et ils furent jugés selon que ces produits ou services fonctionnaient. Mais les intellectuels sont des gens dont les produits finis sont des idées immatérielles et ils sont généralement jugés selon que ces idées semblent bonnes à d’autres intellectuels ou trouvent un écho auprès du public. Que leurs idées s’avèrent ‘fonctionner’ – qu’elles rendent la vie des autres meilleure ou pire – est une toute autre question.

Les idées que Karl Marx créa au XIXe siècle dominèrent le cours des événements sur une large fraction du monde au XXe siècle. Des générations entières souffrirent et des millions furent tués, comme conséquence de ces idées. Ce n’était pas l’intention de Marx, ni les celles de nombreux partisans des idées marxistes autour du monde. Mais c’est ce qui s’est passé.

Quelques-uns des plus éminents intellectuels du monde occidental des années 1930 firent l’éloge de l’Union Soviétique, alors que des millions de personnes y étaient littéralement affamées à mort et un grand nombre d’autres étaient expédiées aux camps de travaux forcés.

Beaucoup de ces mêmes intellectuels reconnus des années 1930 poussaient leurs propres pays à désarmer alors que Hitler armait rapidement l’Allemagne pour des guerres de conquête qui devaient, entre autres choses, finir par jeter beaucoup de ces intellectuels dans les camps de concentration – prévus pour l’extermination – s’il avait réussi.

Les années 1930 furent loin d’être uniques. À travers un trop grand nombre d’autres époques – y compris la nôtre – des intellectuels indiscutablement brillants préconisèrent d’autres notions tout aussi puériles et dangereuses. Comment et pourquoi de tels mécanismes peuvent exister chez les intellectuels est une question difficile, dont la réponse peut déterminer le destin de millions d’entre nous.

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Sur le web
Traduction Stéphane Geyres pour l’Institut Coppet.

(*) Thomas Sowell est l’un des économistes les plus importants et respectés en Amérique actuellement. Enseignant, essayiste, il est également chroniqueur dans de nombreux journaux.

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