Dans une récente tribune du journal Le Monde, le sociologue Laurent Mucchielli a farouchement critiqué la décision du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche de créer une nouvelle discipline universitaire autonome : la criminologie. Il est dommage que Mucchielli n’accepte pas le débat scientifique et en appelle plutôt à la mise à l’index, à l’Inquisition.
Par Lucien Oulahbib.
« Au bûcher ! » à lire l’ire de Laurent Mucchielli et consorts dans une « tribune » du journal Le Monde parue le 22 mars 2012 [1], c’est bien en effet cette sentence finale qui suinte de leur brûlot jeté dans le bruit et la fureur à l’encontre de la création de cette nouvelle section universitaire consacrée à la criminologie, enfin reconnue majeure, et surtout vaccinée de ses erreurs de jeunesse. Cette section a mis trois ans à surgir avec plusieurs réunions ouvertes à tous les courants le tout scandé par deux rapports d’étape (disponibles en ligne [2]) contrairement à ce qui a été jeté en pâture à l’opinion.
Sauf que c’est cette ouverture épistémologique qui fait problème pour Laurent Mucchielli et Cie défendeurs d’un seul modèle, celui aujourd’hui dominant du foucaldo-bourdieusisme qui, non seulement fait du criminel une victime de la société (et la victime réelle une plaignante), mais, en plus, fait en sorte de minimiser l’acte criminel par un flot de statistiques instrumentalisées stipulant qu’il faut circuler il n’y a rien à voir puisqu’il n’y aurait toujours rien de neuf. On reconnaît ici la patte de Mucchielli qui ne dit jamais rien sur les crimes et toujours tout sur leur peu de nouveauté historique et la prépondérance de toute façon mécanique de facteurs socio-économiques. Or, cette approche ne semble guère suffisante pour expliquer par exemple le récent meurtre d’Alexandre par ses quatre jeunes camarades [3], ne parlons pas du tueur de Toulouse.
Il suffit ainsi de lire dans leur brûlot comment Mucchielli et Cie se gaussent de ce qui peut être dit de l’assassin de Toulouse pour comprendre qu’ils partagent parfaitement cette thèse (défendue également il est vrai par le Herald International Tribune du vendredi 30 mars [4]) stipulant qu’il n’y aurait au fond qu’une à deux causes qui expliqueraient ce crime : chômage et exclusion (stigmatisation pardon) ; à croire que, au vu de la situation présente, la France devrait bientôt faire face à nombre de crimes de ce genre puisque chômage et exclusion sont à l’heure actuelle monnaie courante (ce qui est aussi l’argumentaire de Marine Le Pen…).
Autrement dit, et là est sans doute la spécificité de la criminologie qui échappe à Laurent Mucchielli et ses amis, celle-ci se demanderait plutôt, semble-t-il, comment se fait-il que le tueur de Toulouse ait pu avoir la force d’apparaître ainsi, comment se fait-il que cela soit lui et pas un autre, et enfin quels ont été les éléments qui, pour lui, ont pu justifier un tel acte somme toute assez inédit en France ? Vastes questions qui ne peuvent évidemment pas être résolues d’un coup de cuillère à pot, même s’il est toujours possible d’avancer des hypothèses sur les plateaux TV, à vérifier bien sûr. En tout cas l’idée que les macro facteurs que seraient le social et l’économique produiraient, mécaniquement, ce tueur-là est une idée fausse qui a bien plus à voir en fait avec de l’idéologie.
Mucchielli et ses amis sont en réalité des néo-lamarckiens qui mettent toujours en avant, qu’il vente ou qu’il pleuve, le facteur d’un Milieu tout puissant. Ce qui est, certes, un élément, mais qu’il s’agit de pondérer puisque l’être humain se distingue d’une réaction chimique ou d’un instinct animalier en ce que son action n’y est pas ou peu réductible. L’action humaine – comme le montre les derniers résultats en sociologie de l’action, en psychologie de la motivation et en psychologie différentielle – n’est en effet ni un réflexe ni un instinct, mais un composé complexe animé par un effort d’être celui-ci, le tout non réductible au fait seulement d’exister, telle une pierre (disait Kant).
Il est dommage que Mucchielli et consorts n’acceptent pas le débat scientifique et en appellent plutôt à la mise à l’Index, à l’Inquisition.
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Notes :
- http://www.lemonde.fr/idees/
article/2012/03/28/la- ↩criminologie-entre-succes- mediatique-et-rejet- universitaire_1676828_3232. html - http://criminologie.univ-pau.
fr/debat_criminologie_ ↩universite.htm - http://www.lepoint.fr/societe/meurtre-d-alexandre-une-histoire-sordide-30-03-2012-1446915_23.php ↩
- Toulouse Killer’s Path a Bitter Puzzle, http://www.nytimes.com/2012/
03/30/world/europe/personal- . ↩angst-powered-killers-arsenal- in-france.html
peut-être… mais cette création n’apparaît elle pas surtout comme un fait du Prince, avec Alain Bauer et cie à la manoeuvre?
Ainsi fonctionne l’université française ; c’est un dysfonctionnement fondamental, la soumission réciproque de l’état et de l’université… ce n’est pas nouveau et ça ne disparaitra pas de sitôt ; à moins que l’autonomie accrue des universités n’améliorent les choses ? on verra.
Vous avez tout faux.
L’état français n’a jamais eu confiance dans ses universités. Quand il a un problème à résoudre il pond un comité, et crée un institut d’étude.
La majorité des « élites » françaises ne sont pas formé à l’université, mais dans des « écoles ».
C’est là la spécificité de la France.
Une belle connerie.
A lire : Criminologie : le retour de l’Inquisition – Concernant la décision de créer une nouvelle discipline univers… http://t.co/M6M2Nr7M
RT @Contrepoints: Criminologie : le retour de l’Inquisition: http://t.co/CH0o9TRN
néo-lamarckiens ? créationnistes, plutôt.
D’après eux Il n’y a rien d’inné parce qu’il n’y a rien de biologique. Mais il n’y a rien d’acquis non plus ! Ils pensent qu’on ne choisit pas, on est choisi. Ce qu’on fait ou qu’on ne fait pas n’a aucune importance : l’assassin de Toulouse est et reste de toute éternité une « victime » parce qu’il a été créé ainsi, et toutes les horreurs qu’il a faite ne comptent pas ; inversement les milliers d’engagés volontaires qui sortent pourtant des même banlieues ne comptent pas non plus ; seule compte leur « classe ». Et le tueur est un héros parce qu’on peut en faire un héraut de la douleur et de la colère de la « classe », alors que les engagés ne sont que des traitres insignifiants parce qu’ils mettent leur mouchoir dessus leurs handicaps sociaux et avancent sans se plaindre. Ainsi raisonnent Mucchielli et consorts.
Bravo.
Laurent Mucchielli médaille de bronze du CNRS en 2006.
« Criminologie : le retour de l’Inquisition » http://t.co/uKyV0RUL via @Contrepoints
Mucchielli a surtout peur qu’une génération de criminologues nourris au lait non frelaté des Cusson, Brodeur et autres brillants criminologues québecois, n’apparaisse.
Et puis il ne faut pas piétiner le pré carré des chercheurs fonctionnarisés du CNRS, véritable think tank socialiste financé par l’argent public.
« et la prépondérance de toute façon mécanique de facteurs socio-économiques. »
Nombre de « scientifiques » usent et abusent de cette facilité : c’est la faute à la pauvreté et à l’exclusion.
Hors cela ne tient pas, mais pas du tout car:
1) la catégorie socio-professionnelle la plus pauvre et le plus exclue ce sont les agriculteurs. Hors les agriculteurs ne deviennent pas des terroristes sanguinaires.
2) Les « jeunes » de banlieues ont un indice de pauvreté nul. En fait avec les aides en tous genres, ces gens ont une vie égale à la moyenne nationale.
Donc ils n’ont aucune raison de commettre des crimes.
La théorie « gauchiste » actuelle a pour but de faire disparaitre la cause réelle de ces dérives meurtrières et d’éviter la responsabilité personnelle de l’auteur, en faisant apparaitre une « responsabilité commune » (c’est la société qui est fautive)…
Le criminel devient une victime de la société, la victime devient le tortionnaire car bien intégrée dans la société.
C’est écœurant !!!