Les idées de Smith connurent un succès beaucoup plus grand que lui-même l’avait imaginé. Septante ans après la publication de La richesse des nations, la Grande-Bretagne supprimait les lois protégeant l’agriculture et ouvrait ainsi la voie au libre-échange, qui constituerait une des bases de sa prospérité dans la seconde moitié du 19e siècle.
Par Francisco Cabrillo, de Madrid, Espagne
Il y a peu de doute sur le fait qu’Adam Smith est l’économiste qui a eu la plus grande influence dans l’histoire de la pensée économique. Et un des domaines où son œuvre a laissé une empreinte profonde est celui du commerce international. Contrairement à la tradition mercantiliste qui considérait que le commerce entre pays était un jeu à somme nulle, où ce que gagnait l’un représentait nécessairement une perte pour l’autre, Smith pensait qu’il n’existe pas de grande différence entre ce type de commerce et les transactions habituelles dans lesquelles si le vendeur et l’acheteur réalisent une transaction, la raison en est que tous deux espèrent en tirer bénéfice. Si n’importe lequel d’entre nous essaie de vendre nos produit ou offrir nos services là où ils sont les plus reconnus et les mieux rémunérés, et si nous achetons ce dont nous avons besoin là où on nous offre les meilleures qualités et les meilleurs prix, il n’y a aucune raison pour que cette règle se brise pour le simple fait que les entreprises qui vendent de bons produits à bas prix soient situés dans un autre pays. La protection douanière, par conséquent, loin de faire grandir la richesse d’un pays, rend plus difficile la route vers la prospérité.
Adam Smith est né à Kirkcaldy (Écosse) en 1723. Il étudia à Glasgow et à Oxford, où il eut une pénible impression de cette fameuse université anglaise qui ne se trouvait certainement pas dans un de ses meilleurs moments. Smith écrivit que Oxford avaient abandonné jusqu’à la prétention d’enseigner ; et ce fut un des motifs pour lequel il s’opposera à ce que les professeurs universitaires perçoivent un salaire fixe, se déclarant, en revanche, partisan d’une rémunération qui serait déterminée en fonction du nombre d’élèves qu’ils arriveraient à réunir, ce qui les obligerait à consacrer beaucoup plus d’attention à leurs étudiants (il ne semble pas nécessaire de préciser que faire passer des examens et accorder des titres n’entraient pas dans les fonctions de ces professeurs).
Après avoir exercé comme professeur à Glasgow pendant quelques années, il fut engagé pour accompagner le jeune duc de Buccleugh dans son tour à travers le continent européen, voyage qu’à l’époque faisaient régulièrement les jeunes Anglais de la haute classe et pouvaient durer plusieurs années. De retour en Grande-Bretagne en 1766, il se consacra à ce qui serait son grand œuvre, La richesse des nations, le livre d’économie le plus important jamais écrit. Après sa publication en 1776, Smith devint rapidement un homme très connu ; et deux années à peine passèrent quand il fut nommé commissaire des douanes écossaises. Le poste semblait, il est vrai, un peu paradoxal pour quelqu’un qui avait consacré une bonne partie de sa vie à critiquer les interdictions à l’importation et les tarifs douaniers, ce qui est précisément ce que l’on est supposé faire dans les douanes. Mais même ainsi, il semble qu’il occupa sa charge avec zèle et efficacité jusqu’à son décès, qui eut lieu en 1790.
Pourquoi Smith accepta-t-il ce poste ? Il est évident que ce ne fut pas pour des motifs économiques. Smith avait obtenu longtemps avant une pension à vie du duc de Buccleugh ; et il était, en plus, un homme avec peu de besoins. Il ne se maria jamais, il mena une vie simple et consacra une partie non négligeable de ses revenus à des œuvres de bienfaisance. Il est plus raisonnable de penser que, bien que critique des douanes, notre personnage croyait fermement que celles-ci existeraient toujours ; et que les gérer de manière efficace serait une contribution au progrès économique de son pays. Il avait si peu de foi dans le triomphe du libre commerce international dans son propre pays qu’il déclarera même qu’il le considérait comme une chose aussi éloigné de la réalité britannique que l’établissement d’une Océana ou d’une Utopie, en référence aux célèbres utopies de Harrington et More.
Ses idées connurent, cependant, un succès beaucoup plus grand que lui-même l’avait imaginé. Septante ans après la publication de La richesse des nations, la Grande-Bretagne supprimait les lois protégeant l’agriculture et ouvrait ainsi la voie au libre-échange, qui constituerait une des bases de sa prospérité dans la seconde moitié du 19e siècle. Et les Anglais ne cesseront jamais d’être conscients de la dette qu’ils avaient contractée avec ce curieux commissaire des douanes écossaises.
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Article paru dans Libertad digital. Traduit de l’espagnol.
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Les anglais ont toujours pu s’approvisionner en denrées alimentaires à bon compte dans leurs colonies dont la plus proche était l’Irlande, victime de famines car la priorité était l’exportation des céréales vers la métropole. Leur principe, s’approvisionner à bon compte à l’extérieur, ils ont voulu l’imposer à l’UE. Les quotas à droits nuls ou quasi-nuls, ont été leur apport … Mais le vent tourne et en 2008, ils se sont interrogés sur la validité de cette politique pour assurer leur sécurité alimentaire de face aux défis qui attendent l’agriculture. Cela a donné un « U turn » en la matière : en 2010, le gouvernement a déclaré au sujet du document de stratégie « It also recognises the fragility of the current UK food system, which depends heavily on imports, last-minute ordering, and long distribution chains, which are vulnerable to sudden shocks from global price spikes, disruption to fuel supplies, and the impact of climate change on critical infrastructure, such as ports. » http://archive.defra.gov.uk/foodfarm/food/pdf/food-assess100105.pdf