L’État américain est en train de fabriquer des virus à utiliser contre des réseaux informatiques dans d’autres pays comme moyen de perturber les communications, de contrecarrer le développement et espionner.
Par Jeffrey Tucker, depuis les États-Unis.
De nombreuses personnes ces jours-ci expriment des regrets à propos de l’âge digital qui est désormais le nôtre. Je trouve leurs plaintes ineptes :
- Elles disent que nous perdons l’art du contact humain, mais la plupart d’entre nous n’avons jamais été autant en contact avec de réels humains.
- Elles disent que nous perdons de vue les objectifs les plus nobles, alors que l’âge digital a apporté plus d’art, de poésie, de peinturine et de foi à plus de gens que n’importe quelle technologie dans l’histoire.
- Elles disent que la qualité de la littérature décline, mais l’opposé me semble vrai, tandis que plus de classiques sont distribués qu’on n’aurait jamais pu imaginer.
Mais il y a un aspect de l’âge digital qui est sérieusement hors piste. L’État utilise des ordinateurs pour créer une nouvelle forme de guerre qui trouve sa plus proche analogie dans la Guerre Froide et sa menace de l’holocauste nucléaire.
Une série de reportages qui apparaissent dans le Washington Post  et le New York Times ont documenté comme fait ce que de nombreuses personnes apparemment paranoïdes suspectent depuis longtemps. À savoir, l’État est en train de fabriquer des virus à utiliser contre des réseaux informatiques dans d’autres pays comme moyen de perturber les communications, de contrecarrer le développement et espionner.
Par exemple, les États-Unis et Israël ont travaillé ensemble pour créer « Stuxnet », un ver fait pour perturber les usines d’enrichissement de l’Iran. Des parties du ver ont connu une fuite plus large et ont posé une menace pour d’autres réseaux que ceux qui étaient visés. La chose a été créée sous l’administration Bush, mais comme prévu, l’administration Obama a continué le programme.
Dans un âge digital, c’est vraiment jouer avec le feu (un des virus créé par l’État est en effet appelé Flame). Comme l’a dit le New York Times, « il semble que ce soit la 1ère fois que les États-Unis aient utilisé à répétition des cyber-armes pour paralyser l’infrastructure d’un autre pays, achevant, avec du code informatique, ce qui jusqu’à présent ne pouvait être accompli qu’en bombardant un pays ou en envoyant des agents pour planter des explosifs. »
Et là aussi comme prévu, la chose n’a pas marché. Les experts ont rapporté que l’Iran a vite découvert le ver et l’a détruit.
Les récits de sa création et de son déploiement peuvent facilement se lire comme l’histoire légendaire du projet Manhattan, avec toute l’attention sur le ciblage létal de l’ennemi mais avec peu de pensée pour les éventuelles implications d’utiliser l’argent du contribuable pour créer des armes de destruction massive. Non seulement le programme n’était pas nécessaire, mais il a aussi déchaîné un demi siècle d’enfer sous la forme d’une course aux armes et d’une destruction mutuellement assurée.
Les commentateurs jusqu’à présent se sont inquiété, avec de bonnes raisons, sur ce à quoi ce genre de chose invite pour les autres pirates, programmeurs et États voyous. Il suffit d’un geek avec un projet pour créer d’incroyables dommages. Et je suspecte qu’il y a de nombreux geeks comme ça autour du monde qui pourraient se montrer plus malins que même les meilleurs programmeurs qu’Israël et les États-Unis pourraient jamais rassembler. On ne peut gagner à ce jeu. Même le Washington Post a pointé que nous vivons dans une maison de glace et que nous devons faire attention quand nous lançons des pierres.
Mais il y a un argument plus large – qui n’a pas à voir avec le nationalisme, mais avec le bien-être général de la communauté du monde. Créer des virus est mauvais. C’est une forme de terrorisme, une forme de violence contre le monde moderne. Dans la communauté pirate, les gens qui font ça sont l’écume du monde et les ennemis du progrès. Ils sont à juste titre évités comme les autres criminels dans le monde physique.
Simplement par moralité et décence, aucun État civilisé ne devrait être impliqué dans la création de malware, vers ou virus de toute sorte. L’excuse ne compte pas. Comme la technologie nucléaire, une fois que quelque chose comme ça est créé, on ne peut la remettre dans la boite. On revient sur les jours passés du Projet Manhattan et on se demande bien ce qu’ils pouvaient penser. Les générations futures se demanderont aussi la même chose à propos de notre État.
Les révélations qui émergent sur comment notre propre État est devenu un cyberterroriste n’ont pas donné lieu à beaucoup de commentaire, et encore moins d’alarme. Les histoires sont facilement oubliées. Je suspecte que c’est parce que les gens ne comprennent pas ou n’apprécient pas la signification morale et pratique. La réalité que l’économie mondiale est complètement dépendante de réseaux informatiques n’a toujours pas pénétré l’esprit populaire.
Je le sais avec certitude, étant donné le nombre d’e-mails que je vois de gens qui tiennent à ne pas utiliser leur carte de crédit en ligne. Comment pensent-ils que les cartes de crédit sont traitées ces jours-ci ? Comment pensent-ils que n’importe quoi se passe dans l’économie mondiale aujourd’hui ? Dans les 10 dernières années, le pourcentage d’informations télécommuniquées transportées par Internet est passé de 50 à 99%. Un tiers de la population mondiale dépend de réseaux informatiques aujourd’hui, et les 2 tiers restants sont dans une sorte de dépendance des avantages des réactions en chaîne.
Généralement, l’implication de l’État dans l’importe quel aspect de l’informatique moderne est une mauvaise idée. Une des premiers essais post-web d’améliorer l’expérience informatique est arrivée quand le Congrès a légiféré contre le spam en 2003. Alors que des filtres anti-spam privés servaient à la plupart des gens et que les virus étaient contrôlés par des solutions gratuites et payantes, le Congrès est venu rendre ces choses illégales, comme si ça allait stopper quiconque.
Dans l’année, Gmail était offert gratuitement, et le système d’email avait des filtres anti-spam incroyables que les autres ont vite copiés. Ce fut le secteur privé qui résolut le problème, pas l’État. L’État essayait juste de prendre le crédit, mais son approche à main de fer a en réalité fini par rendre la vie plus dure pour les services commerciaux cherchant à passer l’information aux clients qui en avaient besoin.
De manière cohérente avec la façon dont l’État agit de nos jours, quand il est devenu clair qu’une politique publique ne pouvait surpasser le marché pour créer de bonnes choses, il s’est tourné vers la création de choses mauvaises. Il est passé d’essayer de stopper la diffusion de virus à répandre des virus lui-même. C’est une chose horrible à faire avec l’argent du contribuable, qui menace de retirer le stigmate associé avec le cyber-terrorisme.
Sous prétexte d’arrêter la violence, l’État la perpétue par l’exemple, et mène même le chemin en essayant de proclamer que tout est pour le mieux. Quand je lis la dernière phrase, je me rends compte que c’est un assez bon résumé du résultat de toute politique publique de notre temps.
Une bonne sécurité informatique n’a jamais été aussi adéquate. La plus grande menace à laquelle nous faisons face pourrait en fait être de notre propre État.
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Article original. Traduction Edouard H./Contrepoints
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tres sincèrement j’ai du mal à voir pourquoi dans le cadre de ces fonctions régaliennes l’Etat devrait s’interdir la création de malware.
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Et Bull, et Amesys ? ce ne sont pas des sociétés privées ?
Pouvez-vous nous montrer où il est écrit qu’il n’y a pas de danger du côté du privé ?