Finkielkraut met en doute la thèse de Michéa

Pour Jean-Claude Michéa, le libéralisme conduit au vide moral et culturel de nos sociétés. Alain Finkielkraut conteste cette analyse : selon lui, c’est la logique « égalitariste » de la démocratie si bien analysée par Tocqueville qui détruit la décence et les valeurs communes et non l’économie de marché ou la liberté individuelle

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Finkielkraut met en doute la thèse de Michéa

Publié le 12 juin 2012
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Pour Jean-Claude Michéa, le libéralisme conduit au vide moral et culturel de nos sociétés. Alain Finkielkraut conteste cette analyse : selon lui, c’est la logique « égalitariste » de la démocratie, si bien analysée par Tocqueville, qui détruit la décence et les valeurs communes et non l’économie de marché ou la liberté individuelle.

Un article de l’Institut Coppet.

Jean-Claude Michéa était l’invité d’Alain Finkielkraut dans son émission Répliques du 02/06/2012 pour présenter son dernier livre Le complexe d’Orphée (émission que vous pouvez écouter en cliquant sur le lien ci-dessous).

2012.06.02 Jean-Claude Michéa, Le complexe d’Orphée

J.C. Michéa développe l’idée que le libéralisme, dans sa logique propre et non dans ses principes, conduirait à un monde sans limites ni frontières, contraire aux intentions des premiers libéraux. C’est ce qu’il appelle la « logique libérale ». Le libéralisme produirait quelque chose qui finirait par lui échapper : la libération des pulsions et des passions, le nihilisme moral et culturel.

La pensée des premiers libéraux (selon Michéa) est que le gouvernement des hommes n’exigerait aucun modèle de la vie bonne et pourrait être remplacé par l’administration des choses, le marché. Cette intuition originelle aboutirait au monde dans lequel nous vivons, un monde relativiste, où tout se vaut, où aucune valeur n’est au dessus des autres, où il n’y a ni morale ni « common decency » qui puisse poser légitimement des limites. L’économie et le marché tiendraient lieu de morale… Le projet d’une société axiologiquement neutre, dans laquelle le gouvernement des hommes céderait la place à l’administration des choses, serait l’axe fondateur de la logique libérale, une logique qui aboutit au monde actuel.

Partant de là, Michéa plaide pour un conservatisme de gauche, un socialisme non progressiste (Orwell) : transmission de valeurs communes, respect pour le passé et pour la tradition.

Finkielkraut, s’il est d’accord avec le constat d’un vide moral et culturel de nos sociétés, conteste néanmoins la généalogie de Michéa. Et c’est là que l’émission devient fort intéressante. En effet, explique Finkielkraut, il y a une autre logique qui se déploie sous nos yeux : la logique démocratique si bien analysée par Tocqueville et de nos jours par Pierre Manent. La démocratie est en principe un régime politique. Mais sa logique d’égalisation, de passion du semblable, conduit les hommes à refuser toute forme d’inégalité, de discrimination ou de différence. Dès lors, tout se vaut, le maître comme l’élève, le  père comme le fils, le bien comme le mal, le beau comme le laid etc. Il faut prendre acte d’une démocratie généralisée, une démocratie sortie de son ordre propre et appliquée à toutes les sphères de la société.

Or c’est cette logique politique du « tout égal » (la fameuse égalité réelle) qui détruit la décence et les valeurs communes et non l’économie de marché ou la liberté individuelle. Dans cette perspective, il n’y a pas de triomphe du libéralisme mais bien plutôt un effacement du libéralisme originel.

On peut ajouter à la critique fort pertinente de Finkielkraut, que l’erreur de Michéa est de ne pas considérer l’importance du droit naturel. Or il existe chez les libéraux classiques et contemporains (libertariens) une tradition de défense du droit naturel, non pas de manière théologique mais par la Raison. La Raison permet aux hommes de dégager une éthique objective et universelle. Le libéralisme est donc fondamentalement moral en ce qu’il veut respecter l’homme dans sa dignité. Pas une dignité concédée par l’État (sous condition) mais une dignité inhérente à sa nature, inconditionnelle.

Enfin, outre sa vision faussée du marché, Michéa semble ignorer que pour les libéraux la société civile est le lieu par excellence de la transmission des valeurs. Or, l’État centralisateur a été le fossoyeur de la société civile depuis l’anticléricalisme du XIXe siècle, le monopole de la Sécurité Sociale contre les sociétés de secours mutuels, le monopole de l’éducation contre le pluralisme scolaire etc. Cela, Michéa n’en parle évidemment jamais. Il occulte la croissance monstrueuse de l’État et sa logique de destruction de  la société civile

Dans une société libre, l’État serait restreint à l’administration des droits. Par conséquent, il ne disposerait pas d’un système de protection sociale obligatoire, il ne ferait pas de lois anti-trust, ni de plans d’occupation des sols, ni de lois anti-drogue. Mais cela ne signifie pas qu’une société libre n’aurait pas de valeurs communes, ni d’assurance chômage ou de pension de retraite, ou qu’elle ne ferait pas de campagnes publiques visant à réduire l’usage de stupéfiants. Dans une société libre, les gens qui voudraient ces choses décideraient de les réaliser par des contrats individuels et des associations libres. Et personne ne tenterait de faire valoir ses préférences sur les autres par la violence de l’État.

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  • Le communiste dont l’effigie est arboré avec fierté sur son T-Shirt à fait 100 millions de morts.
    Le communiste de Pol-pot n’a pas conduit au vide moral et culturel de de la société Cambodgienne.

  • Finkielkraut veut être reconnu a priori, et c’est un petit peu le problème de la démocratie et du libéralisme qui vont tout de même de pair: ne pas pouvoir capitaliser définitivement sur une position, devoir toujours être utile. Il faut à partir d’un moment accepter de négocier le monde avec les autres.
    Ce qui n’entraîne absolument l’absence de hiérarchie, simplement elle est fluctuante, versatile. Le problème se pose au niveau de la morale qui peu à peu a réussi à se libérer de l’intemporalité du divin. Au début du 20è siècle il était impensable pour une femme d’avoir un enfant sans être mariée, c’était immoral: parce que matériellement c’était quelque chose de très difficile, que la prise en charge du quotidien du foyer était une tâche à temps plein, que la communauté (familiale) allait devoir équilibrer la situation individuelle hors-norme… etc. Si ce n’est plus immoral aujourd’hui c’est que nos moyens de gestion des contingences matérielles et du quotidien ont beaucoup changé, que nous travaillons toujours pour sortir de notre état de nature, par la civilisation. Il n’y a pas perte de morale, mais continuelle construction.
    L’erreur de Michéa et de Finkielkraut c’est de confondre le temps qui passe avec la disparition du passé. Nous ne sommes pas dans une société immuable, et le libéralisme génère forcément un plus grand dynamisme des organisations sociales. La liberté ce n’est pas l’absence d’organisation, au contraire, la société ce n’est pas la corruption. Les animaux ne sont pas libres, car ils sont totalement sous la gouverne des contingences matérielles. Les « droits naturels » se retrouvent-ils dans la nature aussi par exemple ? L’impression que tout se délite vient souvent du fait que les certitudes du passé s’avèrent contredites par la réalité.

    L’argument du relativisme, c’est surtout celui de ceux qui n’arrivent pas à convaincre, et dont on se demande s’ils sont vraiment convaincus eux-même. Un peu comme ceux qui disent que la musique de Mozart est belle parce que tout le monde le sait, ou Alain-Gérard Slama qui, il y a quelque années, avait eu toute la liberté d’expliquer à la France entière (pourquoi ?) lors d’une de ses chroniques matinales, que la musique de Mendelssohn était si belle qu’il ne fallait pas l’écouter. Non, Mozart et Mendelssohn ont fait de la musique, il faut l’écouter, aimer ou ne pas aimer éventuellement, mais surtout ils méritent qu’on s’attarde un peu pour savoir ce qu’ils disent.
    Ainsi Finkielkraut, bien que son éditeur compte toujours sur lui, sera toujours en-dessous de l’épée de Damoclès du ridicule dans le cas où, ce qui arrive parfois mais ce n’est pas si grave, il dirait une bêtise.

    Notons d’ailleurs qu’il a écrit un très bel essai sur la culture, qu’il définissait comme étant la convocation de la Raison. En toute cohérence il ne peut donc revendiquer à avoir sa statue.

  • Pourquoi mettre la charrue avant les boeufs ? Si JC Michéa estime que la société souffre d’un vide culturel et moral, à charge pour lui de le démontrer.
    Dire que la société actuelle est en plein délitement est une marotte vieille comme le monde. Relisez les classiques, pas une page sans qu’un philosophe ne considère son époque comme décadente par rapport à la précédente.
    Je ne nie pas qu’il y’ait des périodes de décadence, mais encore une fois je suis interloqué qu’il soit si convenu par tout le monde ou presque (libéraux comme antilibéraux, droite comme gauche) de l’admettre sans réserve !

    • il est très difficile de signifier ce que veut dire « décadence ».

      Comme le dit très bien Steven, chaque période, des gens dénonce la décadence de la société, la crise économique etc etc etc …

      étant libéral, je vais tenter une explication, ou une définition, partielle et imparfaite, mais qui vaut ce qu’elle vaut, concernant la décadence :

      Nous commençons à être décadents quand nous commençons à moins utiliser la Raison pour construire notre avenir et notre vie, et suivre des illusions (le socialisme) ou des sentiments (la solidarité, ou plutôt le solidarisme).

      Bien cordialement,

      • La « décadence » c’est lorsque les thèmes de nos luttes passées ont disparu. Ainsi il est jugé « décadent » de constater que la question de la propriété des moyens de production n’a plus aucune actualité, sans pour cela que la question ait été réglée pour autant. Un peu comme celle de la présence ou l’absence d’un enfer en-dessous d’une Terre plate, le moment où la représentation sphérique de notre planète est rentrée dans la connaissance commune a été une « décadence » pour ceux qui se sont battus pour la première idée ou la seconde.

        Finkielkraut et Michéa trouvent absolument scandaleux qu’on puisse être ni d’accord ni en désaccord avec leurs lubies.
        Après je dirais que c’est un peu la loi de notre époque que les philosophes soient à la ramasse à ce point, je pense que quelque part ils essayent de justifier leur utilité et ainsi négocier la monétisation de leur travail: la « décadence » c’est une manière de revendiquer une hausse artificielle de revenu quand on est conservateur (le revenu étant basé sur le mérite, le marché ne valorisant pas leur revenu à la hausse, et jugeant eux-même mériter beaucoup, c’est forcément que le marché est malade). Notons au passage que ce sont de vieux conservateurs aigris, les jeunes conservateurs aigris, eux, regardent X-Men (ils sont des super-héros, mais la société ne les a pas reconnus).

    • Steven S : « Relisez les classiques, pas une page sans qu’un philosophe ne considère son époque comme décadente par rapport à la précédente. »
      ——————————————-
      Pas toutes les époques. Je ne pense pas que beaucoup considèrent les Lumières ou les 30 glorieuses comme époques décadentes. A l’inverse, les époques considérées comme décadentes avaient bien fini en eau de boudin.

      Le discours relativiste typique des gauchistes sur la décadence, on le connaît, les profs de l’EdNat nous ont tous bourré le mou avec dès le plus petit âge, notamment avec les bons mots de Socrate*. Sauf qu’ils ont oublié de préciser que la Grèce de Socrate s’était bien effondrée comme une merde.

      *«Les jeunes d’aujourd’hui aiment le luxe, méprisent l’autorité et bavardent au lieu de travailler. Ils ne se lèvent plus lorsqu’un adulte pénètre dans la pièce où ils se trouvent. Ils contredisent leurs parents, plastronnent en société, se hâtent à table d’engloutir les desserts, croisent les jambes et tyrannisent leurs maîtres. Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l’autorité et n’ont aucun respect pour l’âge. À notre époque, les enfants sont des tyrans.»

      • Personne n’a parlé de décadence au moment des Lumières, c’est connu. D’ailleurs ils sont réputés pour n’avoir absolument pas remis en cause l’ordre moral de l’époque, ou, quand par hasard ils le faisaient par mégarde et à la marge, toutes les autorités de l’époque, instantanément converties, se frappaient la poitrine en se demandant bien pourquoi ils n’y avaient pas pensé plutôt. Je crois que c’est exactement ce qui s’est passé par la suite: après les Lumières, le calme plat.
        Quant à la Grèce de Socrate… mais c’est vrai, c’est quoi ? tout le monde l’a oubliée, c’est dire que si ne valait pas tripette. Les vraies civilisations qui durent, comme la nôtre, ne connaissent pas la « décadence », c’est dire si Finkielkraut se trompe… heu, non, il a raison, c’est la décadence et il faut faire comme dans les années 50 (une époque qui n’a été marqué par aucun évènement déplaisant, du genre guerre légitimée par des discours de décadence) et créer les conditions de l’émergence de notre époque actuelle décadente… ah non, non plus. Enfin bref, je sais plus ce qu’on disait, ah oui, la décadence c’est dire qu’il n’y en a pas (le fait des gauchistes, par exemple avec Mélenchon, tout va bien: il parle tout le temps de décadence, nickel), les moments de croissance c’est ceux qu’on appelle être la décadence. Ainsi le siècle des Lumières n’était pas une époque de décadence puisque tout le monde à l’époque disait que c’était la décadence. CQFD.

  • Finkelcrotte le cyclitse, super crédible comme débat. Bizarrement je ne suis pas étonné des opinions politiques de cette pourriture, finalement cyclimse et libéralisme rentrent en connivence, comme c’est étrange.

  • @sauralien :

    remarque parfaitement absurde (rapport entre sionisme et libéralsime ??) et anti-sémite (le sionisme est une hérésie intellectuelle basé sur un faux grossier du 19ème siècle) qui n’apporte rien…

    • Je ne vois pas ce qu’il y a d’anti-sémite. Finkle assume parfaitement son soutien au cyclimse, qui est un tribalisme extrêmement proche du fascisme. Son soutien au libéralisme est parfaitement clair dans ce cas de figure. Il soutient naturellement l’idéologie qui, à travers le laissez-faire, le libre échange, est la plus propice au développement du cyclimse.

  • Michea sort les mêmes banalités de tous les philosophes de gauche, et il croit dur comme fer avoir inventé le fil à couper le beurre.
    De toute façon, tout est la faute au libéralisme mais personne n’est libéral, étrange tout ça.
    Le relativisme et le nihilisme n’ont jamais été aussi bien véhiculés que par les soixante-huitards qui croyaient en la liberté positive, celle des gauchistes, où tout se vaut, où il est interdit d’interdire et de critiquer, sauf si ce que l’on critique est réac, de droite, conservateur ou libéral.

    Or comme ils s’aperçoivent que ce modèle de société est un échec -les socialistes sont revenus vers une pente plus prohibitionniste en certains domaines, même s’il subsiste en d’autres domaines des traces de relativisme- et bien cet échec est imputé aux libéraux comme jadis étaient imputés tous les maux de ce monde -tout et son contraire- aux juifs.
    Cette liberté n’a rien à voir avec la liberté négative, celle des libéraux, qui n’excluent aucun jugement de valeur ni d’avoir d’opinion tranchée sur les chosesm juste que cela ne soit pas le motif à la coercition de l’Etat.

  • Je ne comprends pas bien l’objet de l’article. Je ne vois pas en quoi Finkielkraut « s’opposerait » en quoi que ce soit à Michéa, alors qu’il ne fait que poursuivre son évolution vers un conservatisme nostalgique et passéiste obsédé par la dénonciation de la modernité. La thèse de Finkielkraut depuis quelques ouvrages peut se résumer à « c’était mieux avant » et « tout fout le camp » à cause (au choix, selon les livres) du relativisme, de l’égalitarisme, du progressisme ou des bien-pensants. En clair: un vieux con réac qui radote, parfois avec talent, mais qui radote quand même, un peu comme Revel sur la fin…

    ça n’a rien à voir avec Michéa qui cherche à déterminer les conséquences des contradictions internes au libéralisme. On est d’accord ou pas, on peut bien sûr critiquer car je ne pense pas qu’il ait raison sur tout, mais on n’est pas dans la même catégorie de discours que Finkielkraut. L’idée de les rapprocher est aussi bizarre que comparer des cailloux et des pommes pour conclure que la pomme a plus de goût mais que le caillou est plus dur…

  • Ce thème est celui des ringards.
    Ceux qui ne s’intéressent pas à la mode, et qui considèrent leurs idées comme valides indépendamment de leur popularité du moment ne jugent pas de leur époque de cette manière.

    Finkielkraut a toujours eu peur de disparaître sans aucune apocalypse après lui (les enfants qui n’acceptent pas d’aller se coucher quand il y a des invités le soir connaissent la même problématique) Il est meilleur dans l’abstraction pure, c’est une caractéristique française assez commune.

  • @MiniTax : « Pas toutes les époques. Je ne pense pas que beaucoup considèrent les Lumières ou les 30 glorieuses comme époques décadentes. »

    Les 30 glorieuses, c’est aussi le mouvement hippie aux USA, Mai 68 en France et la Bande à Baader en Allemagne. Il est de notorieté publique que la fin des 30 glorieuses (fin 60’s-début 70’s) s’est soldée par une hausse considérable de la criminalité et de la délinquance et d’un relâchement des moeurs sans précédent connu sous le nom de « De-civilizing process » en sociologie. Si je ne devais citer qu’une époque de l’histoire occidentale des derniers siècles, je citerais précisément les Trente Glorieuses comme l’épitomè de la décadence.

    Quant aux Lumières, entre un pouvoir royal à la dérive, une noblesse dissolue et des intellectuels qui passaient littéralement leurs journées à fumer du tabac et boire du café en refaisant le monde… Plus d’un conservateur de l’époque ont dû hurler à la décadence.

  • Une analyse très sensée mais il y a une erreur manifeste:
    « La Raison permet aux hommes de dégager une éthique objective et universelle.  »

    Ce concept d’éthique (=morale) universelle (pléonasme) est effectivement au fondement du libéralisme mais il n’est pas le produit de la raison. Il est le produit du christianisme. C’est même très explicite dans les propos des premiers libéraux comme Bastiat (qui mentionne Dieu).
    Toutes les civilisations sont fondées sur une religion qui a une sorte de morale vue comme universelle (par définition). Elles ne sont pas identiques : La morale chrétienne n’a rien à voir avec la musulmane.
    Si la raison permettait de trancher, ce serait fait. Les idées libérales auraient emporté au moins l’adhésion des intellectuels, qui ignoreraient les idées socialistes. L’hypothèse est donc fausse.

    Les différentes morales ne sont pas équivalentes. La pensée libérale ne nous est pas parvenue du monde musulman, de Chine ou d’Inde. Leur conversion au libéralisme économique ne doit pas tromper : Il s’agit rattraper les pays occidentaux, pas nécessairement d’adopter le libéralisme.
    Reconnaissons l’arbre à ses fruits.

    « Le libéralisme est donc fondamentalement moral en ce qu’il veut respecter l’homme dans sa dignité. Pas une dignité concédée par l’État (sous condition) mais une dignité inhérente à sa nature, inconditionnelle. »

    C’est à la dignité accordée par Dieu que l’État s’arrête. Il n’en faut pas moins pour arrêter les hommes de pouvoir. Encore faut-il, pour engendrer le libéralisme, définir correctement cette dignité. La charia n’est pas de nature à engendrer le libéralisme !

    Dans la pensée chrétienne l’État détient sur son territoire l’autorité régalienne, appelée aussi autorité temporelle, car elle s’exerce sur un domaine où l’absolu n’existe pas – puisque l’absolu se limite à l’enseignement du Christ. D’où la pente démocratique des pays chrétiens.
    Il ne détient pas l’autorité morale, qui relève de l’absolu et donc de l’autorité de Dieu, éventuellement représenté par une Église structurée.
    Évidemment une telle coexistence de deux autorités est contraire à la nature des hommes de pouvoir, qui est de tout contrôler. Ce partage du pouvoir n’est donc stable que si l’État se dit chrétien, de sorte à en faire la condition de sa propre existence. Quant à l’Église ses propres textes les plus sacrés le lui imposent.

    Voilà comment le christianisme parvient à soustraire l’absolu de la morale du contrôle de l’État, en plus de la définir d’une manière propre à promouvoir liberté et responsabilité, ce qui entraîne le libéralisme selon ce qui est décrit dans cet article.
    Et je ne crois pas qu’il existe d’autre moyen.

    • Je viens d’écouter Michéa. Il y a manifestement malentendu: Il comprend le mot libéralisme dans son acception américaine.
      Il prétend que le libéralisme impose les changements de moeurs tels le mariage gay par l’argument d’autorité du temps nouveau: C’est confondre libéralisme et socialisme.

      Le libéralisme ne défend absolument pas le mariage gay, puisque tout mariage est une « bénédiction » de la nation assortie de « droits à » octroyés par l’État.
      La liberté individuelle consiste certes à vivre en couple avec qui o veut, mais aussi à pouvoir refuser de cautionner et de financer, comme contribuable, ce qui n’a pas lieu de l’être.
      D’un point de vue libéral, encourager un mode de vie par une cérémonie présidée par un représentant de la nation et par des dispositions juridiques et fiscales est exclu.

      Si cela doit exister, ce doit être réservé à des cas extraordinairement bénéfiques. Le mariage en vue de fonder une famille (ce devrait être une évidence…) est évidemment dans ce cas, puisque l’existence même de la société en dépend à 100%…

      • D’un point de vue libéral le mariage n’est qu’un symbole qui ne se traduit par aucune fiscalité discriminante. Chacun a alors le droit de passer un contrat avec qui il veut, que ce soit une femme, un homme ou un groupe. A priori la cérémonie ne concerne pas l’état, encore moins de connaître le nombre de cm de la partie du corps de quelqu’un qui pénètrerait (ou pas) la partie du corps de quelqu’un d’autre.

        Le libéralisme économique entraîne une certaine liberté des mœurs assez mécaniquement, puisqu’il s’affranchit de prendre position. Ça n’a absolument rien à voire avec le socialisme. Aux US le libéralisme est bien compris comme étant une force progressiste, en France les conservateurs (vous dites « socialistes » mais j’imagine qu’il faut le comprendre comme l’idée d’une centralisation des moyens de gestion et d’administration au sein de l’état) se retrouvent sur des clivages du 20è siècle qui n’ont plus cours, de l’UMP au front de gauche.

        La construction de la morale se fait toujours en retard par rapport à nos moyens techniques et organisationnels de gestion des contingences matérielles. Le mariage gay est devenu acceptable (c’est de la faute de personne) parce que très matériellement il ne remet rien en cause au niveau de la gestion des contingences matérielles, ni au niveau individuel ni au niveau collectif.
        C’est la fin de la Fin de l’Histoire (concept conservateur, donc peu libéral), c’est à dire que nous nous rendons compte du dynamisme de ces phénomènes.

        • Le libéralisme est une éthique de la responsabilité, au contraire de la license des moeurs.
          Un couple homosexuel n’est nullement fondé à se réclamer des mêmes incitations qu’un couple hétérosexuel visant à fonder une famille.

          Le plus grand danger qui menace l’idée de liberté n’est pas la volonté d’imposer aux autres un ordre moral avec son catalogue plus ou moins restreint de comportements permis et sa répression plus ou moins féroce (quoique avec l’islamisme et la charia ce danger se rapproche de nous, et sous la forme la plus extrême).
          C’est le désir ardent de ne pas être responsable personnellement de ses propre choix, mais de les faire approuver et même porter par la collectivité, qui nous menace directement.

          Le libéralisme ne devrait pas se traduire par une remise en cause des usages et de la morale. Bastiat s’élevait contre les prétentions à l’ingénierie anthropologique: Pour lui le législateur est au service de l’homme tel que Dieu l’a fait, et non tel qu’il eût voulu qu’Il le fît.

          D’ailleurs le mariage civil français, comme le baptême civil, a la particularité d’être copié sur les sacrements catholiques précisément dans le but de spolier l’Église de son domaine d’autorité pour le rattacher à l’État, ceci afin de permettre l’ingénierie anthropologique.
          La négation du libéralisme, c’est cette vision de l’État manipulant le peuple comme le potier la glaise en s’appropriant l’autorité morale, en imposant l’école publique etc.

          « Que l’État se borne à être juste, nous nous chargerons d’être heureux » disait Benjamin Constant.

          • Comment vous faites pour mesurer la volonté d’un couple hétérosexuel à fonder une famille ? Et en quoi ça n’est pas du ressort de leur responsabilité individuelle d’avoir ou non des enfants ? Enfin si un couple homosexuel a la capacité d’avoir des enfants, pourquoi n’en aurait-il pas le droit ?
            Encore une fois je comprendrais votre point de vue si, en étant « tels que Dieu nous a fait », nous ferions exactement la même expérience de la vie qu’à notre création (si cela peut avoir un sens).

            Si vous préférez… Dieu a voulu que certains hommes aient la volonté d’être homosexuels, Dieu a voulu qu’à partir du 20è siècle l’Homme ait les capacités techniques et sociales de fonder une famille sans lien direct avec la sexualité (des homosexuels peuvent fonder une famille, des hétérosexuels peuvent avoir des relations sexuelles sans enfanter), Dieu a voulu que l’Homme puisse être heureux de cette manière. Il n’y a donc pas de raison que les lois l’en empêche.

            Mais si vous lisez bien mon commentaire, je suis d’accord pour, d’une certaine manière, interdire le mariage dans sa forme actuelle à tout le monde. Les libertés individuelles ne doivent pas être soumises au fait de se marier, d’avoir une sexualité quelconque, de vouloir des enfants, un iPad ou sauver le monde.
            Le mariage civil a été copié sur le mariage religieux à un moment donné, dans un processus historique (le mariage catholique a aussi copié un certain nombre de rites, en a inventé d’autres dans un processus historique aussi). Ce que je dis c’est que nous avons un certain nombre d’opportunités aujourd’hui pour faire avancer les libertés et responsabilités individuelles. La revendication du mariage gay est une imbécilité dans la mesure où le mariage est en soi une institution socialiste, absolument pas parce que ce serait le signe d’une irresponsabilité quelconque.

      • Un état libéral se moque aussi de savoir qui fait des enfants avec qui. Les enfants sont des individus comme les autres, mais ne pouvant négocier la réalité du monde en leur titre propre (ils n’en ont pas les capacités). Le rôle de l’état doit alors être de vérifier que ces enfants ne sont pas abandonnés, qu’ils sont en mesure d’acquérir l’autonomie adulte. Ça s’arrête là.
        Si un jour les homosexuels (comme des célibataires) ont des moyens techniques ou sociaux qui leur permettent d’avoir des enfants, l’état doit se borner à vérifier les conditions matérielles de vie de l’enfant.

        Il n’y a aucune raison à donner des licences à certains sur des usages, que ce soit au niveau économique comme a fortiori au niveau de la vie privée.
        Tout ce qui est associé au mariage (fiscalité, droits, obligations) doit être associé aux droit (et devoirs) individuels.

      • « C’est confondre libéralisme et socialisme. » C’est un trait majeur de l’argumentation de Michéa dans ses autres ouvrages (« Impasse Adam Smith », entre autres), où il explique en gros que selon lui libéralisme et socialisme ont des origines communes et ont en commun la foi en la notion de Progrès qui légitime par nature le changement. C’est cette foi dans un concept de Progrès par essence immuable et non reversible qu’il conteste.
        Il ne considère par la tendance libérale-conservatrice comme authentiquement libérale – ce qui me paraît d’ailleurs être un des principaux points faibles de cet auteur, qui se revendique paradoxalement comme un socialiste conservateur…

        • Essayer de dé-légitimer le changement et l’irréversibilité du temps c’est un peu considérer que la pluie a tort de tomber…
          En ce qui concerne le Progrès c’est sans doute effectivement une idée du passé, mais celle de l’immuabilité aussi. L’immobilisme tue.

          En tous cas si il est bon en effet de se rappeler de cette coexistence du socialisme et du libéralisme, d’une effervescence commune de la pensée, ça ne veut pas forcément dire que tout est du pareil au même justement. Je ne connais pas bien Michéa… il veut quoi ? un retour au début du 19è siècle si il refuse la suite ? C’est quoi un socialisme conservateur, un truc du type maffia ?

  • Disons que démocratie et capitalisme dégagent l’homme d’un socle reposant, pour le projeter vers un choix : celui de la culture et de la morale. Personne pour suggérer que la conception d’un peuple cultivé et éduqué est une illusion, et que les valeurs morales sont en déclin parce que leur mécanisme le plus primitif – et le plus essentiel – la prise de décisions, et soumis à tellement de possibilités, de réflexions que l’Homme s’en trouve déboussolé. C’est une sorte de féminisme, ou plutôt de « femmeletisme » moral qui nous guide. Il n’est pas l’heure de chercher des responsables mais d’oser être moral.

  • Libéralisme: philosophie qui détruit les valeurs morales quand il n’est pas appliqué, ensemble de principes d’économie qui ruinent les peuples qui ne les appliquent pas, et système éthique qui entraîne de graves injustices et crimes chaque fois qu’il n’est pas respecté.

  • Comme d’habitude, on se dit qu’il est vraiment dommage que Finkielkraut ne connaisse pas (et ne cherche pas à connaître) la pensée libérale contemporaine, car sinon ce ne seraient pas seulement quelques objections qu’il opposerait à Michéa ! Voir http://fr.liberpedia.org/Jean-Claude_Mich%C3%A9a

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Livres censurés aux Etats-Unis, écrivains interdits ou emprisonnés en Algérie… Quid de la France, pays où l’on aime donner des leçons ?

Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer à plusieurs reprises les autodafés. Dictatures et pouvoirs d’essence totalitaire en sont coutumiers. Et pas que dans les œuvres de fiction qui ont traité du sujet. La Révolution française et l’un de ses personnages emblématiques, Robespierre, n’était par exemple pas en reste, comme nous avons déjà eu également l’occasion de le rappeler.

Dans les pays libres et dé... Poursuivre la lecture

Cet opus, qui fait partie d’une trilogie, est un point d’entrée à privilégier pour quiconque souhaite acquérir une compréhension solide des mécanismes du libéralisme, dont Serge Schweitzer, grande figure d’Aix-Marseille Université qu’on ne présente plus aux lecteurs de ce site, et dont le nom raisonne encore dans les couloirs de nombreux établissement d’études supérieures (j’en sais quelque chose), se fait à l’évidence le promoteur. Il y offre en effet une synthèse claire et concise à mettre entre les mains de tous, que l’on soit fervent défe... Poursuivre la lecture

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