Poursuite de notre revue de l’idéologie de l’antihumanisme par Robert Zubrin, avec les principaux exemples à travers le monde, et leurs conséquences dramatiques.
Par Robert Zubrin, traduction Étienne Martinache.
La Destruction du Village
À son arrivée en fonction en Janvier 1969, la nouvelle administration Nixon chercha à faire avancer le programme de contrôle des naissances. Répondant aux pressions du Général William H. Draper, Jr., ex sous-secrétaire de la Défense et alarmiste notoire en matière de surpopulation, Nixon autorisa la participation du gouvernement américain au Fonds des Nations Unies pour les Activités Démographiques (UNFPA). Avec ce type d’organisation, un financement américain supplémentaire substantiel serait attribué à l’effort mondial de contrôle des naissances. Ce montage permettait en outre de masquer la provenance des fonds afin de faciliter l’adhésion au programme de ces nations dont les dirigeants voulaient maintenir une façade populiste d’opposition à “l’Impérialisme Yankee”. Si les États-Unis restaient son principal soutien financier, l’UNFPA servait également d’instrument pour attirer des fonds supplémentaires significatifs en provenance des nations européennes, du Canada et du Japon, dont la contribution totale atteignit environ la moitié de l’effort américain.
Le président Nixon alla encore plus loin en 1970. Il créa une commission spéciale de première classe sur la croissance démographique et l’avenir de l’Amérique, et nomma à sa tête le partisan de longue date du contrôle des naissances John D. Rockefeller III. Rockefeller remit un premier rapport en 1972. Comme on pouvait s’y attendre, il tirait un signal d’alarme sur la menace de la croissance démographique aux États-Unis, et préconisait toute une série de mesures de restriction démographique pour contrer la menace présumée de l’augmentation incontrôlée du nombre d’assistés, de criminels ou d’autres individus qui étaient un fardeau pour l’économie. De manière tout aussi prévisible, ce rapport généra des dizaines de gros titres de journaux et d’articles de magazines destinés à aboutir à un consensus sur le contrôle des naissances. Le refus, politiquement motivé, de Nixon d’adopter l’une des recommandations de la commission – le financement par le gouvernement de l’avortement à la demande – ne fit que rendre par contraste le comité Malthusien de Rockefeller d’autant plus « progressiste ».
Mais ce qui intéressait le plus Nixon dans le contrôle des naissances était son utilisation potentielle comme arme dans la Guerre Froide. Le président chargea Henry Kissinger, son Conseiller à la Sécurité Nationale et Secrétaire d’État, de conduire une étude secrète sur le rôle des mesures de contrôle des naissances dans le combat contre le communisme mondial. Kissinger rassembla un groupe d’experts venant du Conseil National de Sécurité (NSC), de la CIA, du Ministère de la Défense, du Département d’État, de l’USAID, et d’autres agences pour se pencher sur la question. Le résultat de l’étude fut publié le 10 Décembre 1974 sous la forme d’un document classifié NSC intitulé “Conséquences de l’Accroissement Démographique Mondial sur les Intérêts américains à l’étranger et pour la sécurité des États-Unis.” Ce document – connu sous le nom de Mémorandum d’Étude de la Sécurité Nationale 200 (NSSM 200), ou simplement Rapport Kissinger – consacrait l’intégration du dogme Malthusien à la doctrine stratégique des États-Unis.
Le NSSM 200 fut déclassifié en 1989. Il est maintenant disponible pour étude. L’examen du document révèle la mentalité Nietzschéenne de ses auteurs qui (acceptant implicitement la thèse communiste) considérait manifestement que les multitudes d’enfants du monde étaient de futurs ennemis de l’Amérique plutôt que des amis, et représentaient des obstacles potentiels à l’exploitation des richesses de la planète, plutôt que des clients, ouvriers et partenaires des États-Unis prêts à participer avec eux à une grande œuvre commune de croissance et de progression de l’économie mondiale. Le mémo recommandait de réguler la population à l’échelle mondiale tout en veillant bien à ce que la responsabilité de ces mesures ne puisse en être attribuée à ses partisans fortunés.
Le 26 Novembre 1975, le NSSM 200 fut officiellement adopté par l’administration Ford. Un mémo complémentaire édité en 1976 par le NSC conseillait aux États-Unis de contrôler les denrées alimentaires pour imposer une régulation démographique à l’échelle mondiale. Il notait aussi l’intérêt de faire usage des pouvoirs dictatoriaux et de la force militaire comme moyens de contraindre les peuples du Tiers Monde à se soumettre aux mesures de régulation démographique, ajoutant :
Dans certains cas il faut être très directif, par exemple attribuer des primes aux volontaires pour la stérilisation, ou prendre des mesures dissuasives comme par exemple accorder une priorité basse aux familles nombreuses pour les allocations de logement ou la scolarisation. De telles mesures coercitives sont la condition sine qua non d’un programme efficace.
Sans la moindre justification, mais bénéficiant d’une organisation remarquable, d’un financement généreux, d’un leadership agressif et d’une armée d’intellectuels respectables au sein de l’administration, le contrôle des naissances était désormais une doctrine inscrite au cœur même des intérêts stratégique de la plus grande superpuissance mondiale. Il était à présent en mesure d’effectuer des ravages à l’échelle mondiale.
Caractéristiques des Programmes de Contrôle des naissances
Sur les milliards de dollars, payés par le contribuable américain, que le gouvernement consacra au programme de contrôle des naissances à l’étranger, une partie fut directement dépensée par l’USAID pour ses propres activités sur le terrain, mais la plus grande partie fut blanchie au travers de toute une série d’agences internationales. Ce type de financement indirect eut pour conséquence que toutes les tentatives de contraindre cet empire du contrôle des naissances à mettre ses activités en conformité avec des pratiques médicales, des règles éthiques et des règles de sécurité reconnus, ou même aux droits humains, se sont révélés vains. Au contraire, en défiance directe des lois votées par le Congrès pour tenter de remédier à la situation, les actes qui ont été, et continuent à être, commis aux frais de l’État sont une atrocité sur une échelle si vaste et diverse qu’elle défie l’imagination. Cela vaut pourtant la peine de tenter de donner au lecteur une certaine idée du mal qui est fait avec son argent. Avant de donner quelques exemples, listons un peu les caractéristiques fondamentales de la quasi totalité des campagnes.
D’abord, elles sont purement dictatoriales. Quand ils vendent ce programme aux Américains, l’USAID et ses bénéficiaires prétendent qu’ils fournissent aux femmes du Tiers Monde le “choix” d’avoir ou non des enfants. Cette déclaration est sans fondement. Comme l’a fait remarquer, de façon incisive, Betsy Hartmann, féministe libérale critique de ces programmes, dans son livre de 1995 Droits et Torts de Reproductions, “le choix d’une femme” doit nécessairement inclure l’option d’avoir des enfants – précisément ce que les campagnes de contrôle des naissances lui refusent. Plutôt que de présenter un “choix” aux individus, l’objectif de ces campagnes est d’ôter à des populations entières leur capacité de se reproduire. Cette politique est menée par les gouvernements des nations, eux-mêmes soumis à la pression de l’USAID ou de la Banque Mondiale, qui établit des quotas de stérilisations, d’implantations de stérilets, ou autres procédures similaires imposées à la population par leurs fonctionnaires. Ceux qui atteignent ou dépassent leurs quotas de “volontaires” sont récompensés ; ceux qui échouent sont sanctionnés.
Deuxièmement, ces programmes sont malhonnêtes. Une pratique courante de la part des fonctionnaires du service de contrôle des naissances consiste à mentir à leurs futures victimes, et objectifs de quotas, quant aux conséquences des opérations qu’elles vont subir. Par exemple le personnel de contrôle des naissances dit souvent aux paysannes du Tiers Monde que les opérations de stérilisation sont réversibles, alors qu’en fait c’est faux.
Troisièmement, ces programmes sont coercitifs. Une autre pratique courante consiste pour les fonctionnaires à utiliser des mesures “d’incitation” et/ou de “dissuasion” pour contraindre les “volontaires” à accepter leur “aide”. Parmi les mesures “d’incitation” fréquemment employées, la promesse ou le refus de primes ou de denrées alimentaires à des personnes qui meurent de faim ou à leurs enfants. Parmi les mesures de “dissuasion” utilisées contre les récalcitrants, le harcèlement personnel, le déni d’emploi, la destruction du foyer et l’interdiction de scolarité, de logement social ou d’assistance médicale.
Quatrièmement, ces programmes sont médicalement irresponsables et font preuve de négligence. Autre pratique courante de ces programmes, ils utilisent du matériel médical défectueux, non testé, dangereux, expérimental ou non autorisé, voire d’instruments dont l’usage a été purement et simplement interdit aux États-Unis. Ils emploient aussi un grand nombre de personnel peu qualifié et non formé pour effectuer des opérations potentiellement susceptibles de mettre en danger la vie des patients, ou de maintenir des équipements médicaux dans un environnement stérile ou même de prendre des précautions médicales courantes. Conséquence, des millions de personnes qui ont été soumises à des opérations de contrôle menées d’une façon aussi irresponsable sont décédées. C’est particulièrement le cas en Afrique, où la réutilisation de seringues hypodermiques non stérilisées dans les cliniques de contrôle des naissances a contribué à la propagation rapide de maladies infectieuses mortelles, dont le SIDA.
Cinquièmement, ces programmes sont cruels, insensibles et portent atteinte à la dignité humaine et des droits de l’homme. Une pratique courante est la stérilisation de femmes à leur insu et sans leur consentement, généralement quand elles sont affaiblies après leur accouchement. C’est presque du viol organisé avec l’accord du gouvernement. Les avortements forcés sont également fréquents. Ces abus ainsi que d’autres atteintes aux droits humains de la part des campagnes de contrôle des naissances ont été attestés sur de nombreuses populations en Australie, au Bangladesh, en Chine, au Guatemala, en Haïti, au Honduras, en Inde, en Indonésie, au Kenya, au Kosovo, en Afrique du Sud, au Sri Lanka, en Thaïlande, au Tibet, aux États-Unis, au Venezuela et au Vietnam
Sixièmement, ces programmes sont racistes. Tout comme le programme mondial de contrôle des naissances était une tentative des gouvernements (dirigés par les Blancs) des États-Unis et des ex-puissances impériales européennes de réduire le nombre des populations non blanches du Tiers Monde, de même, dans chacune des nations ciblées, le groupe local dominant a détourné à son avantage le programme de contrôle des naissances pour tenter d’éliminer les peuples qu’il méprise. En Inde, par exemple, les Hindous de la caste supérieure dirigeante ont porté leurs efforts contre les castes inférieures, les intouchables et les Musulmans. Au Sri Lanka, les Cinghalais Bouddhistes au pouvoir ont tenté d’exterminer les Tamouls Hindous. Au Pérou, les descendants hispanophones des conquistadors ont tenté de limiter la reproduction des indigènes non-Hispaniques à la peau plus sombre. Au Kosovo, les Serbes ont utilisé le contrôle des naissances contre les Albanais, tandis qu’au Vietnam le gouvernement Communiste a pris pour cible la minorité ethnique Hmong, ex-alliés des Américains pendant la guerre. En Chine, ce sont les minorités Tibétaine et Ouighour qui sont victimes des « persécutions démographiques » du gouvernement chinois, des multitudes de femmes Ouighours ont été raflées et soumises à des avortements et des stérilisations forcés. En Afrique du Sud sous l’apartheid, inutile de dire qui était visé par le programme de contrôle des naissances du gouvernement blanc. Dans les divers États d’Afrique Noire, quelles que soient les tribus qui détenaient les rênes du pouvoir, elles utilisaient régulièrement les campagnes de contrôle des naissances pour tenter d’éliminer les tribus rivales héréditaires. Rien d’étonnant à cela. Le Malthusianisme a toujours entretenu des liens très étroits avec le racisme, parce que le désir de contrôle de la population a pour fondement la haine de l’autre.
Le programme de contrôle des naissances a maintenant été mis en œuvre dans plus de cent pays. Nous ne pouvons ici fournir le détail des campagnes entreprises dans chacun d’eux, mais passons en revue trois cas parmi les plus importants et les plus flagrants.
Inde
Depuis l’époque de temps de Malthus, l’Inde a toujours été une cible de choix aux yeux des contrôleurs de population potentiels. Tant les administrateurs coloniaux britanniques que les brahmanes de haute caste qui leur ont succédé au pouvoir après l’indépendance en 1947 considéraient les « masses grouillantes » des classes inférieures de cette nation avec crainte et mépris. Le parti du Congrès de Jawaharlal Nehru (qui a gouverné l’Inde sans interruption pendant les trois premières décennies qui ont suivi son indépendance) avait été jadis considérablement influencé par des contacts avec la société britannique pro-Malthusienne des Fabiens. Des membres notables de l’élite indigène, tels que l’influente et redoutable Dame Rama Rau, avaient été séduits par les idées de l’eugéniste Margaret Sanger, fondatrice du Planning Familial. C’est ainsi que durant les années cinquante et au début des années soixante, le gouvernement indien invita des organisations comme le Conseil de la Population, la Fondation Ford et la Fédération Internationale du Planning Familial à s’installer sur son territoire, où ils pourraient définir comment limiter la reproduction des Dalits, ou « intouchables », du pays. Mais le gouvernement n’alloua aucun fonds public à ces organisations, leur activité resta donc relativement marginale
La situation changea radicalement en 1965, quand la guerre contre le Pakistan déclencha un marasme économique dans le pays, provoquant la perte des récoltes et l’effondrement des revenus. Quand le premier ministre Indira Gandhi – la fille de Nehru – prit ses fonctions en janvier 1966, il manquait à l’Inde vingt millions de tonnes de grain et elle n’avait plus assez d’argent pour acheter des stocks de substitution sur le marché mondial. Elle n’eut d’autre choix que d’aller quémander de l’aide alimentaire aux États-Unis.
Il y avait beaucoup de choses que les États-Unis auraient pu demander à l’Inde en retour, comme de soutenir l’Occident dans la guerre froide (l’Inde était non alignée), et plus particulièrement d’appuyer l’effort de guerre américain au Viêt Nam voisin, un conflit qui montait alors rapidement en puissance. Un des assistants du président Lyndon Johnson, Joseph Califano, suggéra dans un mémo qu’il remit au président que les États-Unis fassent vite un geste et s’engagent à fournir de l’aide alimentaire à l’Inde pour s’assurer de son orientation pro-américaine. En retour il reçut un appel de Johnson l’après-midi même. “Êtes-vous devenu complètement cinglé ?” explosa le président. Il déclara en termes très clairs qu’il n’allait pas “gaspiller l’aide étrangère américaine pour des nations qui refusent de traiter leurs problèmes de surpopulation.”
Indira Gandhi arrive à Washington fin mars et rencontra tout d’abord le Secrétaire d’État Dean Rusk, qui lui remit une note exigeant « un effort massif de contrôle de la croissance démographique » comme condition d’obtention de l’aide alimentaire. Puis, le 28 mars 1966, elle eut un entretien privé avec le président. Il n’existe aucun compte-rendu de leur conversation, mais il semble clair qu’elle capitula purement et simplement. Deux jours plus tard, le président Johnson envoya un message au Congrès pour lui demander de débloquer une aide alimentaire pour l’Inde, notant avec satisfaction : « Le gouvernement indien est convaincu qu’il n’y a pas de solution efficace au problème de la faim en Inde sans contrôle de la population ».
Conformément aux dispositions de l’accord, la stérilisation et des quotas de stérilets furent mis en place pour chaque État de l’Inde, et au sein de chaque État pour chaque district administratif local. Tous les hôpitaux du pays virent une grande partie de leurs équipements réquisitionnés pour les activités de stérilisation et d’implantation de stérilets. (Les stérilets fournis au gouvernement Indien par le Conseils de la Population n’étaient pas convenablement stérilisés. Dans la province du Maharashtra, 58% des femmes traitées interrogées ressentirent de la douleur, 24% une douleur intense, et 43% furent victimes de saignements sévères et excessifs). Mais les seuls hôpitaux étaient incapables de remplir les quotas, des centaines de camps de stérilisation furent donc mis en place dans les zones rurales, exploités par du personnel paramédical qui n’avait parfois que deux jours de formation. Des quotas minimums furent fixées pour les infirmiers salariés d’État – ils devaient effectuer chacun 150 vasectomies ou 300 implantations de stérilets par mois, faute de quoi leur salaire serait amputé. Les praticiens privés furent aussi mis à contribution, ils étaient payés à la pièce : 10 roupies par vasectomie et 5 roupies par implantation de stérilet.
Pour attirer les volontaires pour ces opérations, le gouvernement Indien paya chaque province 11 roupies par implantation de stérilet, 30 par vasectomie et 40 par tubectomie. Ces fonds étaient répartis en fonction des particularités du plan de contrôle des naissances du gouvernement de chaque province, une part allait au personnel affecté au programme, une part était dépensée en commissions versées aux “motivateurs” indépendants, une part allait aux primes payées aux “volontaires” et une part finissait dans la poche des fonctionnaires ou à l’usage privé des administrateurs. Les primes typiques attribuées aux volontaires allaient de 3 à 7 roupies pour un stérilet et de 12 à 25 roupies pour une stérilisation. Ces sommes peuvent sembler modestes – une roupie de 1966 équivaut à 65 cents d’aujourd’hui – mais à l’époque, 2 à 3 roupies représentaient une journée salaire pour un ouvrier indien.
Quand ces sommes dérisoires n’étaient pas suffisantes pour attirer les volontaires et remplir les quotas, certains États adoptaient des mesures supplémentaires « d’incitations » : le Madhya Pradesh par exemple privait d’eau d’irrigation les villages qui n’atteignaient pas leurs quotas. Devant la menace de famine, des millions de pauvres n’avaient d’autre choix que de se soumettre à la stérilisation. Comme cette forme de coercition était plus efficace sur les plus pauvres, ce système présentait en outre l’avantage eugénique de se débarrasser en priorité des intouchables.
Les résultats furent impressionnants. En 1961, le nombre total de stérilisations (vasectomies et tubectomies combinées) effectués en Inde avait atteint 105 000. En 1966-67, ce total annuel monta à 887 000, pour atteindre plus de 1,8 millions en 1967-68. Johnson pouvait être fier de lui.
Mais tout en ruinant l’existence de millions de personnes, cette augmentation rapide des stérilisations n’eut que peu d’effet sur la courbe globale de la croissance démographique Indienne. En 1968, Paul Ehrlich écrit dans La Bombe Démographique : « Je n’ai encore rencontré aucun expert dans le domaine qui pense que l’Inde sera autosuffisante sur le plan alimentaire en 1971, ou même qu’elle le sera un jour », ce qui justifiait son appel explicitement antihumaniste : « Nous devons laisser l’Inde faire faillite ». Comme dans tant d’autres domaines, Ehrlich s’était trompé ; l’Inde parvint à l’autosuffisance alimentaire en 1971 – pas par le contrôle des naissances, mais grâce à l’amélioration des techniques agricoles de la Révolution Verte. Peu lui importait. Ceux qui tenaient les cordons de la bourse à l’USAID exigèrent des quotas plus élevés encore. Et ils les obtinrent. En 1972-73, le nombre annuel de stérilisations en Inde atteignait trois millions.
Puis, à l’automne 1973, l’OPEP lança son embargo pétrolier, multipliant, pratiquement du jour au lendemain, les prix du pétrole par cinq. Pour les pays riches comme les États-Unis, le choc financier qui en résulta fut sévère. Pour les pays pauvres comme l’Inde, il fut dévastateur. En 1975, la situation en Inde était devenue tellement grave que le Premier Ministre Gandhi déclara l’état d’urgence nationale et assuma les pleins pouvoirs. Conduite une fois de plus au désespoir, elle se retrouva à la merci de la Banque Mondiale, dirigée par l’hypermalthusien Robert S. McNamara. McNamara fut clair : si l’Inde voulait de nouveaux prêts, Gandhi devait utiliser ses pouvoirs pour régler d’une manière plus radicale le prétendu problème démographique de l’Inde. Elle accepta. Au lieu de mesures incitatives, la force serait désormais utilisée pour exiger l’obéissance. « Certains droits personnels doivent être suspendus, » dit-elle, « pour donner priorité aux droits humains de la nation, au droit à la vie, au droit au progrès. »
Gandhi nomma son fils Sanjay à la tête de cette offensive démographique. Il prit sa nouvelle tâche à cœur. La coercition ouverte devint la règle : la stérilisation devint une condition d’attribution des terres, de l’accès à l’eau, à l’électricité, aux cartes de rationnement et aux soins médicaux, des augmentations de salaire et des permis de cyclo-pousse. Les policiers reçurent des quotas de particuliers qu’ils devaient rafler arbitrairement pour les contraindre à se faire stériliser. On envoya des escadrons de démolition dans les bidonvilles pour raser les maisons – parfois des quartiers entiers – afin que des sections de policiers puissent en chasser les occupants pour les expédier vers des camps de stérilisation forcée. Dans la seule ville de Delhi, sept cent mille personnes furent expulsées de leurs foyers. Beaucoup de ceux qui parvinrent à échapper à la rafle initiale furent privés de logements jusqu’à ce qu’ils acceptent la stérilisation.
Ces attaques provoquèrent de la résistance, des milliers de personnes furent tuées au cours des combats avec la police qui tirait à balles réelles sur les manifestants. Lorsqu’il apparut que les villages musulmans étaient aussi délibérément ciblés, le niveau de violence redoubla. Le village de Pipli n’accepta de se soumettre que lorsque les fonctionnaires menacèrent ses habitants de bombardements aériens. Comme l’expliquait le directeur du planning familial de l’État du Maharashtra, « Vous devez considérer cela comme une guerre… Que cela vous plaise ou non, il y aura des morts ».
Ces mesures portèrent leurs fruits. En 1976, huit millions d’Indiens furent stérilisées. Loin d’être consternés par les violations massives des droits de l’homme commises au cours de la campagne de stérilisation, ses parrains étrangers leur accordèrent leur plein appui. La Suède augmenta son financement du contrôle des naissances en Inde de 17 millions de dollars. Reimert Ravenholt commanda 64 endoscopes modernes – capables de stériliser 12 800 personnes par jour – et se précipita vers l’Inde pour apporter son aide. Le président de la Banque mondiale McNamara était absolument ravi. En novembre 1976, il se rendit en Inde pour féliciter le gouvernement d’Indira Gandhi pour son excellent travail. « Enfin, » dit-il, « l’Inde prend des mesures efficaces pour régler son problème de surpopulation. »
Le Premier Ministre Gandhi obtint ses prêts. Elle fut également chassée du pouvoir en 1977, lorsque, à l’occasion du plus grand scrutin démocratique de l’histoire, le peuple Indien, dans un sursaut d’indignation, infligea une défaite massive à son parti du Congrès au pouvoir depuis trois décennies.
Malheureusement, dans la plupart des pays du Tiers-Monde, les peuples ne bénéficient pas de l’option électorale pour se protéger du contrôle des naissances. Tout aussi malheureusement, malgré la chute du gouvernement Gandhi, la pression financière exercée sur l’Inde par la Banque mondiale et l’USAID continua. Au début des années 1980, dans le cadre d’une politique coercitive de deux enfants par famille, quatre millions de stérilisations étaient effectuées chaque année dans les castes inférieures de l’Inde.
Comme dans l’Inde rurale les fils sont considérés comme essentiels pour continuer la lignée familiale et fournir un soutien aux parents dans leur vieillesse, cette limite conduisit de nombreuses familles à essayer de se débarrasser des filles, souvent par la noyade, l’asphyxie, l’abandon dans les égouts ou les décharges, ou l’incinération sur les bûchers. Plus récemment, la principale façon d’éliminer les enfants du sexe non désiré est devenue l’avortement sélectif, ce qui a modifié de manière sensible le ratio des sexes dans le pays. C’est ainsi qu’en Inde il naît cent douze garçons pour cent filles (bien au-delà du ratio naturel de cent trois à cent six), le ratio est encore plus élevé à certains endroits. Pour avoir une idée de l’échelle à laquelle ces meurtres ont été, et sont toujours, pratiqués, et en se limitant à l’infanticide des filles, il suffit de savoir qu’en Inde aujourd’hui il y a 37 millions plus d’hommes que de femmes.
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Troisième partie en ligne, cliquer ici.
Robert Zubrin est un des rédacteurs à la « Nouvelle Atlantide » (New Atlantis). Cet essai est adapté de son nouveau livre Les Marchands de désespoir : Ecologistes radicaux, Pseudo-scientifiques criminels et le culte Fatal de l’Antihumanisme .
Robert Zubrin, « Le contrôle de la Population Holocaust », la nouvelle Atlantide, numéro 35, printemps 2012.
RT @Contrepoints: L’Holocauste démographique par Robert Zubrin (2eme partie) http://t.co/fVzDAYga
RT @Contrepoints: L’Holocauste démographique par Robert Zubrin (2eme partie) http://t.co/fVzDAYga
C’est juste monstrueux. L’Allemagne nazie a été vaincue militairement en 1945, mais ces éléments caractéristiques de l’idéologie nationale-socialiste, à savoir la priorité donnée à l’environnement sur les droits de l’Homme, la lutte des races pour l’espace vital, et l’attribution d’une « valeur économique négative » ou d’un caractère globalement « nuisible » à certaines ethnies, se sont propagées avec succès dans ces programmes d’aide internationale…
« L’Holocauste démographique par Robert Zubrin (2eme partie) » http://t.co/T6Y3DKk5 via @Contrepoints
Selon les dernières données disponibles, le nombre total de
personnes sous-alimentées, qui aurait atteint 1 023 millions en
2009, devrait tomber à 925 millions en 2010, soit une baisse
de 9,6 pour cent. Les pays en développement représentent
98 pour cent des personnes sous-alimentées dans le monde,
et le taux de prévalence de la sous-alimentation y est de
16 pour cent (figure 2) – contre 18 pour cent en 2009 (et 33% en 1971)
http://www.fao.org/docrep/013/i1683f/i1683f02.pdf
fig 2 page 9