Pourquoi la France sera la prochaine cible des marchés financiers

Quand on constate que le programme du président Hollande prévoit des augmentations d’impôts considérables sans coupes budgétaires, on peut penser que la France a toutes les chances de devenir la prochaine cible des marchés financiers.

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Pourquoi la France sera la prochaine cible des marchés financiers

Publié le 23 juin 2012
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Les marchés financiers réagissent plus favorablement aux plans d’austérité axés essentiellement sur la baisse des dépenses plutôt qu’à ceux qui font la part belle aux augmentations d’impôts. Quand on constate que le programme du président Hollande prévoit des augmentations d’impôts considérables sans coupes budgétaires, on peut penser que la France a toutes les chances de devenir la prochaine cible des marchés financiers.

Par Fabio Rafael Fiallo.

Les pays fortement endettés de la zone euro ne savent plus comment financer leur dette souveraine. Ils annoncent des plans d’austérité mirobolants visant à réduire le déficit budgétaire, l’Allemagne vient à leur rescousse à coup de dizaines, voire de centaines, de milliards d’euros. Rien n’y fait : les marchés financiers ne croient pas à la solidité ni à la soutenabilité des efforts consentis, ou tout au moins promis, et imposent des taux d’intérêt de plus en plus élevés aux obligations d’État de ces pays. En même temps, les plans d’austérité poussent les pays qui les appliquent, et partant l’ensemble de la zone, dans la récession.

La faille, car faille il y a, il faudra la chercher dans l’assortiment de mesures utilisées.

Pour avoir la paix sociale, les gouvernements et parlements concernés ont tendance à couper le moins possible dans les dépenses publiques (fonctionnaires, allocations sociales, retraites) et préfèrent plutôt, autant que faire se peut, augmenter les impôts.

Or, l’expérience montre que les politiques ayant le mieux réussi, aussi bien dans le domaine de la relance économique que dans celui de la recherche de l’équilibre budgétaire, sont celles qui ont entraîné une diminution (et non pas une augmentation) des impôts.

Prenons d’abord le cas d’une crise économique qui, pour être peu connue du grand public, n’en fut pas moins dévastatrice : celle qui frappa l’économie américaine en 1920, avec une chute de 23% de la production industrielle et un chômage passant de 2% à 14% en quelques mois.

Le président américain de l’époque, Warren Harding, décide alors de réduire, et les dépenses publiques et les impôts, et parie sur les entreprises privées pour faire le reste. Résultat : en 1922 la production industrielle augmente de 27% et le chômage retombe à 3% en 1923 [1]

Une dizaine d’années plus tard entre en scène la Grande Dépression. Et avec elle deux présidents interventionnistes : Edgar Hoover d’abord, ensuite Franklin Roosevelt, père du New Deal.

Tous les deux ignorent le succès de la politique de Harding et recourent à un autre genre de mesures : augmentation massive des dépenses publiques, protectionnisme (loi Smoot-Hawley), entraves aux licenciements et aux diminutions de salaires, et augmentation des impôts, via, entre autres, un impôt sur les bénéfices non distribués.

Cette panoplie de mesures volontaristes n’empêche pas l’économie américaine de tomber en 1937 dans ce qu’on appelle une « dépression dans la dépression ». Le Dow Jones chute de 49% entre mars 1937 et mars 1938, la production industrielle se rétrécit de 40% entre août 1937 et janvier 1938, et le chômage grimpe de 14% à 19%.

Le président Roosevelt rectifie le tir et introduit un ensemble d’incitations aux investissements privés et à la création d’emplois par le secteur privé. Parmi ces mesures, mentionnons la libéralisation du marché du travail et la réduction, jusqu’à l’élimination, de la taxe sur les profits non répartis. La reprise économique durable commence à ce moment et non pas – comme on a l’habitude de marteler – lors du lancement en 1933 des grandes dépenses publiques associées au New Deal. [2]

Pour lutter contre la stagflation des années 70, Margaret Thatcher et Ronald Reagan se feront connaître par les réformes structurelles et les baisses d’impôts (encore elles), qui marquent le début d’une période de forte croissance économique.

Contrairement à la diminution des impôts, les dépenses publiques ne s’avèrent pas être un moyen efficace pour relancer une économie. Si c’était le cas, l’économie japonaise – qui a fait un usage démesuré de ce genre de dépenses [3] – ne se trouverait pas dans une léthargie qui dure depuis plus de vingt ans. Et ni la Grèce ni l’Italie, pays où l’État a toujours fait montre d’une grande prodigalité, ne seraient aujourd’hui aux prises avec la récession. Quant à la France, sa légendaire gourmandise en matière de dépenses publiques (56% du produit intérieur brut) ne l’a pas empêchée d’enregistrer ces dernières années une croissance économique poussive, inférieure à celle des pays de la zone euro ayant taillé sur les dépenses, telles que la Suède et l’Allemagne.

Rien d’étonnant qu’une étude menée par les économistes Alberto Alesina et Silvia Ardagna, de l’université de Harvard, couvrant les 107 plans d’austérité des 30 dernières années, signale que les plans les plus efficaces sont ceux qui ont comporté des coupes dans les dépenses publiques sans augmentations d’impôts. L’étude va plus loin encore et souligne que les plans comportant des hausses d’impôts ne parviennent pas à réduire la dette publique et risquent de surcroît de provoquer une contraction de l’économie [4].

Une équipe du Fonds monétaire international arrive à une conclusion semblable : les coupes des dépenses publiques et les réformes structurelles sont les seuls moyens de réduire durablement la dette souveraine d’un pays [5].

C’est pourquoi les marchés financiers – qui ont pour principal souci de recouvrer leurs créances – réagissent plus favorablement aux plans d’austérité axés essentiellement sur la baisse des dépenses plutôt qu’à ceux qui font la part belle aux augmentations d’impôts.

Ainsi, quand on constate que le programme du président Hollande prévoit des augmentations d’impôts considérables (entre autres 28 milliards d’euros de charges supplémentaires sur les entreprises, ce qui fera plomber davantage encore leur compétitivité), et qu’on remarque une frilosité certaine à l’égard des coupes budgétaires, on est en droit de penser que la France a toutes les chances de devenir la prochaine cible des marchés financiers.

—-
Notes :

  1. Alhambra Investment Partners, “A Dearth of Austerity”, 20 mai 2012; et James Grant, “A Cure for What Ails Us”, Wall Street Journal, 8 juin 2012.
  2. Voir Harold L. Cole et Lee E. Ohanian, “New Deal Policies and the Persistence of the Great Depression”, Journal of Political Economy, 2004.
  3. A. Gary Shilling, “Japan’s Unsustainable Debt-Financing Model”, Bloomberg, 6 juin 2012.
  4. Large Changes in Fiscal Policy: Taxes versus Spending.
  5. Paulo Mauro (ed.) Chipping Away at Public Debt: Sources of Failure and Keys to Success in Fiscal Adjustment (John Wiley and Sons, 2011).
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