Les élections sont finies. La poussière des batailles retombe lentement sur le corps électoral et les bouffons qui l’ont agité. La vie peut reprendre son cours normal et les partis politiques peuvent recommencer à croquer dans le bon gros gâteau républicain des subventions…
Et si je parle de « bon gros gâteau », c’est qu’il s’agit d’un mille-feuilles particulièrement copieux de subventions, aides et autres avantages dont disposent les partis politiques, et ce d’autant plus qu’ils ont récupéré un maximum de voix lors des législatives.
Étonnement renouvelé du reste du monde qui ne comprend pas que l’Etat puisse ainsi distribuer de l’argent du contribuable à tous les partis politique, la République est en effet bonne fille : suite aux différents scandales de corruptions, de fausses factures et d’argent détourné pour financer des partis dans les années 80s et 90s, le législateur, dans sa grande lucidité, a décidé qu’il valait mieux détrousser le moutontribuable plutôt que d’aller ouvertement récolter de l’argent auprès de donateurs et d’entreprises, sous le fallacieux prétexte qu’ainsi, les patrons capitalistes voulant jouer la connivence ne seraient alors plus en mesure de distribuer des mallettes de billets aux élus de toutes tendances pour aider leurs projets.
Résultat des courses : la République distribue, bon an mal an, plus de 76 millions d’euros au partis politiques. Et quand on sait que cette manne est directement proportionnelle au nombre de voix récoltées pendant les législatives, on comprend dès lors nettement mieux pourquoi tant de micro-partis ont éclos à chaque élection : la manne est intéressante, puisque chaque voix rapporte 1.69€. Et en moyenne, chaque élu permet au parti de récupérer plus de 42.000€.
À présent, il est intéressant de regarder le devenir d’un billet de 100€ précédemment arraché de la poche du citoyen. Certes, les élections de 2012 ont récemment modifié le découpage du billet, mais on dispose tout de même des chiffres suivants : le PS récolte un peu plus de 37 euros sur ce billet, l’UMP, 24, le Front National presque 10€, le Front de Gauche autour de 5.60€, les écolos récupèrent presque 5€ et le Modem, moins de 2, la monnaie allant à tous les autres partis (NC, PR, PRG, …) qui se bousculent en fin de tableau.
En image, cela donne ceci :
Eh oui.
Magie de l’impôt scotché à la démocratie (et inversement) : le contribuable distribue cette manne qui lui serait bien utile en ces temps difficiles pour, à la place, faire vivre toute une classe politique dont l’étendue des services laisse perplexe. Mais ce n’est pas le plus gênant.
En pratique, le financement des partis politiques français impose donc que des militants défenseurs de la veuve et de l’orphelin, bref, le Camp du Bien (aka Le Parti Socialiste) se retrouvent à distribuer de l’argent à leurs opposants idéologiques de l’UMP. Oui, petit militant socialiste qui me lit, oui, tu donnes bien de l’argent à tous les partis que tu exècres le plus : un paquet à l’UMP, et un autre paquet au Front National.
Alors, heureux de financer les tracts et autres affiches qui vont se retrouver collées sur celles de ton parti ?
Et toi aussi, joyeux apôtre de l’anticapitalisme qui cogne, du Front de Gauche, du PC ou des autres parfums communistes, eh oui, toi aussi tu payes de ta poche les exaspérantes vitupérations du Front National et de sa leader charismatique que tu ne peux pas voir en peinture ! Mieux : quand Mélenchon, ton Messie médiatique, fait son clown à Hénin-Beaumont et attire ainsi la presse en donnant une tribune colorée à Marine Le Pen, il crée les conditions nécessaires d’une victoire d’un autre parti que le sien, augmente sa portée médiatique, et lui insuffle ainsi un paquet de voix qui se traduisent mécaniquement en pognon dont un pourcentage non négligeable vient directement de ta poche.
Et pompon de l’affaire : toi, électeur Vert, électeur Front De Gauche, électeur Modem et électeur de tous les autres partis, tu donnes plus au Front National, au PS et à l’UMP qu’à ton propre parti ! Mais quel plaisir, quand on y pense, de se faire ainsi cocufier, à chaque déclaration d’impôts, par l’ensemble de la classe politique !
Et le plus beau, c’est que ce qui est vrai pour le financement des partis l’est, de façon générale, pour tout le reste du fonctionnement de l’Etat et de son gouvernement : tous ces partis se battent pour plus d’Etat, donc plus d’impôts, et donc plus de cette ponction rocambolesque qui permet à des gens farouchement opposés à la guerre de financer à la fois la guerre et les partis qui sont pour ! Du cléricalisme à l’athéisme de combat, de l’avortement à son interdiction, de la prostitution ou du mariage gay à leur prohibition, chaque assujetti fiscal se retrouve dans la situation où il doit ainsi amputer le fruit de son travail pour financer ceux qu’il abhorre.
Le financement des partis politiques en France, c’est, en quelques principes simples et hideux de socialisation du marché politique, une version miniature de tout ce qu’il y a de plus moralement condamnable dans l’impôt : on contraint ainsi ceux qui sont contre un principe qui les révulse de financer sans en avoir le choix les partis et les associations qui l’incitent ou en font la publicité. Par extension, l’impôt, les taxes et les ponctions deviennent le truchement pratique par lequel ceux qui n’utilisent pas un service devront le payer aussi, et de plus en plus cher, même lorsqu’il ne sert à rien ou qu’il détruit, à petit feu, de la valeur, de l’emploi, de la richesse…
Bah, peu importe ! Les thuriféraires de l’égalisation par l’impôt prétendront qu’ainsi, chacun peut avoir un moyen de répandre ses idées. En général, ils se trouvent vite coincés lorsqu’il s’agit d’idées qui, précisément, sont contraires aux leurs ou les dégoûtent : combien dans l’hémicycle se battent actuellement pour qu’on entende enfin les voix de cette partie du peuple qui a eu le culot de voter pour le vilain parti marron bleu marine ?
Réjouissez-vous, moutontribuables ! Vous tous, démocrates dans l’âme, vous qui voulez tous que l’État règle vos vies, vous participez, de fait, à la montée en puissance de ceux-là même que vous ne supportez pas ! Vous financez leur train de vie, vous financez leurs idées. Et en plus, vous applaudissez lorsqu’ils se payent votre tête !
Génial et vrai