Il arrive un moment où une version fausse des choses dépasse la possibilité de toute correction. Nous avons atteint un tel moment avec l’idée que la crise bancaire a été « causée par la dérégulation ». Même les révélations des dernières 48h (démission du chef de la Barclays dans le scandale LIBOR, NdT) dont les régulateurs sortent plus mal en point que les traders, n’ont pas secoué le narratif dominant.
Par Daniel Hannan, depuis Oxford, Royaume Uni.
Vous pouvez noter qu’il est dur de penser à un secteur plus régulé que les services financiers, à l’exception possible du nucléaire et des médias audiovisuels. Cette industrie est sujette à une interférence en hausse de la part d’enquêteurs nationaux et européens. Ces règlementations ont des conséquences dans le monde réel. Les petites entreprises dans ma circonscription me disent que ça prend typiquement 30 jours pour ouvrir un compte en banque.
Essayer d’avancer cet argument, cependant, est pareil que d’essayer de citer les statistiques officielles sur la dépense publique, qui montrent qu’il n’y a pas eu de coupes nettes depuis Gordon Brown ; ou d’essayer de signaler que beaucoup de députés se sont plutôt bien sortis du scandale des notes de frais. Vous vous retrouvez à raisonner avec une foule de lyncheurs.
Une chose n’en reste pas moins vraie. Les pires scandales ont tous eu lieu depuis l’entrée en force en 2000 de l’Acte sur les Services Financiers et les Marchés. Le pouvoir qu’il accorde à l’Autorité des Services Financiers a eu toutes sortes de conséquences inattendues, comme ses critiques l’avaient prévu. Mais il n’a pas eu les conséquences attendues. Le crash de 2008 a eu lieu sous la garde de la FSA (Financial Services Auhtority, NdT), et cependant, de façon incroyable, les quangocrates (Prestataires dans les délégations de service public au « privé », équivalents d’autocrates – NdT) se sont accordés de gras bonus cette année-là et les années suivantes.
Christopher Booker a trouvé la brillante expression « utiliser un marteau pilon pour rater une noix ». Dans le cas présent, cependant, c’est encore pire que ça. Le nouvel environnement législatif semble, en fait, avoir exacerbé le problème de deux façons. Premièrement, comme les coûts de la règlementation augmentent, les petites banques ont de plus en plus de mal à y faire face. Le système encourage donc les fusions, et ainsi, a créé le phénomène de « too big to fail », qui a été utilisé pour justifier les pitoyables sauvetages.
Deuxièmement, mettre des croix dans des cases a remplacé une culture de conscience par une culture de conformité. Au lieu de se demander « Ceci est-il la bonne chose à faire ? », les gens de la City se sont demandés « Est-ce que ça peut passer aux yeux du régulateur ? ». Quand, comme ça semble être le cas dans l’affaire LIBOR, les régulateurs ont indiqué tacitement qu’ils ne voulaient pas qu’une banque se comporte trop scrupuleusement, les mauvais comportements étaient inévitables.
Peut-être l’aspect le plus déprimant de toute cette affaire est la probabilité qu’il va maintenant y avoir encore plus de règlementation, rendant la prochaine crise du même type plus ou moins inévitable, et, entretemps, enlevant de plus en plus de volume d’affaires de la place de Londres pour l’emmener en Asie.
Nous ne pouvons pas laisser l’enquête à un comité d’autocrates. L’implication de notre oligarchie de service public est une partie du problème, et ne sera pas la solution. Un panel de grands de ce monde mastiquerait en mode loisir un budget colossal avant, au bout du compte, de proposer ce que les autocrates proposent toujours : plus de règles.
Ayons plutôt une enquête menée par des gens qui sont responsables devant nous autres. Qu’elle soit confiée à des députés ayant prouvé, jusqu’ici, leur capacité à avoir raison. J’aimerais voir John McDonnell et Michael Meacher du côté des travaillistes, tous deux comprenant ce qui ne va pas dans un système où les profits sont privatisés et les dettes socialisées. Du côté Tory (conservateurs, NdT), j’aimerais voir Douglas Carswell, dont les propositions de réforme bancaire représenteraient une grande avancée pour rendre de tels scandales impossibles.
Plus que tout, j’aimerais voir l’excellent Steve Baker y prendre part. Aucun député britannique n’a prouvé plus de capacité d’anticipation dans son analyse des faiblesses de notre secteur bancaire. Son projet de loi pour revenir à la vieille notion de responsabilité personnelle pour les directeurs de banques aurait rendu impensables les manigances récentes. Je suis fan d’Andrew Tyrie et de Peter Lilley, les deux présidents évoqués ; mais Steve est le député qui vit et respire « réforme bancaire ».
Quand ils en auront fini, peut-être les députés pourront-ils diriger leur attention vers le boom artificiel du crédit, qui a encouragé le comportement délétère en premier lieu, comme c’est toujours le cas des booms artificiels. Mais c’est une autre histoire.
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Sur le web.
RT @Contrepoints: La « dérégulation » n’est pas la cause des scandales bancaires http://t.co/x1uGtofs
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« Deuxièmement, mettre des croix dans des cases a remplacé une culture de conscience par une culture de conformité. Au lieu de se demander « Ceci est-il la bonne chose à faire ? », les gens de la City se sont demandés « Est-ce que ça peut passer aux yeux du régulateur ? » »
Pas d’accord. Dans une banque, ceux qui « mettent des croix dans des cases » ne sont qu’une partie du personnel des banques, et c’est loin d’être celle qui prend les décisions, et encore plus loin d’être la mieux payée.
Les voyous escrocs au libor n’avaient pas en tête la question « est ce que ça va passer auprès du régulateur ». Ils avaient juste en tête l’assertion suivante : « tout le monde le fait, si je ne le fais pas, je suis un loser ». La grande délinquance est souvent le fait d’effets de groupes et de comportements mimétiques.
La compliance Bale II, Bâle III et autres joyeusetés n’a à mon avis que peu de choses à voir avec le fait atterrant que, dans le cas du scandale du Libor, toute une profession semble avoir oublié de se poser la question : ce que je fais est-il bien ou mal ? Ou simplement : je vole et j’escroque mon prochain, est-ce que j’arrête ou non?
Dire que le régulateur est le seul responsable du scandale planétaire de la manipulation du Libor, c’est un peu comme reprocher aux controles d’identité inutiles la recrudescence des vols de voiture.
Il et hallucinant qu’il ait fallu si longtemps pour que les faits aussi abjects soient découverts. Je n’arrive pas encore à comprendre qu’il n’y ait pas eu de whistleblower dès le tout début, pour aller dire aux policiers qu’il était entouré de voyous et de criminels.
« qu’il ait fallu si longtemps pour que les faits aussi abjects soient découverts »
Probablement pour la même raison que pour l’étouffement de tant d’autres scandales: parce que l’autorité centrale était plus proche des intérêts des criminels que de celui de leurs victimes.
« Vous pouvez noter qu’il est dur de penser à un secteur plus régulé que les services financiers, à l’exception possible du nucléaire et des médias audiovisuels »
Je ne sais pas pour l’Angleterre, mais ici en France le secteur « privé » le plus réglementé c’est l’immobilier.
Pour le système bancaire, comme pour toute l’économie d’ailleurs; la seule solution est la liberté. La liberté qui implique la responsabilité.
Une banque responsable (qui sait que l’état n’interviendra pas pour la sauver si elle a merdé) ne prendra jamais des risques inconsidérés (comme les Subprimes par exemple, ou des lignes de crédits à répétition pour des villes insolvables ou des état, ou des entreprises = affaire Crédit lyonnais et Tapie) …
Par contre une banque qui sait que l’état interviendra toujours peut alors se permettre de prendre tous les risques les plus inconsidérés.
Un parallèle peut être fait avec le secourisme en France.
La France est le pays d’Europe ou il y a le plus d’intervention de secourisme (surtout en montagne) car les secours sont gratuits.
Cela incite les gens à prendre des risques. Car ils savent qu’ils seront secourus, et qu’ils n’auront pas à payer pour cela.
Dans les autres pays, le secours est payant, les gens prennent bien moins de risques. Car ils sont responsables de leurs actes.
« remplacé une culture de conscience par une culture de conformité »
Bien dit.
La maladie de notre temps est la déresponsabilisation, soit le but du socialisme.
Le socialisme n’est autre que la volonté d’abolition de toutes les responsabilités, par un dévoiement de la morale qui fait prendre pour la charité ce qui ne l’est pas.
Ce problème renvoie donc fondamentalement à la déchristianisation orchestrée par l’État socialiste et jacobin, dans le but d’étatiser l’autorité morale.
Les innombrables systèmes socialistes, leur « régulation » (improprement nommée car, comme le montre Pascal Salin, il s’agit de réglementation, la régulation étant ce que produit le marché et la responsabilité), leur égalitarisme, leur culture de l’excuse: Cette passion nihiliste d’abolir la responsabilité est vraiment au coeur du socialisme et produit les mêmes ravages dans tous les domaines.
La réglementation a causé ceci: Des décisions absurdes ont été prises sciemment, des individus ont pris des décisions contraires à leur conscience, des décisions qu’ils savaient mauvaises, mais conforme à des règles.
« Des décisions absurdes ont été prises sciemment, des individus ont pris des décisions contraires à leur conscience, des décisions qu’ils savaient mauvaises, mais conforme à des règles. »
Je ne sais pas à quels scandales vous pensez en disant ça, mais ça ne s’applique absolument pas au scandale du Libor.
Le Libor est fixé d’une manière largement non régulée : par un simple sondage auprès de responsables de moins de deux dizaines de banques. C’est même un cas type d’autorégulation.
Les manipulateurs du Libor ont violé des règles définies par le secteur bancaire lui-même, et non imposées par les pouvoirs publics.
C’est ce qu’il y a de plus grave dans ce scandale : les communistes de tout poil en déduiront qu’il est impossible aux banques de s’autoréguler, puisqu’elles ont été incapables de préserver l’intégrité du Libor, qu’elles fixaient elles mêmes.
« les communistes de tout poil en déduiront qu’il est impossible aux banques de s’autoréguler, puisqu’elles ont été incapables de préserver l’intégrité du Libor, qu’elles fixaient elles mêmes. »
+1 et je parierais que 90% de la population mondiale appartient à la mouvance « communiste de tout poil » et dans ce cas, à juste titre
Au sens ou aucune auto-régulation n’est parfaite (ni aucune régulation, entendons-nous bien), soit. Le problème des gens de votre espèce, c’est que vous acceptez la nullité de la parts de la règlementation étatique, et exigez la perfection de la part de l’auto-régulation. Dans votre esprit, du coup, vous gagnez à tous les coups, bien sûr.
C’est pas faut, après c’est une question de sensibilité.
Pardon, c’est pas faux…