De nombreuses villes américaines ont fait faillite pour avoir pris des engagements intenables en surfant sur le boom immobilier. Quelles leçons pouvons-nous tirer de ces multiples faillites?
Par David Desôteaux, depuis Montréal, Québec.
Imaginez : vous habitez une ville où sévit le deuxième plus haut taux de crimes violents en Californie. Les gangs de rue font la loi dans plusieurs quartiers. Aller chercher une pinte de lait au dépanneur s’avère parfois une aventure.
Et là, vous apprenez que votre ville, pour des raisons budgétaires, va couper le quart de ses effectifs policiers. Vous regrettez soudainement le bon vieux temps où le laitier passait en camion…
Stockton, à l’est de San Francisco, vient de déclarer faillite. À 290 000 habitants, c’est la plus grosse ville à se réfugier sous la protection des tribunaux aux États-Unis. Nous devrions en tirer des leçons.
Le gros party
Au milieu des années 1990, le boom immobilier fait pleuvoir des revenus dans les coffres de Stockton. Celle-ci accorde à ses employés des conditions parmi les plus généreuses — et insoutenables — de Californie. Retraite à 50 ans pour certains, assurance médicale 100 % payée par la Ville pour l’employée et son conjoint, policiers et pompiers qui gagnent à la retraite autant que lorsqu’ils travaillaient… Bref, la totale, explique la vice-mairesse Kathy Miller, dans une série de vidéos sur YouTube.
Les gestionnaires de la Ville ne sont pas en reste. Ils partent sur une « balloune », en pensant que la bulle immobilière va durer éternellement. Développements immobiliers, aréna, mairie à 35 millions $… On n’a pas d’argent, mais on a une carte de crédit !
Soudain, paf ! La bulle immobilière éclate. La récession frappe Stockton comme une tonne de brique. Les saisies immobilières explosent, les revenus de la ville plongent. Le taux de chômage frise aujourd’hui les 20 %.
Résultat : la Ville largue le quart de ses policiers, le tiers de ses pompiers, et près de la moitié du reste des employés. Toutefois, impossible de toucher aux régimes de retraite. Stockton n’a plus d’argent, et craint de coûteuses poursuites par les syndicats (So, so, solidarité, qu’ils disent…)
En 2008, c’était au tour de Vallejo de lancer la serviette. L’auteur Michael Lewis raconte que peu avant la faillite, 80 % du budget de cette ville californienne servait à payer le salaire et les avantages sociaux des employés, surtout pompiers et policiers.
Aujourd’hui c’est Scranton, en Pennsylvanie. La ville n’a plus que 5000 $ dans son compte de banque, selon la chaîne NPR. Le maire n’a plus le choix : depuis vendredi dernier, il paye tous les employés publics… au salaire minimum !
Et nous ?
Nous ne sommes pas la Californie. Mais le destin de ces trois villes devrait, au minimum, nous servir d’avertissement. Une leçon sur ce qui arrive quand on pellette toujours les problèmes en avant. Quand une ville (ou province) refuse d’entreprendre des réformes pendant qu’il est encore temps. Qu’elle laisse des incompétents — corrompus? — gérer ses finances trop longtemps. Qu’elle s’imagine que les revenus du boom immobilier demeureront pour toujours…
Au Québec, on évalue le déficit actuariel des régimes de retraite municipaux à près de quatre milliards $. Et la dette municipale a grimpé de près de 20 % depuis deux ans (notamment dû aux dépenses d’infrastructures). Elle atteint 21 milliards $, notait récemment Peter Hadekel dans la Gazette.
Avec les taux d’intérêt anémiques qui plombent les caisses de retraite, et le vieillissement de la population, les problèmes vont empirer. Les dettes et les promesses de retraite vont nous exploser au visage un jour, nous aussi. Et tous les contribuables devront payer la facture.
Non, nous ne sommes pas la Californie. Mais ça ne nous empêche pas d’avoir la tête dans le sable. Il faudra la sortir un jour. Le plus vite sera le mieux.
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Idem pour la France, où les retraites des fonctionnaires ne sont pas provisionnées.
Un « acquis social » financé par une dette n’est pas un acquis social mais juste une dette, c’est-à-dire un impôt différé.