Convention fiscale franco-suisse sur les successions : le beurre et l’argent du beurre

On en sait désormais un peu plus sur la fameuse convention fiscale sur les successions que nous concoctent les gouvernements français et suisse.

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Convention fiscale franco-suisse sur les successions : le beurre et l’argent du beurre

Publié le 16 août 2012
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On en sait désormais un peu plus sur la fameuse convention fiscale sur les successions que nous concoctent les gouvernements français et suisse. Surtout français visiblement, le Département Fédéral des Finances ayant accepté le rôle de caisse enregistreuse. A priori, toutes les craintes émises par les jeunes libéraux-radicaux se confirment : la France obtiendrait de la Suisse peu ou prou l’entier de ses exigences.

Par Philippe Nantermod, depuis la Suisse.

Certains relativisent la manœuvre en soulignant que l’inversion du principe de fiscalisation au lieu de domicile du défunt s’appliquera de manière réciproque et que la Suisse pourrait devenir plus avantageuse pour d’autres catégories de personnes. À tort.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la convention ne définit pas le lieu de fiscalisation dans les cas successoraux. Au contraire, il prévoit le cumul des impositions suisses et françaises. Il n’est en effet pas question de priver la Suisse de son droit de prélever un impôt successoral, chose que nous savons faire avec modération, mais d’imposer à la fois la masse successorale et les héritiers, au taux forcément le plus élevé des deux pays.

Un exemple est plus parlant. Avec la nouvelle convention, lorsque M. Dupont dont les enfants vivent en France, décède à la Tour-de-Peilz, la masse successorale s’acquitte en Suisse d’un impôt successoral d’un montant déterminé par le canton de Vaud. Le fisc français estime alors ce qu’il aurait prélevé si M. Dupont était passé de vie à trépas en France et pique aux héritiers résidant en France la différence afin de s’assurer que, globalement, ceux-ci sont assujetti à un taux similaire à celui de toute personne mourant en France.

En inversant la situation, si M. Dupont était décédé en France en laissant ses héritiers en Suisse, l’État français se serait gavé au moins aussi largement, simplement grâce à sa fiscalité démesurée, la Suisse n’ayant pas de différence à prélever.

Ce genre de convention de double imposition (qui porte très bien son nom) existe déjà avec les États-Unis qui n’hésitent pas à taxer leurs citoyens à l’étranger, c’est bien connu. La France ouvre une nouvelle brèche très importante en imposant toute personne en fonction du domicile, quelle que soit sa nationalité.

L’éthique fiscale dont se gargarisent avec la plus parfaite mauvaise foi les élites françaises voudrait que l’on décide une fois pour toute quel est l’État qui mérite de prélever l’impôt successoral : celui du défunt ou celui de l’héritier ? En agissant de la sorte, la France montre simplement qu’elle se fiche éperdument de cette soi-disant question morale et ne poursuit qu’un but : saper l’attractivité de la Suisse.

En effet, en reprenant l’exemple ci-dessus, la Suisse aurait tout intérêt à adopter une imposition exactement similaire à celle de la France : l’impôt prélevé serait globalement le même mais le serait exclusivement par la Confédération.

Par ce genre de jeux, la France cherche à créer une harmonisation fiscale dont personne ne veut, et forcément vers le haut. Le but de la République est simple : nous imposer un modèle qui a échoué, nous forcer à adopter sa fiscalité spoliatrice et, corollaire malheureusement nécessaire, sa folie dépensière. Dans la tempête, plus on est de fous, plus on rigole.

Être attractif n’est pas pêcher. Prélever la moitié des biens acquis et imposés durant toute une vie sous prétexte d’impôt successoral me paraît largement plus immoral que de mener une politique des finances saines. En bref, pour la Suisse, entre paradis et enfer fiscal, mon choix est fait. Croisons les doigts pour que le Conseil fédéral se réveille.

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  • bonjour,

    Très bon article, mais la véritable question est: « Pourquoi la Suisse accepte-t-elle cette folie? » C’est ouvrir la boite de Pandore! Pourrait-on penser qu’il pourrait y avoir une votation sur le sujet?

  • Bonjour, corrigez-moi si je me trompe, mais il me semble qu’un traité fiscal ne peut être finalement ratifié par la Confédération qu’après approbation populaire en votation. Est-ce exact?

    Si oui, je doute fort que le peuple Suisse approuve cette folie. En effet, si je comprends bien les termes du projet de convention, ce surcroît de droits de successions serait appliqué par l’administration fiscale Française dès lors que les ayants-droits résident en France. Et ce, sans égard pour leur nationalité.
    En effet, ils pourraient bien être Suisses ou bi-nationaux…

    • Mais d’après ce que j’ai lu, le gouvernement français aurait signifié à la Suisse que cette dernière, d’accord ou pas d’accord, la France adopterait cette mesure. Une mesure unilatérale, en fait. Et que la Suisse en acceptant de « négocier » garde un contrôle (tout relatif) sur cette affaire.

  • Donc que les Suisses le veuillent ou non, ça se fera .

    • Bonjour Pascale. Pardonnez-moi, mais j’ai de la peine à saisir comment la France pourrait appliquer unilatéralement cette disposition.

      Si je ne me trompe pas, l’administration Française ne pourrait être mise au courant de l’existence et du montant d’une succession que par l’administration Helvétique, ce que cette dernière ne ferait pas en l’absence d’une convention ratifié… Me trompe-je?

  • @Nicolas: un tel objet n’est soumis au vote populaire que si 50’000 citoyens le demandent, ce qui pourrait être le cas je vous l’accorde.
    @Pascale: à moins que la Suisse ne fasse jouer certains leviers comme par exemple le gel de la coopération fiscale ou l’imposition des frontaliers…

    • Merci à l’auteur pour la précision de droit helvétique. Dans ce cas de figure, quelle serait la règle pour la ratification? Majorité des votants et des cantons? Ou simple majorité des votants?

      • Lorsqu’il s’agit du référendum facultatif comme dans ce cas, une majorité populaire suffit. C’est lors d’un référendum obligatoire (adhésion à des organisations supranationales ou modification de la Constitution fédérale) que la double majorité est nécessaire.

    • Dans cette situation, ce serait une initiative fédérale (par opposition à cantonale) et c’est 100’000 signatures. Autant dire aucune chance que ça aboutisse car il y a une très petite minorité de personnes en Suisse (il faut être de nationalité suisse pour signer une demande de referendum) qui soit intéressée par un tel sujet. Ca n’en reste pas moins, une nouvelle fois, un délire totalitaire et taxatoire de la part de la République Soviétique de france.

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