Mitt Romney a surpris en choisissant Paul Ryan comme co-candidat et potentiel vice-Président. Pour l’instant, l’aile conservatrice du parti républicain semble satisfaite. Mais cela sera-t-il suffisant pour battre Barack Obama ?
Par Philippe Deswel.
Publié en collaboration avec l’Institut Coppet.
Mitt Romney avait conservé le suspens jusqu’au bout, sans que rien ne filtre. Le secret qui a entouré sa décision avait laissé libre cours à l’imagination. Les observateurs, qui redoutaient un nouveau choix à double tranchant comme celui de Sarah Palin, étaient sur leurs gardes. De nombreux noms circulaient, comme Marco Rubio, Bobby Jindal, le Gouverneur de Louisiane d’origine indienne, ou encore le Général David Petraeus. Aujourd’hui, ce choix semble avoir eu un impact positif au sein des cercles conservateurs, longtemps sceptiques devant sa candidature.
Le ticket de la responsabilité fiscale
Avec cette décision, le candidat républicain a fait le choix de la rectitude budgétaire. Paul Ryan a gagné sa renommée en proposant le Path to Prosperity, un plan budgétaire pour l’année 2012 visant à réduire la dette américaine de façon drastique. Soutenu par le parti républicain, il a été adopté à la Chambre des Représentants avant d’être rejeté au Sénat, tenu par les Démocrates. Ce plan illustrait une opposition de fond avec la manière dont l’administration Obama voyait le futur de l’économie américaine. Choisir Ryan peut donc rassurer l’opinion publique, alors que les différents plans de relance émanant de l’État fédéral pour venir en aide au secteur privé sont désormais perçus comme ayant augmenté le poids de la dette sans perspective d’assainissement fiscal viable – comme dans le cas de l’entreprise énergétique Solyndra ou du plan de soutien à l’industrie automobile.
Avec ce plan, Paul Ryan entendait quant à lui réduire nettement le niveau de dépense publique, avec pour objectif un retour à 20% du PIB issu de la dépense fédérale, la « moyenne américaine. » Dans le cas inverse, il prévoyait un PIB tiré à 45% par de la dépense publique en 2050. Cette philosophie visant à réduire avec vigueur la taille de l’État fédéral a valu à Paul Ryan de fortes sympathies au sein du Parti Républicain, notamment du côté du mouvement Tea Party. Mitt Romney profite ainsi de sa réputation de jeune homme solide et responsable, et de sa bonne image parmi les « conservateurs fiscaux. » Pour Grover Norquist, Directeur d’Americans for Tax Reform et ancien de l’administration Reagan, ce choix éclaire ainsi la stratégie du GOP d’une lumière nouvelle, et pose clairement le débat entre deux choix de société et d’économie.
Un duo du Nord ?
Paul Ryan semble disposer de bien des atouts pour figurer sur le ticket républicain. Il étonne d’abord par sa jeunesse, bien que l’on puisse lui reprocher de n’avoir pas encore fait toutes ses preuves. À 42 ans, il s’agit d’un des candidats à la vice-Présidence les plus jeunes, un facteur qui peut plaire à l’électorat et contraste avec l’expérience McCain de 2008. En 1988, Dan Quayle avait quasiment le même âge lorsqu’il était candidat à la vice-Présidence aux côtés de George Bush père, année où le parti Républicain l’avait emporté. Aussi, son discours cristallise les préoccupations économiques de la mouvance Tea Party et des Américains nostalgiques de l’ère Reagan. En outre, il rassure l’électorat indépendant par sa rationalité, alors que cette frange de la population sera l’une des clefs de cette élection. Il est au demeurant élu du Wisconsin depuis 1999 à la Chambre des Représentants, gage d’expérience politique.
En revanche, la question de la capacité du nouveau ticket à attirer l’électorat religieux ainsi que celui du Sud reste posée. Paul Ryan faisant partie de la communauté catholique, sa présence pourrait rassurer les électeurs chrétiens reprochant à Mitt Romney sa foi mormone. Néanmoins, le fait qu’il soit issu du Mid-West, et en particulier de l’État du Wisconsin, situé assez au Nord, n’équilibre pas géographiquement le ticket du GOP. Mitt Romney a souffert durant les primaires d’un déficit de popularité dans les États du Sud, dans lesquels son profil d’homme d’affaires de la côte Est déplaît à une partie de l’électorat traditionaliste. Cela avait été le cas en Caroline du Sud où son rival Newt Gingrich, venu de l’État voisin de Géorgie, l’avait emporté.
L’économie pour priorité, au risque d’occulter les autres thématiques
Les deux personnalités s’équilibrent-elles ? De fait, ce ticket est avant tout centré sur les questions économiques, avec l’expérience d’entrepreneur et d’homme d’affaires à succès de Romney ainsi que le discours de responsabilité budgétaire et fiscale de Ryan. Le candidat du GOP fait le pari que l’économie restera la première priorité de l’électorat à l’heure du vote, d’autant que les derniers chiffres du chômage ou de l’activité économique sont trop décevants pour permettre au Président Obama de reprendre la main sur cette question. Mais le ticket manque d’expérience sur des thématiques comme la sécurité, la politique énergétique ou les affaires étrangères. Un autre choix de VP aurait permis d’apporter un contrepoids à la vision avant tout centrée sur la croissance et l’emploi de Mitt Romney.
Par ailleurs, la capacité de Paul Ryan à séduire durablement et largement les électeurs reste à prouver. Il est expert des questions budgétaires, qui ne sont pas toujours celles qui parlent le plus au grand public. Un effort conséquent de pédagogie sera nécessaire au cours des prochains mois. Ryan pourrait apparaître comme une sorte de « Monsieur Chiffres » difficile à comprendre s’il développe trop son approche en matière de dette, de dépense publique et de déficit.
De même, la volonté de Paul Ryan de réformer le système de sécurité sociale de façon radicale pourrait effrayer une partie de la catégorie des seniors, qui ont peur pour l’avenir de leurs retraites et leur accès aux soins médicaux. Paul Ryan constate les manques du système actuel : pour 1 dollar dépensé par le contribuable en impôts, 68% de cette somme contribue à payer pour Medicare, Medicare et les intérêts de la dette. Selon lui, ce montant pourrait atteindre 100% en 2025 si aucune réforme n’est engagée. Il critique aussi l’Obamacare, qui crée des panels de bureaucrates à la fois entre Medicare et le contribuable et entre Medicare, les fournisseurs de soins et les patients. Cette réforme ne peut selon lui que contribuer à augmenter le prix des prestations de santé, sans améliorer la qualité du service rendu.
Ainsi, l’apparition de Paul Ryan comme colistier sur le ticket du GOP constitue un choix stratégique intéressant pour Mitt Romney. Jeune, entreprenant, il a développé un discours de responsabilité fiscale et budgétaire qui plaît à l’électorat conservateur. La clarté et la vigueur de son approche contrastent avec la vision souvent jugée trop modérée de Mitt Romney. Néanmoins, cette focalisation sur l’économie, qui reste une grande priorité en ces temps de difficultés économiques outre-atlantique, oblige le ticket à défendre un message clair et compréhensible par tous sur ce thème parfois technique aux yeux de l’électorat, mais tout à fait essentiel. Cette « équipe du retour de l’Amérique », expression empruntée à Ronald Reagan, a jusqu’en novembre pour montrer sa capacité à travailler en symbiose et à défendre une vision alternative à celle de l’équipe sortante.
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Publié initialement sur Le bulletin d’Amérique, un projet de l’Institut Coppet.
Une bonne analyse, merci