Un marché libre est toujours régulé par des mécanismes systémiques. Et les réglementations de l’État viennent les dérégler plutôt qu’autre chose.
Par Sheldon Richman, depuis les États-Unis.
La plupart des gens croient que l’État doit réguler les marchés. La seule alternative à un marché régulé, pensent-ils, est un marché déréglé. C’est la loi du tiers exclu. Un marché est soit régulé, soit ne l’est pas.
Capitalisant sur l’idée reçue que tout ce qui est dérégulé est désordonné et donc mauvais, les partisans de la régulation par l’État avancent qu’un marché dérégulé est une abomination. Ce point de vue se reflète dans les sculptures jumelles trônant face au bâtiment de la Federal Trade Commission à Washington (l’une se trouve du côté de Constitution Avenue, l’autre côté Pennsylvania Avenue). Les sculptures, qui ont remporté une compétition artistique menée par le gouvernement fédéral pendant le New Deal, représentent un homme empêchant de toute sa force un cheval de se déchaîner.
Leur titre ? « Man Controlling Trade » (NdT : littéralement : l’Homme contrôlant le Commerce).
Dans la mesure où le commerce n’est pas vraiment un cheval sauvage mais bien plutôt une activité pacifique et mutuellement bénéfique entre les hommes, le but de la propagande du gouvernement Roosevelt est clair. Un titre plus franc aurait été « L’État contrôlant les Hommes ». Mais ça aurait pu sembler un peu autoritaire même dans l’Amérique du New Deal, d’où la métaphore du cheval sauvage.
Un cercle carré
Ce qui est passé sous silence, intentionnellement ou non, c’est que l’alternative ne comporte pas une économie régulée par l’État face à une économie dérégulée. En fait, une « économie dérégulée », comme un cercle carré, est une contradiction dans les termes. Si elle est vraiment sans régulation, ce n’est pas une économie, et si c’est une économie, elle a forcément des régulations. L’expression « marché libre » ne signifie pas sans régulations. Ça veut dire libéré de l’interférence de l’État, à savoir de la spoliation légale et des autres agressions de la force publique.
Ludwig von Mises et F.A. Hayek ont fait remarquer il y a des années de cela que le vrai problème de la planification centralisée n’est pas de planifier ou de ne pas planifier, mais plutôt qui planifie, un corps centralisé de fonctionnaires, ou bien les individus qui participent au marché de façon décentralisée ?
De la même manière, la question n’est pas de réguler ou de ne pas le faire. La question est plutôt : quelle est l’origine de la régulation ?
Tous les marchés sont régulés. Dans un marché libre, nous savons tous ce qui arrivera si quelqu’un demandait, mettons, 100 dollars pour une pomme. Il en vendrait fort peu parce que (avec les conditions de marché actuelles), quelqu’un d’autre en demanderait moins cher ou, à défaut, les consommateurs se rabattraient sur d’autres produits. « Le marché » ne permettrait pas au vendeur d’écouler ses pommes à 100 dollars.
De même, dans un marché libre, les employeurs ne réussiraient pas à offrir un dollar de l’heure, ni les travailleurs à demander 20 dollars de l’heure, pour un travail qui rapporte 10 dollars de l’heure. S’ils essaient, ils verront vite leur erreur, et en apprendre.
Et encore une fois, dans un marché libre, un employeur qui soumettrait ses employés à des conditions de travail dangereuses sans compenser ce danger de façon adéquate à leurs yeux les verrait fuir vers ses concurrents.
Les forces du marché
Qu’est-ce qui régule la façon dont ces gens se conduisent ? Les forces du marché ? (Je continue à spécifier « dans un marché libre », puisque dans une économie régulée par l’État, les forces du marché et de la concurrence sont affaiblies voire supprimées.) D’un point de vue économique, les gens ne peuvent pas faire n’importe quoi et s’en tirer à bon compte sur un marché libre parce que d’autres gens sont libres de les contrer et qu’il est dans leur intérêt de le faire. C’est en partie ce que nous entendons par « forces de marché ». Ce n’est pas parce que l’État empêche un vendeur de demander 100 dollars pour une pomme qu’il pourra extorquer un tel montant. Les forces de marché régulent le vendeur aussi étroitement que n’importe quel bureaucrate ; et mieux, en vérité, parce qu’un bureaucrate peut se laisser corrompre. Mais qui corrompre pour être exempté de la loi de l’offre et de la demande ? (Vous pourriez certes corrompre suffisamment de législateurs pour obtenir que la législation vous protège de la concurrence, mais ça reviendrait à abolir le marché).
Pourtant, il n’est pas indifférent que la régulation passe par les agents de l’État ou les forces du marché. Les bureaucrates, qui ont forcément une connaissance limitée et des incitations perverses, régulent par la menace de la force physique. À l’opposé, les forces du marché opèrent de manière pacifique à travers la coopération de millions de participants, chacun avec une connaissance intime de leur situation personnelle et recherchant leur propre bien-être. La régulation bureaucratique a toutes les chances de manquer de pertinence ou, plus probablement encore, d’ignorer ce dont les gens se soucient. Ce qui n’est pas le cas de la régulation par les forces du marché.
Si tout cela est correct, il ne peut exister de marché sans régulation et sans entraves. Ces termes ne sont utilisés que pour parler de marchés qui ne sont pas régulés ou entravés par l’État. Tant que nous savons de quoi nous parlons, ces expressions sont inattaquables.
Sauf que tout le monde ne sait pas de quoi nous parlons. Quelqu’un qui n’est pas familier des régularités naturelles des marchés libres peut trouver terrifiante l’idée d’une économie dérégulée. Et il incombe donc aux partisans du marché libre d’être capables d’expliquer clairement l’idée de l’ordre spontané du marché ; c’est-à -dire d’un ordre qui est le produit de l’action humaine, mais pas d’un dessein humain (pour reprendre l’heureuse formulation d’Adam Ferguson). C’est contre-intuitif, et il faut donc de la patience pour l’expliquer.
Des fins et des moyens
Cet ordre prend ses racines dans les forces du marché. Mais d’où viennent ces forces ? Elles sont le résultat de l’action humaine. Les individus choisissent leurs fins, et cherchent à les réaliser en adoptant des moyens adaptés. Puisque les moyens sont limités et que les fins sont illimitées, les individus économisent leurs forces pour accomplir plus plutôt que moins. Et ils cherchent toujours à échanger ce qui a, à leurs yeux une valeur moindre contre ce qui a,, pour eux, une plus grande valeur, et jamais l’inverse. Dans un monde de rareté, les choix sont inévitables, et on cherche donc à obtenir ce qui a le plus de valeur plutôt que ce qui en a moins. (Le partenaire, dans l’échange, fait pareil.) Tout ceci, ainsi que d’autres caractéristiques de l’action humaine et du monde en général, est ce que nous appelons les forces du marché. Mais en fait, ce sont juste les hommes et les femmes qui agissent rationnellement dans le monde.
L’ordre social naturel passionnait Frédéric Bastiat, l’économiste libéral français du dix-neuvième siècle. Dans ses Harmonies Économiques il a analysé cet ordre, mais n’a pas ressenti le besoin de prouver son existence ; il avait juste besoin de le faire remarquer. « L’habitude nous a tellement familiarisés avec ces phénomènes, que nous n’y faisons plus attention, pour ainsi dire, à moins qu’ils n’aient quelque chose de brusque et d’anormal qui les impose à notre observation, écrivait-il. […]Il faut donc que le mécanisme social soit bien ingénieux, bien puissant, puisqu’il conduit à ce singulier résultat, que chaque homme, même celui que le sort a placé dans la condition la plus humble, a plus de satisfactions en un jour qu’il n’en pourrait produire en plusieurs siècles. […] En vérité, tout cela a-t-il pu se faire, des phénomènes aussi extraordinaires ont-ils pu s’accomplir sans qu’il y eût, dans la société, une naturelle et savante organisation qui agit pour ainsi dire à notre insu ? ».
C’est la même leçon qu’enseignait Leonard Read, le fondateur de la Foundation for Economic Education, dans « Moi, le crayon ».
La plupart des gens attachent de l’importance à l’ordre. Le chaos fait obstacle au développement humain. Ainsi, ceux qui ne saisissent pas que, pour le dire comme Proudhon, contemporain de Bastiat, la liberté est mère et non fille de l’ordre, seront tentés d’être favorables à un ordre imposé par l’État. Quelle ironie, alors que l’État est le plus grand de tous les créateurs de désordre.
Ceux d’entre nous qui comprenons les enseignements de Bastiat réalisent combien il est urgent que les autres le comprennent à leur tour.
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Article paru sur Reason.com sous le titre The Free Market Doesn’t Need Government Regulation
Traduction : Benjamin Guyot pour Contrepoints
RT @Contrepoints: Le marché libre n’a pas besoin que l’Etat le réglemente Un marché libre est toujours régulé par des méc… http://t.co …
RT @Contrepoints: Le marché libre n’a pas besoin que l’Etat le réglemente Un marché libre est toujours régulé par des méc… http://t.co …
Excellent article!
RT @Contrepoints: Le marché libre n’a pas besoin que l’Etat le réglemente Un marché libre est toujours régulé par des méc… http://t.co …
Petit problème dans l’économie de marché : les frontières et législations locales. Un ouvrier non qualifié en France ne peut demander 1500€ par mois car un ouvrier non qualifié en Chine est ok pour 300€. Or, il ne peut pas, pour un million de raison aller travailler en Chine. S’il faut une économie libérée, toutes les contraintes inter-étatiques doivent soit tomber, soit être proportionnelles…
Mpotolov, les deux ouvriers ne font pas jeu égal. L’ouvrier chinois est fort loin, ce qui engendre des coûts de transport, et une plus faible réactivité face à la demande. Qui plus est, il a accès à moins de capital : des infrastructures globalement inférieures, des machines moins performantes, un capital humain moins bon aussi (en termes d’éducation et de santé, notamment).
Donc, l’ouvrier chinois ne va pas voler le boulot du Français (comme l’explique un récent article paru ici-même). Sinon, toute l’industrie du monde se serait déjà délocalisée aux endroits du monde où les ouvriers sont les moins chers (le Bangladesh et le Malawi, je crois).
Enfin, le rôle des Etats se limite à respecter l’infrastructure fondamentale que constitue le règne du droit, et à veiller à ne pas décourager l’entreprise (là encore, un très bon article récent paru sur Contrepoints explique les bienfaits de la concurrence, notamment fiscale, entre Etats).
L’occident ne joue pas avec la chine à jeu égal. Et ce n’est pas une question de salaires (en tout cas pas uniquement).
L’ouvrier, l’agriculteur, l’employé chinois financent à perte (pour eux) l’économie chinoise. Le peu qu’il a, il l’épargne pour assurer comme il peut sa retraite, ses temps de maladie et les études de son enfant. Ils n’ont aucun moyen de faire fructifier cette épargne qui, au mieux, reste constante avec l’inflation.
Avec cette manne, les grandes entreprises d’Etat bénéficient d’une source de capitaux, à des taux virtuellement négatifs. C’est une oppression douce qui empêche toute accumulation de capital par les pauvres.
Les 170 millions de chinois « classe moyenne » ne sont qu’un immense village potemkine, au milieu d’un neuf fois plus immense océan de pauvreté et d’exploitation par une clique communiste écoeurante de suffisance et de médiocrité. Du Stalinisme doux en quelque sorte.
Rappel : PIB/H de la Chine = PIB/H du Zimbabwe.
L’histoire jugera sévèrement les chefs d’entreprise occidentaux collabos qui se sont fait des couilles en or en faisant des affaires avec les pontes communistes du PCC, aidant ainsi sa survie pendant des décennies.
A tout les communisto-sinolâtres : rappelez vous que mon post, en Chine communiste, serait censuré et que je serais sans doute arrêté. Voire le webmaster de Contrepoints.
« Rappel : PIB/H de la Chine = PIB/H du Zimbabwe. »
Effectivement cela n’a rien d’étonnant puisque le communisme (même un petit peu) n’a jamais enrichi sa population.
« L’histoire jugera sévèrement les chefs d’entreprise occidentaux collabos qui se sont fait des couilles en or en faisant des affaires avec les pontes communistes du PCC, aidant ainsi sa survie pendant des décennies. »
Cela a bien servi aux entreprises sur le court terme ou moyen terme d’avoir un Etat communiste en Chine.
Mais je pense que NON, LA CHINE NE S’EST PAS ENCORE REVEILLEE. Lorsque le régime implosera, et avec un peu de chance, les chinois se tourneront vers la liberté, comme l’on fait les pays de l’ancien bloc soviétique (sauf les russes eux-même).
J’espère toujours que le moment est bien arrivé, avec une population plus instruite, relativement plus riche et éduquée, et donc mécaniquement avec une envie de se créer une autre vision de la politique.
Koris : « Lorsque le régime implosera, et avec un peu de chance, les chinois se tourneront vers la liberté, comme l’on fait les pays de l’ancien bloc soviétique (sauf les russes eux-même). »
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Pas la peine d’inventer un scénario à 2 balles, l’évolution de la Chine se fera comme celles qu’on CONSTATE déjà dans les pays voisins qui ont connu une hausse spectaculaire de la prospérité : une démocratisation progressive (je parie sur moins de 20 ans) avec l’introduction du multi-partisme comme à Taiwan, Corée du Sud, Singapour, Malaisie, Indonésie…
L’Histoire, c’est pas fait pour les chiens, même si visiblement, elle fait mal au Q de certains ignares qui voudraient bien que ça se passe autrement.
Quant on est capable de croire que le PIB/H de la Chine = PIB/H du Zimbabwe (pays à >100%/an d’inflation et où un oeuf vaut plus d’un million de $ zimbawéen), on arrête de faire de la futurologie et on enlève ses oeillères.
« Rappel : PIB/H de la Chine = PIB/H du Zimbabwe. »
Hein ?! PIB PPA/H de la Chine = 8500 $ / PIB PPA/H du Zimbabwe = 500 $
Autant de différence qu’entre la France et le Tchad.
PArdon, Namibie, pas ZImbabwe!
PIBH :
Namibie : 4650$ en 2010
Chine : 4260$
http://siteresources.worldbank.org/DATASTATISTICS/Resources/GNIPC.pdf
Mais merci d’être allé vérifier. Ca m’apprendra a me fier à ma mémoire.
Armand Losserant : « Rappel : PIB/H de la Chine = PIB/H du Zimbabwe. »
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Abruti de gauchiste !
PIB/H de la Chine = 4 382
PIB/H du Zimbabwe = 594$
http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_PIB_%28PPA%29_par_habitant
C’est bien la première fois qu’on me traite de gauchiste.
Mais abruti je suis d’accord.
Mille pardons, c’est la Namibie dont j’avais lu le nom, et ma mémoire l’a transformée en Zimbabwe, ce qui est peu pardonnable.
Ceci dit mes sources à moi, c’est la banque mondiale, pas wikimerdia.
PIBH :
Namibie : 4650$ en 2010
Chine : 4260$
http://siteresources.worldbank.org/DATASTATISTICS/Resources/GNIPC.pdf
Oupppss pan sur le bec. C’est la Namibie, pas le ZImbabwe!
PIBH :
Namibie : 4650$ en 2010
Chine : 4260$
http://siteresources.worldbank.org/DATASTATISTICS/Resources/GNIPC.pdf
Une question qui subsiste dans mon esprit : L’ordre spontané n’est-il pas la conséquence d’un ordre minimal ? L’ordre spontané ne suppose-t-il pas des règles minimales ? comme la défense de la propriété ?
@Quentin Vlx
L’ordre spontané dépend de ***règles*** minimales en effet, mais il peut survenir d’un désordre (exemple des sardines qui s’assemblent en banc ou des oiseaux en nuée). Et le résultat peut être un ordre très complexe, comme une colonie de fourmis ou de termite.
L’article de Wikibéral sur ce sujet est (comme d’habitude) très bien fait.
plus rien à mentionner car la vérité se trouve dans la contestation des opinions qui ont toujours manié nos esprits. très bel article.