Lorsque les corporatistes sociaux-démocrates de la droite faisaient de l’économie, ce n’était pas triste : florilège d’affaires, pluie de taxes et d’impositions diverses, dérive budgétaire générale, gabegie, bref, la panoplie complète. En mai, changement de décor, d’équipe, changement de tout et changement pour maintenant : les socialistes prirent le pouvoir, et on allait voir ce qu’on allait voir. En trois gros mois, on a vu.
Et la conclusion est assez limpide : l’économie par les sociaux-démocrates de gauche, ça ressemble si furieusement à l’économie des sociaux-démocrates de droite qu’on a finalement bien du mal à voir la différence.
Pour ce qui est du contexte, il est assez similaire à celui du début de mandat du précédent guignol : crise, excitations financières, chômage qui grimpe. On dépasse même les trois millions de chômeurs avec fougue, tact, doigté et cette quasi-absence de décontraction qui laisse penser que nos élites s’en soucient tout de même un peu. Heureusement, un peu d’économie à la mode socialiste nous permettent déjà d’esquisser les pistes d’une vraie solution. Et c’est Eric Heyer, économiste à l’OFCE, qui s’y colle dans une interview parfaitement éclairante accordée au Nouvel Observateur : pour éviter la grosse gamelle, il faudra et il suffira que la puissance publique crée beaucoup plus d’emplois jeunes que ce que propose le gouvernement. Et puis, bien sûr, comme réduire le temps de travail, ça marche du tonnerre de Zeus, on va en remettre une couche :
… le gouvernement français va dans ce sens : en supprimant la défiscalisation des heures supplémentaires, il espère que cela poussera certaines entreprises à embaucher. Il va aussi un peu s’ouvrir au chômage partiel, mais ce ne sera pas le principal moyen, puisqu’il a opté pour la 2e stratégie : en 2013, il devrait y avoir 100.000 emplois d’avenir, essentiellement dans le secteur public.
Eh oui : c’est ça, l’économie socialiste ! Plus de travail ? Le chômage qui monte ? Il suffit d’un côté de créer des postes ex nihilo, pouf, comme ça, et de l’autre de diminuer encore le temps de travail, parce que c’est bien connu, c’est ce qui fonctionne à tous les coups. D’ailleurs, on se demande pourquoi ils n’imposent pas la semaine de 20H : avec un tel volant d’heures libérées, les trois millions de chômeurs ne suffiraient pas à remplir les nouveaux emplois dégagés ! Et puis, de fil en aiguille, on aboutira certainement, à terme, à interdire les licenciements ou la notion même de chômage, et c’en sera fini une fois pour toute de ces tristes nouvelles aux JT.
Mais l’économie à la mode PS, c’est aussi l’application concrète des programmes électoraux, notamment ce point dans lequel le président normal ne voulait pas entendre parler de sauvetage des banques avec l’argent du contribuable. Président übernormal qui va donc devoir trouver un moyen astucieux, rigolo et pas trop visible pour sauver le Crédit Immobilier de France, dont le passif atteint de coquets records. En attendant que l’État n’intervienne surtout pas avec l’argent gratuit des poches citoyennes, le gouvernement fera – bien sûr – ce qu’il faut pour éviter que le patron de l’établissement s’en aille après si piteuse aventure avec un gros paquet d’euros bien ficelés. Ce serait un scandale, et il n’y aura pas de scandale dans un quinquennat que notre président veut irréprochable.
Bah ouais, c’est ça, l’économie sauce socialiste : on ne laisse rien passer !
Et tant qu’à parler de banques, de finance et de petites collusions entre amis, l’économie en mode Parti Socialiste aux commandes, c’est tout sauf le trafic d’influence. Il ne viendra certainement pas à l’idée d’un ministre, fut-il redressé et productif, de faire placer sa compagne à la direction d’un journal branchouille, propriété d’un riche banquier d’affaire, en échange pour ce dernier d’un mandat pour lui et sa banque dans la création de la fameuse Banque Publique d’Investissement. Ce serait à la fois trop gros, et tellement imbibé de conflit d’intérêt et de petits bisous en coulisse que la presse, neutre et âpre au travail, ne pourrait laisser passer : un tel soupçon, même aussi léger, ne pourrait entâcher un quinquennat que, j’insiste, notre président veut irréprochable.
En tout cas, une chose est sûre : le ministre, tout dressé et plein de vigueur reproductive, a clairement fait part de sa désapprobation de tout ce montage. Il a même expliqué sa vision toute personnelle de ce que devait être cette banque d’investissement, manifestement au cœur de toutes les magouilles discussions :
« La Banque publique d’investissement, je trouve qu’elle ne peut pas être réalisée par des banquiers, parce que faire une banque qui ressemblerait à d’autres banques, c’est vraiment pas ce que l’on cherche à faire »
Bah oui pardi ! Une Banque qui ressemblerait à une banque et qui serait mise en place par des banquiers, franchement, palsambleu de fouchtra de nom d’une pipe en bois, c’est complètement impensable ! Quel manque cruel de créativité ! Manquerait plus qu’elle doive, de surcroît, respecter les ratios de Bâle III, qu’elle se doive d’avoir une gestion saine, un passif pas trop gros équilibré de façon sereine par un actif flamboyant ! Mais, vous n’y pensez pas ! D’abord, l’argent et le collatéral sain pour abonder à cet actif, si l’État français l’avait, ça se saurait. On fera donc une Banque d’Investissement avec du produit toxicorigolo et de l’ingénierie financière qui sent bon le camouflage. Ensuite, si cette Banque d’investissement doit être gérée comme une vraie banque, cela veut dire qu’elle devra faire la même danse du ventre que les autres pour respecter les dizaines de milliers de lignes du code bancaire. Et comme on est super-charrette à ce sujet, on va devoir prendre des raccourcis. Et puis, il ne faut pas oublier que le but ultime de cet établissement, c’est avant tout le recasage d’amis de longue date, hein.
En somme, ce sera une banque qui distribuera de l’argent gratuit adossé à des collatéraux explosifs mais camouflés, dirigée par un énarque ou une éminence grise d’un sérail politique quelconque. On pressent déjà le fulgurant succès de l’opération. Si cette banque est cotée, vendez-la à découvert, vous ferez des affaires.
Mais l’économie en mode socialiste, c’est bien plus que des emplois d’avenir sous-payés à des jeunes analphabètes dans un service public exsangue et sans intérêt. C’est bien plus que l’application mécanique du principe du Too Fun To Fail, c’est bien au-delà de l’idée même de connivence et de renvois d’ascenseur à rythme industriel.
C’est aussi le désir puissant et impossible à réfréner d’intervenir dans l’immobilier. Ce secteur économique semble marquer le pas, les prix vacillent, la confiance s’évapore ? Vite ! Faisons quelque chose qui a prouvé son efficacité par le passé à tout achever dans la douleur et la dévastation : encadrons les loyers ! Et pour une tâche aussi stupide, pour lancer une idée aussi délétère et si parfaitement contre-productive, qui mieux que Cécile Duflot, la diplômée supérieure de géographie qui place le Japon dans l’hémisphère sud ? Qui mieux que cette crécelle frétillante pour faire n’importe quoi, n’importe comment et laisser derrière elle un champ de ruine avec cette ingénuité dont seul un cuistre politicien peut disposer ?
Bien évidemment, comme on est dans un gouvernement de ventilation et de brassage d’air, on appellera cette mesure « encadrement durable », parce que le foutage de gueule citoyen ne doit en aucun cas être omis, ni même réduit, et particulièrement lorsqu’il s’agit de l’enfler un peu plus de son droit de propriété.
Finalement, l’économie socialiste, c’est tout ça, mais c’est bien plus : c’est aussi et avant tout la foi, chevillée au corps, que l’État et ses thuriféraires doivent absolument intervenir dans les domaines où le moindre frémissement fait jour. C’est, d’abord, cette passion pour l’humain, celui qu’on tripote, qu’on manipule, qu’on dirige, qu’on spolie, qu’on utilise et qu’on abandonne en rase campagne, en slip et avec une bonne parole sur le mode « On part faire deux trois courses et on reviendra vous donner un sandwich dans deux jours. Tenez bon. »
Ce qu’il y a de bien, c’est qu’on a eu différents parfums d’économie socialiste pendant les quarante dernières années. Et pour terminer en fanfare, ce mandat hollandiste sera celui où sera donnée toute la puissance du socialisme de connivence et de l’interventionnisme. L’économie socialiste, on va pouvoir y goûter à fond pendant près de 5 ans.
Youpi, ce pays est foutu.
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Sur le web
RT @Contrepoints: Et maintenant, un peu d’économie socialiste http://t.co/gbAthimQ
RT @Contrepoints: Et maintenant, un peu d’économie socialiste http://t.co/gbAthimQ
Excellent, sans doute le meilleur article a ce jour, selon moi. Nous allons suivre de pres l’evolution de la situation du pays maintenant que les socialistes officiels disposent de tous les pouvoirs possibles. Le premier trimestre donne un apercu interessant de ce qui va suivre. Cela dit, tant que l’attention des marches financiers est focalise sur des pays plus encore en difficulte que nous ne le sommes, les gouvernants de la France peuvent continuer a faire joujou.
Sur Matthieu Pigasse, lire le très instructif « Ils ont acheté la presse » de Benjamin Dormann. Au-delà du conflit d’intérêts évident mentionné ici, le plus étonnant au final est que Lazard ait mis à sa tête quelqu’un d’aussi impliqué dans la vie politique (on n’est plus sur un simple pantouflage à ce niveau-là).
H16 une fois deplus vous avez raison, mais les français pour le moment gobent tout.
Frédéric Bastiat pronostiquait : « Les abus iront toujours croissant, et on reculera le redressement d’année en année, comme c’est l’usage, jusqu’à ce que vienne le jour d’une explosion. Mais alors on s’apercevra qu’on est réduit à compter avec une population qui ne sait plus agir par elle-même, qui attend tout d’un ministre ou d’un préfet, même la subsistance, et dont les idées sont perverties au point d’avoir perdu jusqu’à la notion du droit, de la propriété, de la liberté et de la justice ».
Nous sommes pourtant à un tournant de l’histoire du Monde (la planète, pas le journal subventionné). Voilà pourquoi on nous sert à satiété les projets de grand soir fiscal comme si nous vivions à l’abris de frontières. Ainsi nous risquons de passer à la « lumière » du socialisme à la Solferino. Qu’est-ce que le socialisme ? Outre Yves Guyot (La Tyrannie socialiste, 1893 et Les Principes de 1789 et le socialisme, 1894), Mises (Le socialisme, 1922) et, parmi bien d’autres encore, également Wilhelm Röpke (dans Au-delà de l’offre et la demande, 1958), une réponse particulièrement éclairante a été apportée dès les origines, le 12 septembre 1848, par Tocqueville dans son célèbre discours prononcé à l’Assemblée constituante contre « le droit au travail ». Elle est d’autant plus remarquable qu’elle émane d’un très grand penseur libéral réputé pour sa modération et qu’on a très arbitrairement voulu parfois faire passer pour bienveillant envers cette idéologie. En plus de la volonté destructrice d’étatisation de l’économie, Tocqueville a su d’emblée pointer le projet de contrôle social total de l’individu inhérent au socialisme – ce dont ne se cachaient d’ailleurs nullement ses inventeurs français, Pierre Leroux puis Louis Blanc. Ce texte séminal mérite d’être longuement cité tant il est impitoyablement pénétrant et prophétique :
« [Le socialisme], c’est une attaque tantôt directe, tantôt indirecte mais toujours continue aux principes mêmes de la propriété individuelle ; c’est une défiance profonde de la liberté, de la raison humaine ; c’est un profond mépris pour l’individu pris en lui-même, à l’état d’homme ; ce qui caractérise [les systèmes qui portent le nom de socialisme], c’est une tentative continue, variée, incessante, pour mutiler, pour écourter, pour gêner la liberté humaine de toutes les manières ; c’est l’idée que l’État ne doit pas seulement être le directeur de la société, mais doit être, pour ainsi dire, le maître de chaque homme – que dis-je ! son maître, son précepteur, son pédagogue ; que de peur de le laisser faillir, il doit se placer sans cesse à côté de lui, au-dessus de lui, autour de lui, pour le guider, le garantir, le retenir, le maintenir ; en un mot, c’est la confiscation de la liberté humaine. Á ce point que si en définitive j’avais à trouver une formule générale pour exprimer ce que m’apparaît être le socialisme dans son ensemble, je dirais que c’est un nouvelle formule de la servitude… »
Il faut souligner que ces caractéristiques intrinsèquement perverses du socialisme (surtout version française) rendent d’avance vaines toutes les élucubrations sur la possibilité d’un « socialisme libéral », relevant autant de l’oxymore que jadis celles portant un « communisme à visage humain ».
Oui, Tocqueville et Bastiat avaient déjà tout vu et tout prédit. L’avenir ne s’annonce vraiment pas bisounours.
Je profite de cette tribune pour vous livrer un article de Paul Krugman ici :
http://krugman.blogs.nytimes.com/2012/09/03/britains-paul-ryan/
Qu’en pensez-vous?
Des éléments de réponse avaient été donné dans un édito de mai dernier : les dépenses publiques en volume ont augmenté au UK depuis le début de la crise, en particulier à a fin du mandat de Gordon Brown et au moins jusqu’à fin 2011 (je n’ai pas d’éléments sur 2012). Cela avait également été vu par Charles Gave dans « L’Etat est mort, vive l’état ».
Conclusion : austérité : quelle austérité ? (C’était de mémoire de l’analyse à laquelle renvoyait l’édito de mai).
Petite coquille : Conclusion : austérité : quelle austérité ? (C’était de mémoire LE TITRE de l’analyse à laquelle renvoyait l’édito de mai).
Bonne mémoire, effectivement : http://www.contrepoints.org/2012/05/10/82659-lausterite-quelle-austerite
Ce qui est intéressant à mon avis dans ces chiffres, c’est qu’ils ne disent pas forcément qu’aucun effort n’est fait en matière de contrôle de la dépense : c’est juste que celle-ci a atteint un stade où elle augmente de manière mécanique et qu’il faut des réformes brutales pour la diminuer. L’État social-démocrate est comme un train fou qui ne s’arrêtera que lorsqu’il rencontrera un mur.
Je me trompe ?
Non, c’est assez bien résumé. Entre l’inflation absolument et impérativement nécessaire pour entretenir le système (et éviter qu’il plie d’un coup) qui fait croître artificiellement les budgets et les dépenses, et de l’autre, les nécessaires distributions de prébendes et autres huiles fines dans le moteur social pour éviter qu’il serre, les dépenses ne peuvent plus diminuer de façon importante et sensible sans toucher à des piliers de la société (maladie, chômage, éducation, par exemple). Confrontés à des bidouilles à la marge, le gouvernement ne peut/veut plus rien faire et l’austérité se réduit à une simple et mécanique augmentation des taxes & impôts.
Ah merci. C’est le graph que je cherchais. bonne mémoire, en effet.
C’est consternant. Krugman part du principe que le ministre des finances anglais aurait mis en place l’austérité. Déjà, on pouffe franchement. Et ensuite, partant de cette hypothèse aussi farfelue que fausse et démentie par la réalité navrante des chiffres officiels des dépenses gouvernementales anglaises (et sans même tenir compte du feu d’artifice de déficit que laisse les JO de cet été), le pauvret arrive à la conclusion que l’austérité, ça ne marche pas.
Eh oui : pour Krugman, l’austérité, c’est cette pluie qui assèche les déserts partout où elle ne tombe pas. Krugman ne mérite même pas le papier de recyclage sur lequel il est imprimé.
« l’austérité, c’est cette pluie qui assèche les déserts partout où elle ne tombe pas »
Je retiens l’image. Excellent!
Ca y est! j’ai retrouvé un autre article sur le web ou j’avais déjà vu ce graph. C’est aussi une réponse cinglante à Krugman, ici :
http://cafehayek.com/2012/05/the-slashed-spending-of-european-governments.html
Bonne lecture!
Ca me rappelle une conversation cet été sur la plage avec un vieux copain gauchiste :
– ca n’a pas l’air de s’améliorer l’économie
c’est à cause de l’austérité, ça va casser l’économie, on va en baver
– c’est quoi l’austérité ? (air benêt de circonstance)
euhhhh…
– c’est pas quand l’Etat baisse ses dépenses ?
oui, oui, exactement, on va en baver
– t’es sûr que l’Etat a baissé ses dépenses, t’as vérifé ?
oui, oui, je te jure (sur la tête de ma mère bla bla bla).
C’est dramatique. A propos, h16, petite suggestion : tu devrais leur mettre à tous, sur les photos qui ornent tes éditos, un nez rouge. C’est de circonstance…
Eh bien moi, H16, je le trouve durable. Si.
Oula… pas bon pour le moral de lire les éditoriaux de H16…
« Finalement, l’économie socialiste, c’est tout ça, mais c’est bien plus : c’est aussi et avant tout la foi, chevillée au corps, que l’État et ses thuriféraires doivent absolument intervenir dans les domaines où le moindre frémissement fait jour. C’est, d’abord, cette passion pour l’humain, celui qu’on tripote, qu’on manipule, qu’on dirige, qu’on spolie, qu’on utilise et qu’on abandonne en rase campagne… »