Les Grecs, champions d’Europe de l’évasion fiscale. Mais qui sont-ils plus précisément ? Une nouvelle étude vient éclairer le phénomène et son ampleur, massive.
Par Alexis Vintray.
Chaque année, l’évasion fiscale coûterait 13 milliards € à l’État grec. Un record en Europe, qui suscite jugements hâtifs, amalgames et autres raccourcis. Une étude universitaire vient utilement apporter une analyse fine sur ces Grecs qui se livrent à l’évasion fiscale. Menée conjoitement par Adair Morse et Margarita Tsoutsoura (Chicago Booth School of Business) et Nikolaos Artavanis (Pamplin College of Business, Virginia Tech), cette étude (Tax Evasion Across Industries : Soft Credit Evidence from Greece) apporte des conclusions intéressantes que nous vous présentons ici.
Pour estimer l’évasion fiscale, les coauteurs partent de l’hypothèse que les banques prêtent aux individus en fonction de leurs revenus réels, revenus non déclarés compris. En s’appuyant sur les données contenues dans la base statistique sur l’endettement des ménages d’une grande banque, les coauteurs calculent ainsi une borne basse de 28 milliards € de revenus non déclarés, uniquement pour les self-employed, professions libérales en particulier.
La différence entre les revenus déclarés au fisc et les revenus réels recalculés est extrêmement significative dans de très nombreux cas. Ainsi, les banques grecques ne peuvent prêter de l’argent à un individu si la charge de remboursement dépasse 30% de ses revenus. Pourtant, les Grecs qui exercent une profession libérale déclarent des revenus qui sont tels que leur charge de remboursement atteint 82% de leurs revenus officiels ! Selon l’étude, le revenu réel des self-employed serait de 1,92 fois leur revenu déclaré, dans une estimation conservatrice. En comparaison, le ratio serait de 1,55 au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Selon les auteurs, les banques des pays de l’Europe du Sud, habituées à ces phénomènes, ont même des formules pour ajuster le revenu officiellement déclaré et en déduire le revenu réel : « A number of banks in southern Europe told us point blank that they have adaptation formulas to adjust clientsreported income to the banks best estimate of true income, and furthermore, that these adjustments are speci c to occupations ».
Le cas de certaines professions, expertes en évasion fiscale, est particulièrement révélateur : avocats, médecins ou experts comptables déclarent tous des revenus inférieurs à leur charge de remboursement d’emprunt. Plus précisément, les auteurs estiment que, parmi les self-employed, les champions de l’évasion fiscale sont les médecins et autres professions médicales avec près de 30 000 € dissimulés au fisc grec chaque année. Les ingénieurs et scientifiques sont proches, dissimulant plus de 28 500€ chaque année. Le secteur de l’éducation est troisième, et détenteur du record en évasion fiscale relative aux revenus. Chaque année, ce sont près de 25 000€ non déclarés par employé. Avocats et autres professionnels du droit dissimulent plus de 24 000 € par an.
La faiblesse des mesures prises pour contrer cette évasion fiscale massive tient pour beaucoup à la composition sociologique du parlement : « l’article montre que ce sont les professions représentées au Parlement qui sont en grande partie celles recourant à l’évasion fiscale, même après avoir exclu les avocats. »
À un niveau de taxe de 40%, le manque à gagner fiscal correspondrait à 31% du déficit budgétaire en 2009 (ou 48% pour 2008).
RT @Contrepoints: Qui sont ces Grecs champions de l’évasion fiscale? http://t.co/TKa8vywX #impots #fisc #evasionfiscale